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MRAP 1977 : 40 ans après. Christian DELARUE

samedi 17 février 2018, par Amitié entre les peuples

MRAP 1977 : 40 ans après.

MRAP : Contre le racisme sous toutes ses formes - Christian DELARUE

Eléments d’un exposé pour un débat à Rennes ce samedi 16 février (en matinée, avant les Etats Généraux des Migrations dans l’après-midi).

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Il y a 10 ans j’avais été invité à Privas, comme secrétaire national du MRAP, pour un exposé sur l’antiracisme du MRAP
cf Le MRAP 1977- 2007:contre le racisme sous toutes ses formes, par Christian Delarue - Rennes info
http://rennes-info.org/Le-MRAP-1977-2007-contre-le.html
Les débats du moment était différents de ces derniers mois. J’ai passé beaucoup de temps à suivre les avatars de l’antiracisme politique avec l’affaire sud 93. J’ai même pris des congés pour intervenir.

Ce qui va être exposé ici ce sont les grandes lignes d’un antiracisme universaliste spécifique, celui du MRAP, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (depuis 1977). Je l’inscris dans l’histoire pour mieux appréhender les changements récents, notamment face à l’antiracisme politique (qui n’est pas unique). L’antiracisme universaliste - lui aussi divers -est critiqué comme un « antiracisme moral ». Un certain antiracisme politique est lui critiqué (1) comme particulièrement « campiste » (défense en bloc et de façon a-critique des Suds, ou du « monde arabe » ou de la « communauté musulmane ». Les Suds étant dominés sur plusieurs plans (économique, social, politique, militaire, monétaire, etc) il importe de les défendre, mais tout n’est pas à défendre. Ce qui est barbare doit être combattu. On voit d’emblée qu’il y a des problèmes.

Il s’agit d’un exposé plus long que celui-ci initialement prévu :
Misère de l’antiracisme politique - Défense de l’antiracisme universaliste.
http://amitie-entre-les-peuples.org/Misere-de-l-antiracisme-politique-Defense-de-l-antiracisme-universaliste

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Le MRAP, avant 1972 (loi) et 1977 (congrès) : Retour ligne manuel
 D’abord contre le nazisme puis toute forme de fascisme (le FN né en 1972 regroupe des forces antérieurement actives, pétries de colonialisme, de racisme - anti-arabe et antisémite - mais aussi de sexisme, d’homophobie) Retour ligne manuel
 Contre tout antisémitisme à la sortie de la guerre Retour ligne manuel
 Puis contre le racisme anti-arabe et anti-noir de la période coloniale et de la décolonisation (processus de plusieurs années)

Le MRAP change de nom en 1977 cinq ans plus tard (fin de Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix) . Il s’agit des années charnières de la fin des dernières colonies françaises. Reste les îles en situation fragile dans la République française, tout comme les quartiers populaires que l’on a dit « délaissés » de la République.

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 RETOUR EN ARRIERE : Reprenons le fil historique en plusieurs temps  :

I - L’élargissement du domaine de la lutte

1) Combats antiracistes de type universaliste.

 Montée de l’expression anti-raciste universaliste dans les instances mondiales avec des scientifiques et des juristes (cf dec 1965 : Convention internationale sur l´élimination de toutes les formes de discrimination raciale)
 Loi française de juillet 1972 contre le racisme, contre le négationisme ensuite,
 Congrès du MRAP de 1977 : Contre toutes les formes de racisme venues d’en-haut ou d’en-bas, collectives ou individuelles Retour ligne manuel
 Contre l’Apartheid en Afrique du sud
 Période ou le sionisme est assimilé à une forme de racisme (livre sur ce point)
 Marche de 1983 de Marseille à Paris : le racisme perdure.
 Naissance de SOS Racisme en 1984 et premières divisions entre anti-racistes.

2) Religion et dérive : Autres combats de solidarité sur Rennes

 Lutte contre le Front Islamique de Salut en Algérie (entre 92 et 97 avec un groupe de solidarité contre le FIS à Rennes).
 Prise en compte des intégrismes religieux - celui-là et d’autres - comme forte nuisance sociétale
 Importance de promouvoir l’universalisme des droits et de la laïcité mais aussi combat antiraciste car le racisme perdure tout comme les autres entreprises réactionnaires

II - Nouveaux combats, nouveaux mots ?

3) Autres problématiques antiracistes ou se voulant ainsi.

 2003 : Apparition massive de l’islamophobie comme terme équivalent à anti-musulman mais la critique de l’islam comme religion reste possible.
 2004 : loi contre les signes ostensibles de religion à l’école. Distinction entre sécularisation et laïcité.
 Révolte des banlieues à l’automne 2005 et apparition d’un antiracisme politique (plusieurs en fait pas qu’un seul)
 Appel des Indigènes de la République : PIR
 2006 sort le livre : De la question sociale à la question raciale (Collectif - Didier Fassin et Eric Fassin ce dernier américaniste (ré)introduit la « race » dans l’antiracisme)
 L’intersectionnalité fait son apparition en France (cercles restreints)

4) De nouvelles réponses :

 « La dernière utopie - Menaces sur l’universalisme » par Caroline Fourest en 2009. Un ouvrage sérieux.
 Montée des critères de discrimination ( 21 à ce jour) pris en charge par les textes légaux en France . Certains critères sont plus mobilisés dans les enquêtes que d’autres (cf enquête à Bordeaux)
 Montée du thème de la « diversité » (culturelle et ethno-culturelle)
 Importance des luttes féministes et anti-homophobie

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II - LES COMBATS du MRAP aujourd’hui

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1) Le volet de l’antiracisme universaliste

A) Lutter ici contre le racisme sous toutes ses formes sans raciser

C’est le racisme racise les personnes humaines. Il ne s’agit pas de s’en prendre d’abord à la « racialisation » car c’est surtout le racisme qu’il s’agit de combattre. Mais nous refusons aussi bien la « guerre des races » que le « tri des racisés ».

Certains usent du mot « race sociale » d’une façon aussi rigide et fixe que s’il s’agissait d’une race biologique (qui n’existe pas). Ce concept de « race sociale » est proche de l’essentialisme. Il tend à poser des blancs et des non-blancs.

C’est le racisme qui « racise » les personnes humaines qui deviennent des « racisées ». C’est la mécanique raciste qui produit le racisé comme être humain inférieur, marqué par son défaut essentiel.

Le racisé n’est pas forcément non-blanc. Des blancs juifs peuvent subir l’antisémitisme, sans même un port de kippa. Mais il n’y a certes pas de racisme structuré contre les blancs. On ne trouve que des cas d’injure raciste. Pour autant les Noirs ou les Arabes ne sont pas systématiquement et globalement racisés. Quand aux musulmans, sauf essentialisme, ce sont surtout les intégrismes religieux qui sont visés par la critique. Voir point suivant.

B) Refuser de « communautariser » les musulmans ou d’autres minorités

Pour certains, il y aurait un « problème musulman » ce qui stigmatise tous les croyants. En réponse on trouve le déni d’un quelconque problème. Il y a défense en bloc.

Il faut sortir du campisme, sortir de l’affrontement des communautarismes celui de l’Occident en bloc contre celui des musulmans en bloc, sans distinctions internes. Ce choc des communautarisme est lourd de racisme. Il importe de défendre un antiracisme non campiste, non confusionniste.

On parle plus des musulmans aujourd’hui du fait de l’existence d’une fraction terroriste (cf Daech) . Il n’y a pas que les djihadiste à critiquer . Il y a un « problème des intégrismes musulmans » (trois sortes pour moi). C’est différent . Il y a un problème de l’intégrisme catholique en Pologne et en Irlande. Les protestants peuvent avoir une dérive bigote très conservatrice avec tout ce que cela implique pour combattre l’universalisme des droits notamment entre femmes et hommes.

Il faut distinguer l’emprise de la religion dans la société civile et celle dans l’Etat. Il vaut mieux vivre dans un Etat laïque et universaliste que dans un Etat communautariste (Israel ou Etat musulman)

Pour ma part, et depuis longtemps je critique la religion pour son conservatisme de moeurs mais jamais je ne globalise les croyants. Il importe de ne pas les mettre dans un meme sac communautaire.

Comme dit Alain Gresh à raison sur un point : « on peut être croyant et révolutionnaire ». Mais il n’y a pas que l’anti-impérialisme ou l’anti-capitalisme comme combats d’émancipation à mener. Certains croyants militent contre l’impérialisme mais aussi pour un hyperpatriarcat avec sexoséparatisme et tout le fatras réactionnaire. Il ne faut donc pas mettre dans un « même sac communautaire », le barbare voileur de femme avec le progressiste. Pour ne rien dire ici du terroriste.

Quand aux musulmans, sauf essentialisme des racistes, ce sont surtout les intégrismes religieux et les leaders d’opinions ultra-réactionnaires qui sont visés par la critique. Il y a variété des intégrismes religieux car certains agissent dans la société civile, dans les quartiers populaires et d’autres agissent au plan politique, d’autres enfin préconisent la guerre.

Idem pour la mise en communauté forcée. Il faut penser à l’hétérogénéité de toute communauté religieuse ou autre, et pas seulement en termes de courants historiques reconnus.

2 - Le volet : Amitié entre les peuples

A - Soutien global

Le MRAP soutien les peuples en lutte, pas que le peuple palestinien !

Les peuples entrent en lutte contre les oppressions et dominations de toutes sortes : pouvoir impérial du Nord (économique, militaire,politique), collusion entre les élites du Nord et les élites du Sud au détriment des peuples-classe du sud, montée d’un hyperpatriarcat chez certains intégristes, montée en parallèle d’un féminisme arabe ou du sud contre les oppressions, etc

B - Soutien plus sélectif le cas échéant

J’y vois l’effet de l’ancrage altermondialiste et du combat en pluri-émancipation.

L’option courante du relativisme culturel a ses limites car il y a certaines pratiques odieuses qui ne sont pas admissibles. Je pense aux « campagnes d’hidjabisation » par les islamistes et autres intégristes. Il y a aussi le voilage des gamines de 3 ou 4 ans.

Il importe de soutenir et promouvoir :
 des mouvements sociaux progressistes au sein des peuples opprimés et dominés . De critiquer les fractions réactionnaires et obscurantistes.
 la formation d’ Etats universalistes (droits égaux) et laïques avec si possible un Etat social en charge de la cohésion sociale et de la justice sociale et fiscale (soit la « main gauche » de l’Etat selon Bourdieu)

Christian DELARUE
MRAP Rennes

1) Misère de l’antiracisme politique - Défense de l’antiracisme universaliste.
http://amitie-entre-les-peuples.org/Misere-de-l-antiracisme-politique-Defense-de-l-antiracisme-universaliste

« Nous sommes les indigènes de la République !... »
http://web.archive.org/web/20050308095138/http ://oumma.com/petition-colonisation.php3?id_article=1355