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En défense d’un antiracisme universaliste conséquent, une première critique d’un antiracisme universaliste de pacotille. Christian Delarue

dimanche 5 juillet 2020, par Amitié entre les peuples

En défense d’un antiracisme universaliste conséquent

En défense d’un antiracisme universaliste conséquent à mieux construire, enclencher une première critique d’un antiracisme universaliste de pacotille, en toc ! Premiers éléments d’une reprise collective pour éviter une hiérarchisation des formes de racisme.

L’antiracisme universaliste de pacotille

L’article « L’antiracisme est devenu un racket » (1) qui mélange plusieurs choses pas nécessairement liées (comme marxisme et antiracisme politique), confirme bien - un bel exemple - ce que j’appelle « l’antiracisme universaliste de pacotille » au sens ou il sous-estime l’existence du racisme en ne voyant pas « l’iceberg raciste » (les idées et propos racistes bruyants au-dessus de la surface et les pratiques racistes invisibles en-dessous) tout en « ayant peur par-dessus tout, de ce retour de la « race » ». Le concept de race est certes dangereux mais le racisme réel est bien plus néfaste encore . Faudrait pas se cacher derrière son petit doigt !

Certes, on ne semble plus de nos jours à en être resté à l’étude juridique - non dépassée selon moi (au point de dire qu’il importe d’y revenir à cause des oublis propres à l’écoulement du temps) - de D. Loschak de 1992 sur la race (2 ) car, dans le réel, la situation des banlieues s’est tellement délitées du fait d’un cumul du classisme (cf la « thatchérisation du monde » qui y est plus intense - 3) et du racisme comme mécanismes combinés de déclassement et-ou d’exclusion, qu’une conception plus identitaire et communautaire s’est implantée. Le problème vient qu’il y a eu théorisation de ces assignations. On en est là ! C’est donc difficile.

Retour sur 2005 :

En novembre 2005 (émeutes) il y a bien eu un discours racialiste et d’assignation venant de la droite conservatrice (des habitués) abandonnant son antiracisme universaliste et il y a eu, en réponse, un retour de la « race sociale » , certes souvent aussi figée qu’une race génétique bien que dite « sociale », donc source elle aussi de fixation identitaire et communautaire forte et très contestable car productrice d’assignation aliénante et de société fragmentée.

Le livre collectif dirigé par Didier et Eric Fassin « De la question sociale à la question raciale » (4 ) est, me semble-t-il, assez évocateur de cette théorisation en réponse (écrit en 2005, publié en 2006) montrant qu’il peut y avoir une « racialisation non raciste » (dans la médecine notamment ou dans la parfumerie) ainsi qu’un racisme sans race.

Pour un antiracisme universaliste conséquent

Il faudrait donc revenir, 15 ans en arrière pour (re)faire un bilan d’une période charnière en France ! Les débats sur la loi du 15 mars 2004 contre les signes religieux ostensibles à l’école publique ont mis au second rang d’autres débats importants. Ce débat eu lieu néanmoins au sein du MRAP de l’époque et plus tard encore. Il serait pourtant à reprendre collectivement pour défendre un antiracisme universaliste conséquent en fonction des expériences différenciées des militants et militantes antiracistes du Mrap, en fonction aussi des lectures des chercheurs, ceux et celles qui vont derrière l’apparence des choses (ce qui est travail scientifique) pour comprendre le racisme caché, systémique, d’ou l’image pédagogique et militante de l’iceberg raciste.

Une certaine vision juridique du monde peut tendre à en rester à ce qui est « au-dessus de la surface » (insultes et injures racistes) car pour qui doit suivre l’évolution complexe du droit il y a de quoi y passer du temps. Il importe ainsi de lire - plusieurs fois car c’est complexe - par exemple « Envoyer les racistes en prison ? » de G. Calvez (affaire Taubira et autres) mais sans penser une seconde que toute la question du racisme est là ! Les discriminations sont des pratiques invisibles et silencieuses jusqu’à débordement dramatique, individuel ou collectif.

Depuis, c’est à noter, il y a des mises en débat .

Il y a eu certes l’ouvrage collectif « Urgence antiraciste - Pour une démocratie inclusive » (Ed du Croquant - mars 2017), dirigé par Martine Boudet du CS d’ATTAC, qui a le rare mérite de mettre en dialogue des points de vue différents sur l’antiracisme (politique, universaliste, avec des conceptions différentes de la laïcité, etc). Deux militants du MRAP par ailleurs militants d’ATTAC y ont participé.

La même année la CNCDH publiait sont « Rapport 2017 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie »

Cet ouvrage « Urgence antiraciste - Pour une démocratie inclusive » est venu compléter utilement celui de 2009 « Pour une politique ouverte de l’immigration » (Ed Sylepses : ouvrage collectif de la commission Migrations d’ATTAC) ce dernier arrivant lui-même après des exposés à l’Université d’été de Poitiers en 2006 (dont le mien sur intégration, assimilation, insertion, etc) . Il fallait alors combattre « l’immigrationnisme » (on n’en parle plus mais on l’applique...). En 2006 on a aussi le premier rapport de la HALDE sur les discriminations d’origine (qui peuvent recouper plusieurs situations).

Bref, sans analyse plus poussée mais du fait de mes implications militantes et d’un regard sur le passé, je tiens cette époque ouverte il y a 15 ans pour un moment charnière. C’est à confirmer ou pas. Un peu comme les marches de 1983 et 1984 ont pu créer des clivages qui font encore références. Auparavant il y avait eu 1972 avec plusieurs références : la loi du 1 er juillet contre le racisme, la naissance du FN et du GISTI , un livre ancien de Colette Guillaumin sur le racisme et surtout un contexte de racisme post-colonial beaucoup plus lourd qu’aujourd’hui . Nous sommes à cette époque à dix ans de la fin de la guerre d’Algérie. C’est très peu. La France a du mal à reconnaître les nuisances du colonialisme et c’est pour cela qu’épisodiquement des luttes reviennent . Il y a 15 ans il y eu la loi du 23 février 2005 et son article 4 alinéa 2 qui disposait que : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. » Cet alinéa a été abrogé du fait de la contestation des historiens l’année suivante (par décret du 15 février 2006) mais cela montre combien le regard est encore faussé .

Contre le racisme, l’amitié entre les peuples

Le MRAP s’emploie aussi à défendre l’amitié entre les peuples ce qui diffère de l’amitié entre les Etats surtout ceux prêts à faire la guerre militaire (conventionnelle ou nucléaire) ou la guerre économico-politique de type impérialiste. Il reste bien des débats à propos des peuples partiellement instrumentalisés par les intégrismes religieux mais le principe demeure de la fraternité avec les composantes progressistes, plus en défense de l’égalité hommes-femmes, non homophobes. C’est que la fraternité et la laïcité mises ensemble sont une combinaison de valeur et de principe utiles à activer à une époque ou la « guerre aux migrants » remplace d’une part la fraternité au-delà des frontières et d’autre part un antiracisme déterritorialisé, non campiste, mais qui commence néanmoins par faire le ménage chez soi, contre le RN et ses copies.

Christian Delarue

1)
https://www.facebook.com/notes/jacques-antoine-louis-rossi/douglas-murray-lantiracisme-est-devenu-un-racket/10157522052573481/

2) Danièle Lochak : « La ’race’ : une catégorie juridique ? ». Ressources documentaires sur le génocide nazi / Documentary Resources on the Nazi Genocide © Michel Fingerhut, auteurs et éditeurs, 1996-8
http://www.anti-rev.org/textes/Lochak92a/

3) La thatchérisation du monde et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde. Christian DELARUE - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique ?

4) L’ouvrage est collectif mais dans le chapitre I « Racismes et races » on a un texte de Didier au début (« le sens commun de la question raciale ») et un d’Eric Fassin à la fin (« Aveugles à la race ou au racisme ? Une approche stratégique »). Dans le chapitre 2 « Discriminations raciales » on a encore un texte de Didier (Du déni à la dénégation. Psychologie politique de la représentation des discriminations) et un d’Eric (Questions sexuelles, questions raciales. Parallèles, tensions et articulations). La conclusion est écrite par eux deux : Eloge de la complexité.

A noter qu’on y trouve un article de Fabien Jobard : Police, Justice et discriminations raciales. Les antiracistes, fussent-ils de « principe » sans expérience d’une certaine activité de la police (cf mon article « les seconds concernés ») peuvent savoir qu’il y a du racisme dans la police et résister ainsi aux contestation récurrentes des journalistes complaisants.