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Racisme et contexte de domination économique (colonialisme, impérialisme, capitalisme) selon M Leiris. C Delarue

lundi 28 août 2017, par Amitié entre les peuples

Dans le cadre de ce que j’ai nommé un « antiracisme relié » (à d’autres problématiques) (cf C Delarue - Marseille 2015) je présente ici sommairement à travers divers travaux - « datés » certes - des liens entre capitalisme et racisme ou impérialisme et racisme. Il en découle des caractérisations du racisme en terme de racisme de masse, racisme post-colonial et racisme résiduel.

Christian DELARUE
Altermondialiste membre d’ATTAC, du CADTM et du MRAP
Toulouse aout 2017

Racisme et contexte de domination économique (colonialisme, impérialisme, capitalisme) selon Michel Leiris (1901-1990)

 L’antiracisme de l’ONU à la fin des années 40

A la suite de la Seconde guerre mondiale et de l’horreur du racisme nazi, l’ONU a entrepris un vaste programme de recherche sur la « race » afin de combattre le racisme sur une base scientifique et de respect des droits humains en référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Il s’en est suivi un programme de recommandations pédagogiques de lutte contre les préjugés racistes qui a perduré jusqu’à nos jours, avec cependant l’irruption de la « crise de l’antiracisme » lors de la Conférence de Durban d’aout-septembre 2001, crise non surmontée qui divise encore le combat antiraciste entre diverses approches.

 Plus tard, en 1960, l’Unesco produit « Le Racisme devant la science ». Mais le racisme relève des préjugés et des stéréotypes contre lequel les démonstrations scientifiques ne peuvent rien.

C’est pourquoi, à lire Chloé Maurel (lien ci-dessous) « l’Unesco a aussi lancé des publications privilégiant d’autres approches : psychologique, culturelle, historique, économique, juridique, etc. Plusieurs publications de la série « La question raciale devant la science moderne » concernent les aspects psychologiques et éducatifs. C’est le cas notamment de Race et Psychologie d’Otto Klineberg (1951), de Race et Société de Kenneth Little (1952), de Relations raciales et santé mentale de Marie Jahoda (1960), de Race, Préjugé et Éducation de Cyril Bibby (1959) et de L’Origine des préjugés d’Arnold Rose (1951). Ce dernier ouvrage, rédigé par un universitaire américain, est repris dans une série de quatre articles dans le Courrier de l’Unesco de l’été 1958, intitulé « Les préjugés et leurs racines profondes », atteignant ainsi une audience importante. L’ouvrage le plus important de cette série est celui de Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire (1952). »

 L’approche du marxisme contre la base matérielle du racisme.

Le marxisme étant dominant à la fin des années 40, il est apparu une recherche sur les circonstances du développement d’un racisme de masse. Cette approche matérialiste a facilité une activité militante consistant à porter essentiellement le combat antiraciste contre ces circonstances génératrices au point de délaisser souvent le combat antiraciste proprement dit.

Le racisme n’est alors plus une sorte de pathologie identitaire due à la haine de l’autre, soit un mal toujours potentiellement présent en chacun de nous (cf les textes de Daniel Sibony par exemple) mais le résultat des circonstances, et donc le résultat des conditions matérielles de vie. Là on accusera colonialisme d’abord et surtout puis le capitalisme et l’ impérialisme d’hier et d’aujourd’hui.

 Lisons ici un ancien marxiste anti-colonialiste comme Michel Leiris (1901-1990) co-fondateur des Temps Modernes, sans en faire mauvaise lecture, une lecture trop réductrice au « classisme » et dominations associées (ie ne lutter que contre les trois systèmes de dominations cités).

Je cite ci-dessous un extrait de Chloé Maurel « La question des races »
https://gradhiva.revues.org/815

Selon Leiris, le préjugé racial n’apparaît que dans des circonstances bien déterminées :

1. « lorsqu’il y a une situation coloniale et qu’une minorité d’expatriés est établie au milieu d’autochtones dont elle s’approprie les terres et exploite les richesses » ;

2. « lorsqu’il y a compétition économique entre groupes d’origine différente » ;

3. « lorsqu’un pays croit avoir à se protéger contre des immigrants pauvres » ;

4. « lorsqu’une nation veut renforcer son unité et se poser en “race de seigneurs”, aussi bien pour intimider les autres nations que pour entraîner ses propres nationaux dans une politique de conquêtes » ;
5. « lorsqu’un État, en vue de canaliser le mécontentement populaire, juge bon de lui fournir un bouc émissaire qu’on dépouillera par la même occasion » ;

6. « lorsqu’un groupe d’humiliés et d’offensés éprouve le besoin de renforcer sa conscience de lui-même pour réagir contre l’oppression ».

Fin de citation.

 Racisme de masse, racisme résiduel.

En changeant positivement ces conditions économiques, ces rapports sociaux, ces relations de dominations économico-politiques et militaires inter-continentales (entre la « vieille Europe » et les colonies) on réduit très fortement le racisme. Le racisme ne disparait certes pas totalement - un certain racisme est en quelque sorte éternel - mais le racisme de masse disparait. Car il faut distinguer dans cette approche « racisme de masse » (lié aux circonstances) et « racisme résiduel » (lié à une pathologie identitaire individuelle, une faille identitaire du sujet - D Sibony).

Quand le racisme devient massif il prend des aspects institutionnels plus ou moins importants.

 Racisme colonial et racisme post-colonial.

Ainsi on peut remarquer que le racisme colonial a progressivement disparu comme racisme spécifique extrêmement massif et violent depuis la fin du colonialisme dans les années 60 et plus tard s’agissant de l’Apartheid (en 1991) mais qu’il perdure encore sous une autre forme, moins massive sans doute (car beaucoup moins acceptée), comme « racisme post-colonial », celui issu des préjugés actifs des ex-colons toujours en vie plus de 50 ans après la fin des colonies. D’autant, que les enfants des ex-colons, que l’on retrouve à l’extrême-droite, à l’image de la famille Le Pen, continuent d’entretenir la flamme raciste contre les ex-colonisés, contre les maghrébins et les africains pour l’essentiel, contre les arabes et les musulmans de façon plus générale. A ce racisme post-colonial du FN s’ajoute l’antisémitisme, comme fond de commerce historique et un nationalisme très xénophobe particulièrement virulent contre les migrants.

Christian DELARUE