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PEUPLES PERIPHERIQUES PRIS EN TENAILLE ENTRE IMPERIALISME ET DJIHADISME . C Delarue

lundi 20 mars 2017, par Amitié entre les peuples

PEUPLES PERIPHERIQUES PRIS EN TENAILLE ENTRE IMPERIALISME ET DJIHADISME

Sur l’antiracisme et l’anti-impérialisme à l’épreuve du djihadisme.

Avec le thème de la « double impasse » , celle du capitalisme débridé et celle des intégrismes religieux. Ici on reprend la question de feu André Tosel : « Le retour du religieux : quel retour ? quel religieux ? » sous la distinction progressiste-conservateur-réactionnaire. Les réactionnaires veulent revenir vers le monde de domination multiséculaire des femmes en construisant un hyperpatriarcat.

Version de 2016 (remaniée depuis) pour l’ouvrage inter-associatif : URGENCE ANTIRACISTE - Pour une démocratie inclusive (éditions du croquant - mars 2017) , ouvrage coordonné par Martine Boudet (CS ATTAC).

Christian Delarue
Secrétaire national du CADTM
Ex membre du bureau exécutif et du CA du MRAP
Membre du CO de la Fondation Copernic

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On ne peut traiter la question de l’islam et de sa frange radicale, question omniprésente dans les médias et les discours politiques actuels, sans la replacer dans un contexte particulier de bouleversement en cours de l’ordre économico-politique mondial, avec la décomposition/recomposition des anciens rapports de domination impérialiste, et l’explosion de conflits armés sanglants non seulement entre grandes puissances, mais au niveau régional, et inter-ethnique, sous l’impact des rivalités entre ces grandes puissances.

En outre, les stratégies du capitalisme mondialisé et financiarisé pour maintenir ses profits - abandon de l’Etat providence là où il était apparu sous les « trente Glorieuses », imposition de dettes publiques et de cures d’austérité, du fait de la disparition du contre-modèle soviétique – ont profondément refermé les perspectives d’intégration sociale et professionnelle des jeunes générations issues d’immigrations du Maghreb et d’Afrique subsaharienne présentes en Europe occidentale, ainsi qu’elles ont sapé les espoirs d’accès à un emploi ou à un niveau de vie correct des enfants des classes moyennes.

Ces deux mouvements, à la fois au plan international - guerres, exodes et migrations, soutien aux dictatures sanguinaires - et sur le plan social dans des pays dits développés économiquement comme la France – pauvreté, précarité, discriminations ethniques et inégalités sans précédent – expliquent les formes de décomposition politique dans des pays satellites en développement et amènent sous nos cieux les décideurs au pouvoir à rechercher un exutoire dans la désignation de boucs émissaires – hier les Juifs, aujourd’hui les chômeurs et « assistés », et les Musulmans, amalgamés sous l’appellation de terroristes potentiels.

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TERRORISME : IMPERIALISME, DICTATURES COMPRADORES ET DJIHADISME CONJUGUES

Depuis les attentats perpétrés contre les tours de Manhattan en 2001 au compte des Talibans, le monde vit les soubresauts d’une guerre entre une forme de terrorisme prétendument islamique et des armées et polices du monde arabe et occidental. Aux Talibans d’Al Qaïda défaits par la guerre menée par les USA et ses alliés occidentaux en Afghanistan, s’ajoute l’Etat islamique (Daesh) basé quant à lui en Syrie et en Irak. Cela sur les décombres de l’Etat de ce pays qui a subi une guerre impérialiste –sur le prétexte fallacieux de la détention par la dictature de Saddam Hussein d’armes à diffusion massive- dont la finalité était en fait l’affirmation d’un monde unipolaire à dominante étatsunienne et la captation des réserves pétrolières.

Au Maghreb et en Afrique subsaharienne, des forces armées ont, au nom de l’Islam, de la même manière détruit des bases étatiques et des patrimoines culturels en semant la mort et la terreur parmi les populations majoritairement musulmanes : le Groupe islamiste armé (GIA) en Algérie, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Etat islamique en Libye, Ansar Eddine au Mali, Boko Haram au Nigéria et au Tchad, Séléka en Centrafrique…..

Le 7 octobre 2001, avait lieu la première frappe américaine en Afghanistan, dans le cadre de ce que George W. Bush avait qualifié de « guerre contre le terrorisme », expression qui a depuis été reprise par de nombreux dirigeants occidentaux. Alors que de nouveaux groupes terroristes sont apparus dans l’intervalle et que le monde occidental a été frappé par des attentats meurtriers, le bilan de cette guerre contre le terrorisme est globalement négatif. C’est un échec stratégique comme le manifeste la proclamation le 29 juin 2014 de l’État islamique (en arabe الدولة الإسلامية, ad-dawla al-islāmiyya), abrégé en EI. Ce « califat » instauré sur les territoires contrôlés en Syrie et en Irak est dans les faits un proto-État de type totalitaire, responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique.

Ainsi les printemps arabes, et plus généralement les luttes populaires d’émancipation dans ces zones, ont dû se confronter à « deux pôles contre-révolutionnaires en concurrence », comme le dit Gilbert Achcar.

Le « djihadisme » apparaît en fait comme la résultante conjuguée de la prédation impérialiste qui s’appuie sur les dictatures compradores et des réponses guerrières apportées aux « printemps arabes » qui avaient fleuri en 2011 : l’Occident et la Russie ont préféré soutenir des dictatures plutôt qu’aider les peuples arabophones ou musulmans à démocratiser voire à laïciser leurs Etats selon leurs propres modèles. En Afrique subsaharienne, au Mali, en Centrafrique, l’armée française intervient pour maintenir un minimum d’appareil d’Etat qui soit la caution de la prédation néo-coloniale.

En deux décennies, des attentats menés par les différentes forces djihadistes (GIA, Al Qaïda/Talibans, Daesh….) ont fait des milliers de morts et de blessés dans les pays occidentaux : attentats de Madrid, de Londres, de Paris (au siège de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher en janvier 2015 et au Bataclan en novembre de la même année), de Bruxelles, de Nice en 2016…… mais aussi dans les propres pays dont ils sont issus. Cette mouvance utilise les rouages de l’économie parallèle via un cyber-djihadisme performant, le départ de jeunes vers les pays en guerre comme la Syrie.

Le radicalisme islamiste constitue de fait un piège idéologique pour les fractions les plus en crise de la jeunesse, et pas seulement des quartiers populaires, faute d’alternative dans les politiques de développement social et culturel. Sans oublier cependant que la grande majorité s’en tient à distance, soumise alors à la fois à ces attaques et aux amalgames, voire à des agressions islamophobes grandissantes.
 
Le « djihadisme » s’avère un phénomène géopolitique de grande ampleur, dont les médias dominants font régulièrement la chronique sous l’angle sécuritaire et victimaire, et dont les politiques font un exutoire privilégié, celui de la « barbarie » à laquelle s’opposerait la « civilisation des Lumières ». Les extrêmes-droites européennes font de cette problématique leur fonds de commerce privilégié, spéculant sur la phobie du « grand remplacement » et sur la part d’immigrés ou de migrants qui soient des terroristes en puissance ou réels. L’objectif du FN est de récupérer défigurer l’héritage de la laïcité à la française, au nom du courant ethno-nationaliste qu’il veut diriger.

Quant aux Etats occidentaux, sous la houlette de l’oligarchie politico-financière, ils ont durablement renforcé leur appareil répressif, dont les mouvements sociaux, les migrants, les jeunes des quartiers populaires …..font les frais d’une répression devenue souvent aveugle. Selon un rapport d’Amnesty International, la dérive sécuritaire en Europe est dangeureuse .

La France est le seul pays à avoir adopté un état d’urgence, dont l’origine remonte à la guerre d’Algérie. Le dispositif des lois anti-terroristes est impitoyable par ailleurs pour les jeunes notamment mineurs qui se sont parfois aventurés dans cette voie par idéalisme, par refus de la société néo-libérale, consumériste et impérialiste et désir d’aider le peuple syrien confronté à la guerre. A l’ombre de ces gouvernements nationalistes-autoritaires-sécuritaires, campe une extrême-droite qui conquiert progressivement les pouvoirs d’Etat (voir l’élection de D Trump aux USA) et se coalise à l’échelle internationale, comme le montre la rencontre de Coblence de janvier 2017.

Autant dire que les peuples et communautés arabophones et musulmanes sont victimes à un double titre, d’abord par l’imposition de guerres meurtrières dans leurs pays et par celle d’un racisme spécifique et croissant, qui en France s’attaque à un supposé communautarisme musulman voire à un ennemi de l’intérieur.

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STRATEGIE ANTIRACISTE ET ALTERMONDIALISTE

Au vu de la prolifération de ce racisme spécifique, l’islamophobie, des mouvances antiracistes ont justement choisi de défendre l’intégrité des peuples et communautés de référence sans ignorer pour autant les clivages internes et notamment la montée de l’intégrisme religieux musulman. Considérant que, dans le rapport des forces mondialisé, les forces inter-impérialistes ont une capacité de nuisance largement supérieure, quoique masquée sous les atours des Etats et des institutions. Considérant qu’il existe une forme de pacte objectif tout du moins d’une convergence d’intérêts (entre la famille Ben Laden et la dynastie des Bush par exemple en 2001), et d’une complaisance de pays occidentaux à l’égard de plaques tournantes comme l’Arabie saoudite et le Qatar. Et que dans les faits, coexistent différentes formes de terrorisme (d’état et en dehors du système institutionnel et de la « communauté internationale »), qui alimentent par un effet boomerang, par l’exacerbation belliciste, le dialogue de sourds à l’échelle internationale, le fameux choc des civilisations, masquant et freinant les objectifs de démocratisation des peuples de ce fait, dans d’autres aires également. Les requins ont besoin de cette confusion pour continuer à nager en eaux troubles, c’est une loi géopolitique du genre.

En fait, il existe deux grands axes de domination directe et à caractère belliciste, la françafrique et l’axe Occident impérialiste/islamisme radical : France et USA en sont les principaux gardiens ; avec ce partage des rôles, ces puissances dominent les deux Suds. Le mouvement antiraciste doit dénoncer ces deux logiques mortifères conjointement, pour dégager un espace altermondialiste au plan idéologique. Un objectif à tenir est de sortir l’actualité françafricaine du secret, inversement proportionnel à la pseudo-indignation médiatisée sur l’islamisme. Cela remettra les responsabilités des différentes composantes en place.

Pour en revenir à l’axe Occident-Orient, les ressortissants de sept pays à majorité musulmane - l’Iran, l’Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen- sont visés par D.Trump qui cherche à les interdire de de séjour aux USA depuis l’élection de D Trump en janvier 2017. Ce sont pour la plupart des pays détruits par les conflits géopolitiques. A noter que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Liban ou l’Afghanistan, dont étaient issus les terroristes du 11-Septembre et d’attaques postérieures, ne figurent pas sur la liste. C’est le résultat a contrario d’une diplomatie de l’ombre qui privilégie les intérêts avec des puissances pétrolifères. Quant à Daesh, il est à prévoir qu’il sera vaincu délogé des zones qu’il contrôle, mais pouvant survivre et renaître sous d’autres formes.

Dans ce nouvel ordre mondial en gestation, il est stratégiquement important d’adopter une démarche équilibrée qui exclut de choisir une des contre révolutions contre l’autre. Une priorité est de soutenir le combat mené de l’intérieur des peuples et communautés arabophones, de leurs fractions progressistes, pour sauvegarder leur intégrité, par une ferme délimitation des frontières existant entre communauté musulmane et terrorisme djihadiste. Ce débat interne au camp progressiste permet par ailleurs de mieux connaître les spécificités et nuances politico-culturelles du monde musulman :
• quel est l’arsenal des lois misogynes et anti-démocratiques qui sont maintenues au nom de l’Islam dans les pays arabo-musulmans ? 
• Salafisme, frères musulmans…. en quoi ces catégories politico-religieuses participent–elles du camp réactionnaire, sans être pour autant à ranger dans le fascisme djihadiste ?
• Sur quelles forces progressistes et altermondialistes compter pour sortir de l’ère belliciste-djihadiste et contribuer au regain pacifique des « printemps arabes et africains » ?

Ce sont autant de problématiques qui intéressent un antiracisme adapté à la nouvelle donne géopolitique et en amont géoculturelle. En France, il s’agit à la fois de combattre sur le terrain des idées le radicalisme islamiste –comme diversion idéologique nuisible, mortifère- et de revendiquer la tradition d’une laïcité garante de la liberté de conscience ouverte, en fait de la laïcité, à l’égard de l’expression religieuse des citoyen-ne-s de confession musulmane.

I - La religion comme ciment idéologico-culturel intercommunautaire

Si l’Islam s’invite dans le débat public mondialisé, c’est qu’il constitue avec la langue arabe un ciment culturel qui fédère les peuples et communautés arabophones à travers l’histoire. Les mobilisations des peuples des années 2010 et suivantes, influencées par les mouvements sociaux occidentaux et laïques, ont constitué également un phénomène panarabe mais relativement circonscrit dans le temps et voué à un coup d’arrêt voire à un échec tragique pour la plupart des pays comme en Egypte, au Yémen et en Syrie. Dans plusieurs d’entre eux (Tunisie, Maroc, Égypte), les élections qui ont suivi les révolutions ou les mouvements de contestation ont été remportées par des partis islamistes. Conjugué au renforcement des groupes djihadistes, cela conduit des commentateurs à juger qu’au « printemps arabe » (les révolutions arabes) a succédé un « hiver islamiste ». A l’image des populismes occidentaux, l’intégrisme islamiste apparaît alors comme une valeur-refuge en période d’adversité socio-politique.

 Intégrisme et fondamentalisme.

Ces termes sont très discutés par les chercheurs, à la fois pour des raisons théoriques, de rattachement historique concret et variable selon les époques et les pays, et de par leur contenu évolutif. On peut toutefois donner les éléments suivants.

Le terme d’intégrisme religieux se rattache historiquement à la religion catholique et par extension à toute religion. Sous des formes spécifiques à chacune d’entre elles, il comporte un aspect antimoderniste, antidémocratique, de fond commun dit d’ordre moral à contenu ultra-conservateur concernant les mœurs et très patriarcal. qui fait l’objet récurrent de critiques diverses quant aux droits et libertés menacés par les groupes religieux qui se revendiquent de ces courants. Eléments qui, à chaque étape, font ‘objet de combats acharnées du sein même de ces religions pour des courants portés au contraire vers des points de vue progressistes.

Il est courant d’employer aussi le terme de fondamentalisme, qui prétend à une interprétation stricte et littéraliste de textes sacrés (on va surtout à l’analyse des textes). Dont les effets, confrontés au monde et aux combats d’aujourd’hui peuvent fournir des liens avec l’intégrisme, sans que ce mouvement soit général et automatique en tous ses aspects.

- L’intégrisme musulman .

Il va de pair aujourd’hui avec des juridictions hostiles aux droits des femmes, avec des pratiques imposées contraires la liberté des femmes, à l’égalité hommes-femmes (thème de la complémentarité). Cette tendance lourde à construire en discours et en acte un hyperpatriarcat se réalise en fonction des rapports de force et de l’histoire de différents pays. Dans les cas les plus extrêmes, cela peut aller de juridictions et traditions populaires misogynes et féodales, inspirées par une interprétation rétrograde du Coran : maintien sauf exceptions d’un statut personnel infériorisant pour les femmes, de mariages arrangés et imposés y compris pour des mineurs, des institutions de la polygamie et de la répudiation (des épouses), d’obligations vestimentaires strictes comme le port du voile et de la jupe très longue en lien avec un maintien dans la sphère privée et domestique (sexoséparatisme), voire de la banalisation du viol…

Ceci peut se combiner avec le maintien de traditions pré-islamiques comme celle des mutilations sexuelles féminines (entièrement distinctes de l’Islam en tant que tel, ces pratiques barbares touchent aussi des communautés chrétiennes ou juives des Falashas).

La question des mœurs, composante de la religion et de la culture d’un peuple participe de la vie privée voire intime. Dans ce domaine comme dans les autres, il importe de ne pas chercher à imposer des « modèles » et à s’imposer comme des acteurs dominants. Le critère à faire prévaloir étant celui de l’universalité possible des usages et de leur éthique. Un exemple de relativisation ou de retenue nécessaire porte sur l’orientation sexuelle : des musulmans reprochent aux Occidentaux d’être défavorables à la polygamie, alors qu’ils acceptent l’homosexualité.

Dans le concert des nations dites modernes, l’intégrisme islamique a constitué un recours idéologique dès le 19e siècle. Une forme de nationalisme religieux qui consiste à revendiquer des fondamentaux culturels, une identité forte, face aux systèmes de valeurs occidentaux importés brutalement via les colonisations et les relations impérialistes : matérialisme, athéisme, christianisme, socialisme…. Pour l’islamologue Bruno Etienne, l’islamisme , qu’il est également possible d’appeler islamisme radical, peut se définir comme l’« utilisation politique de thèmes musulmans mobilisés en réaction à l’« occidentalisation » considérée comme agressive à l’égard de l’identité arabo-musulmane », cette réaction étant perçue comme une protestation antimoderne par ceux qui ne suivent pas cette idéologie.

Ainsi, le salafisme (en arabe : السلفية) est un mouvement religieux de l’islam sunnite, prônant un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane à l’époque du prophète Mahomet et de ses premiers disciples — connus comme les pieux ancêtres (salaf) — et la rééducation morale de la communauté musulmane.

L’une de ses branches est le salafisme djihadiste (al-salafiyya al-jihadiyya), ou salafisme révolutionnaire qui prône, lui, une action armée pour imposer l’islam purifié des origines. On retrouve dans cette mouvance les groupes terroristes précités ou encore le Front islamique du salut (FIS), parti dissous en Algérie en 1992.

Le Wahhabisme est en général considéré comme une autre mouvance du salafisme. C’est la forme officielle de l’islam sunnite en Arabie saoudite : selon la doctrine wahhabite, il n’existe qu’une interprétation possible des textes religieux et le pluralisme islamique n’existe pas. Les mouvements islamo-nationalistes, tels les Frères musulmans d’origine égyptienne, sont aussi parfois appelés néo-salafistes, mais sont le plus souvent qualifiés d’islamistes.

D’une manière générale, qu’il s’agisse des Juifs haredim, des catholiques hostiles à Vatican II, de l’intégrisme de souche protestante et orthodoxe, ou des musulmans radicaux, les intégrismes religieux constituent une force réactionnaire agissante mondialement. Ce secteur patriarcal refuse notamment les conquêtes féministes de ces dernières décennies ainsi que la multi-confessionnalité de la société. Il est hostile également aux droits des athées et des minorités sexuelles.

II - Laïcité un recours républicain

En France, la laïcité constitue le cadre républicain d’exercice des cultes et des expressions religieuses. Elle est ainsi un outil majeur contre tous les racismes qui se donnent un vernis « culturel ». Le critère numéro un étant celui de la liberté de croyance et de culte pour les citoyen-ne-s et les communautés concernées. Dans le débat mené avec la communauté musulmane, qui est la deuxième communauté religieuse du pays, ces problématiques interfèrent :
 la liberté des musulman-e-s d’exercer leur culte et d’avoir les moyens de le faire comme les autres communautés, grâce à la construction de lieux de culte suffisants, d’écoles spécialisées…
 la liberté pour les femmes et les citoyens d’origine musulmane de pratiquer leur culte ou pas selon leur disposition intérieure.

III - La question du droit des femmes et le sexoséparatisme.

La question du droit des femmes dépasse celle de telle ou telle religion, comme on le voit aux USA avec l’élection de Trump. Comme le disait Simone de Beauvoir, « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." La laïcité est un cadre de liberté. Elle ne dispensera jamais des combats contre toutes les attaques réactionnaires menées au nom des religions.

Dans les deux cas précités, des risques de dérive autoritaire ou discriminatoire et liberticide existent. Les médias et l’opinion mettent souvent l’accent sur le deuxième, avec le constat d’une régression, du retour d’une conception sexoséparatiste de la société, qui tend à exclure des femmes de l’espace public. Dans certains quartiers populaires, les femmes n’osent plus s’habiller comme elles le désirent, ne peuvent plus aller au café et vivre une vie autonome. Il s’agit de rester vigilants à l’égard de toute stratégie violente et négatrice de droits, comme le harcèlement de rue, les violences faites aux femmes dans les foyers et au travail, dans l’espace public…

La question de l’habillement est symptomatique du conflit de valeurs existant depuis une décennie dans la société multiculturelle qui est celle de la France et dans les sociétés européennes postcoloniales de manière générale. Le voile concentre les antagonismes, interprété par les un(e)s comme un signe d’appartenance culturelle et un signe de pudeur dans un contexte caractérisé comme laxiste en matière de mœurs, et par les autres comme un signe d’aliénation féminine. Il a fait l’objet d’une loi en France en mars 2004, également controversée, qui interdit d’une manière générale le port des signes religieux ostensibles à l’école. Dans tous les cas, la liberté individuelle des femmes -des citoyennes majeures- doit primer : voile ou pas voile, ce choix doit rester le leur.

IV - Le combat des musulmans progressistes

L’islam peut être objet de critique comme toute religion, et selon diverses approches. Les caricatures du prophète, publiées au Danemark et reprises dans Charlie Hebdo ont mis le feu aux poudres. Sans tomber dans l’écueil de la provocation sur un sujet aussi sensible, il est fondamental de préserver la liberté d’expression, acquis de générations de citoyens et de militants. Dans la mesure également où il existe une critique interne, produite par des musulmans, contre les dérives possibles de leur propre religion. Leur objectif est double, contribuer à réformer l’islam comme l’a été le christianisme par exemple, et à démocratiser les sociétés et communautés musulmanes, là encore selon leurs propres modèles de référence. Ce sont nos alliés précieux dans le combat général des valeurs portées par l’altermondialisme, et donc dans le combat antiraciste que nous voulons porter le plus fortement possible.

LES INTEGRISMES RELIGIEUX UNE FORCE REACTIONNAIRE A COMBATTRE.

Lutte contre le racisme et les discriminations, lutte contre l’intégrisme : deux faces d’une même médaille

Pour conclure, la lutte contre l’intégrisme dans un cadre antiraciste implique le refus d’amalgamer les intégristes d’une religion avec la grande majorité des croyants.

L’école est l’un de ces lieux privilégiés d’éducation au discernement car les jeunes, citoyens vulnérables, peuvent être soumis à l’emprise intégriste et pire encore terroriste, comme le montre le nombre important de convertis et de recrues pour Daesh en France. Mais ce combat ne doit pas se mener seulement dans les têtes, il faut en même temps lutter contre toutes les discriminations bien réelles qui bafouent au quotidien les valeurs proclamées de la République.

Il faut saisir que ces combats sont ceux de Nous devons également nous appuyer sur l’immense majorité des populations arabo-berbèro-africaines attachées au vivre ensemble dans les pays occidentaux où elles – ou leurs enfants – sont nés, et qu’il nous revient à tous de gagner la les accompagner dans leur lutte pour y avoir une place digne et un avenir ouvert pour toutes les populations du pays. C’est là un combat essentiel, car sans égalité, sans justice, il n’y aura pas de paix entre les peuples et entre les couches différentes de la population. La République doit être égale et fraternelle pour tous.