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L’objectification du voile, la dépersonnalisation et le risque de violence islamophobique - C Delarue

dimanche 17 avril 2016, par Amitié entre les peuples

« L’objectification du voile », la dépersonnalisation et le risque de violence islamophobique ou anti-signe ostensible de religion - C Delarue

Regarder l’autre comme respectable simplement parce qu’il l’est, sans (trop) s’arrêter aux apparences n’est pas forcément une aporie. Mais c’est un exercice de conscience. Cela suppose une certaine éducation humaniste « qui place l’humain d’abord », pas acquise à tous et toutes.

A propos de « l’objectification du voile » (celui qui est là devant vous et qui vous « pète à la figure » car juste devant vous durablement) et qui tend à dépersonnaliser l’être humain voilé, largement couvert, ce qui est potentiellement source de violence (que l’on dira raciste voire raciste genrée) - à l’image de ce que peut devenir une certaine « objectification sexuelle » (femme ou homme excitant), du moins celle non complice, non consentie, non voulue, non partagée, à savoir une dépersonnalisation également potentiellement source de violence (sexiste) - il importe de pratiquer le « double regard », de faire attention (aussi) à l’humanité de l’autre, à sa dignité fondamentale. Principe de civilisation contre barbarie !

Je m’appuis sur la « mécanique » de John Stoltenberg en matière de virilisme pour identifier moi, ici, une mécanique raciste. Mais là ou lui voit du fatal, je vois moi du possible, du jeu, et donc des possibilités de vigilance, des possibilités de maintien de l’humanisation, de la dignite, des possibilités de « couper » le processus de violence (objectification, dépersonnalisation, violence). Une certaine objectification est bénigne et fatale, de nos jours, sur les deux champs étudiés mais elle n’emporte pas fatalement violence, et c’est heureux pour le « vivre ensemble ». Mais il faut étudier ces mécanismes pour reprendre le mot de M Pierre Tevanian. Qu’est-ce qui manque à celui ou celle qui « va jusqu’au bout » du processus et agresse, soit de façon sexiste soit de façon raciste ? Ma réponse est le manque d’une certaine conscience humaine du respect, une concience pas assez développée en fonction de conditions matérielles et éducatives qui ont « bridé » une socialisation positive.

Il semble difficile et même franchement utopique de ne pas voir certaines apparences, car certaines nous attirent avec force (la séduction n’est pas niable pour les hommes et les femmes, et ce, quelque soit notre orientation sexuelle homo ou hétéro ou notre âge ou notre culture) et d’autres nous répugnent plus ou moins nettement, de façon variable. Et le voile peut être insupportable pour ce qu’il dit objectivement « tu es un homme concupiscent potentiellement prédateur » ou « tu es une femme impudique qui mériterait d’être violée ». Mais si ne pas voir, et même voir fortement, est quasiment impossible de nos jours, ou le regard a pris plus de place que jadis, il n’en demeure pas moins que le respect est absolument nécessaire, un respect supérieurement attaché à notre dignité humaine. La théorie du « double regard » permet de la cultiver. cf "La théorie du « double regard » de Christian Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-theorie-du-double-regard-de-C

L’autre moyen de « couper » le processus de violence est d’être conscient que la critique vise le signe ostensible pas la personne, vise le voile de la musulmane d’apparence ou la kippa du juif d’apparence, pas la personne. C’est comme ne pas confondre les « actes de fonction » (sauf zèle dans la sanction) pris du fait des fonctions occupées (patron - cadre superieur ) avec la personne elle-même. Mais cela ne fonctionne pas toujours.

En matière de violence sexiste la critique faite au signe ostensible du « sexy » est courante. Des femmes peu tolérantes peuvent ici critiquer d’autres femmes qui portent des talons hauts ou-et un decolleté (par exemple), plus ou moins violemment, avec des propos indignes du style « tu va améliorer ton salaire ce soir » (euphémisation odieuse de tu es une « pute »). J’ai été suffoqué d’entendre ce sexisme émanant d’une femme contre une autre. Mais une injure sexiste, qui se veut libératrice de l’autre, ne fait pas toujours dans la pédagogie. Il en est de même de la voilophobie qui dérive parfois en islamophobie.

Vu le nombre important de musulmanes voilées agressées, il est de mon devoir militant (du MRAP) d’appeler à la vigilance et - sans doute naïvement - de bien pratiquer la « théorie du double regard » sans réductionnisme et de bien « couper » le processus « objectification, dépersonnalisation, violence ».

Christian DELARUE