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« Antiracisme relié » ou la convergence et l’extension des luttes antiracistes. Christian DELARUE

dimanche 27 septembre 2015, par Amitié entre les peuples

« Antiracisme relié » ou la convergence et l’extension des luttes antiracistes.

Intervention sur la « convergence des luttes antiracistes » ( http://amitie-entre-les-peuples.org/La-convergence-des-luttes ) du vendredi 28 aout à Marseille St Charles sur la « démocratie inclusive » (Université d’été d’ATTAC France 2015). (https://universite.attac.org/2015/programme/article/pour-une-democratie-inclusive) faite comme membre du groupe « Culture et société » du Conseil scientifique d’ATTAC France (cf précision en commentaire)

Il y a tout à la fois une nécessité et une difficulté à se rassembler car l’antiracisme est passible de plusieurs conceptions ou déclinaisons (cf Luttes de l’immigration, luttes antiracistes - Sciencesconf.org http://lilar2015.sciencesconf.org/ ). Dans l’éclatement de fait des luttes antiracistes on trouve la distinction entre ceux et celles qui luttent pour que ce pays (la France), ce continent (l’Europe), et le monde soit sans racisme et ceux et celles qui luttent car discriminé(e)s, stigmatisé(e)s, victimes de rejets, d’exclusions. Ce n’est pas une distinction absolue car il y a mélange des genres. Les victimes de racisme ne se regroupent pas nécessairement dans le cercle spécialisé de leur stigmatisation. Neéanmoins on trouve, beaucoup plus qu’il y a 30 ans, semble-t-il, une auto-organisation des personnes discriminées par forme de racisme.

Il existe aussi, mais c’est autre chose, des groupes agissant contre la superposition de plusieurs entreprises d’infériorisation et là on peut déjà citer le dénigrement sexiste, homophobe, le maintien dans les activités socio-professionnelles peu rémunérées et mal considérées, en plus du racisme.

Abordons d’abord «  les trois cercles de l’antiracisme  » (une présentation certes aménagée mais déjà proposée jadis à la direction du MRAP pour que le MRAP devienne membre fondateur d’ATTAC en 1998-99 ) et à la suite d’autres problématiques pour poursuivre ce débat spécifique,( tel qu’annoncé par Françoise Clément).

I - LES TROIS CERCLES DE LA LUTTE ANTIRACISTE

J’expose ici les trois grands volets d’un « antiracisme relié » et un antiracisme lié à l’altermondialisme.

Pour notre sujet, on notera que les difficultés pour le rassemblement des forces antiracistes sont déjà dans le premier cercle.

A) Le premier cercle ou le « coeur de métier » de l’antiracisme

Il s’agit de lutter contre l’idéologie raciste (le discours construit et les stigmatisations courantes) et contre les discriminations racistes (le racisme en acte qui est excluant).

La lutte antiraciste s’appuie sur le droit (loi Pleven de 1972 et d’autres ) et sur les mobilisations visant à un changement de société !

Voici les trois éléments qu’il convient de réunir pour qualifier un fait de discrimination - un traitement différent (I), des situations comparables (II), et un critère de distinction illégal (III). in MRAP - La discrimination au sens juridique (in Différences n° 294) - Jérémy Saiseau. (http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/160815/mrap-la-discrimination-au-sens-juridique-differences-n-294-jeremy-saiseau)

Une lutte authentiquement antiraciste refuse les différentes formes observables de racisme car elle ne sélectionne pas ou ne hiérarchise pas ! Ainsi le MRAP lutte, officiellement depuis 1977, contre toutes les formes de racisme ! Contre l’antisémitisme, le racisme anti-noir, anti-arabe, anti-musulman, anti-romm notamment, pour prendre ici les cinq formes courantes.
cf Le MRAP 1977- 2007:contre le racisme sous toutes ses formes, par Christian Delarue (Rennes info)
http://rennes-info.org/Le-MRAP-1977-2007-contre-le.html

Mais il existe, à la différence de l’antiracisme universaliste, des luttes mono-thématiques qui se spécialisent contre un racisme spécifique soit contre la négrophobie, soit contre la judéophobie, ou contre la romophobie, l’arabophobie, la musulmanophobie ou islamophobie, etc ! Il peut y avoir en fait des recoupement des luttes dans la mesure ou, par exemple, certaines attaques musulmanophobes visent surtout des Arabes. Mais on ne saurait poser d’emblée l’assimilation entre haine d’un musulman parce que musulman avec haine d’un Arabe parce Arabe .

On peut discuter sur le fait de voir cet ensemble comme avançant positivement quoique de façon contradictoire (malgré les contradictions existantes).

B) Le second cercle ou les extensions courantes du domaine de la lutte

La lutte contre le racisme oblige à lutter aussi contre
1) le colonialisme et le néocolonialisme et les résurgences post-coloniales.
2) l’esclavage et son apologie.
3) le fascisme, le néofascisme et les idéologies ou régimes autoritaires ou totalitaires (cf la question de l’islam politique sera développé par Françoise Clément)).
4) la xénophobie, le nationalisme et les intolérances associées (cf "communautarismes excluants)).

C) Le troisième cercle ou les convergences élargies des luttes.

6) De façon générale, l’antiracisme d’émancipation ou «  l’antiracisme relié  » - comprendre ici celui relié à l’interaction des oppressions et dominations, au sexisme, à l’homophobie, au « classisme », donc non isolé, non « sectionné », non réduit à son « coeur de métier » - se rattache à la lutte altermondialiste, parceque les oppressions et dominations sont multiples et entremêlées et qu’on ne saurait les hiérarchiser.

« L’antiracisme relié » comme mouvement social se rattache donc à la lutte altermondialiste notamment via la mobilisation des peuples-classe multicolores et multitextiles contre l’oligarchie financière et le 1% ! cf Antiracisme et peuple-classe pour l’alternative : faire converger un peuple-classe multicolore et multitextile. (http://amitie-entre-les-peuples.org/Antiracisme-et-peuple-classe-pour). Il s’agit de s’opposer de façon convergente, à plusieurs formes d’oppression ou de domination, et donc au racisme, au sexisme, à l’homophobie et au « classisme » (comprenez ici la domination économique et politique de la classe supérieure de la société).

Cette notion de « peuple-classe multicolore et multitextile » est à même de rassembler dans la diversité les femmes et les hommes subissant des dominations diverses.
Elle porte un relatif multiculturalisme (diversité « textile » notamment) tempéré par de l’interculturel et la laïcité.

Les principes de liberté, égalité et réciprocité, à la base d’un antiracisme d’émancipation (à caractère universel ou indigène) défend la question textile dans tout son spectre soit le port du voile et de l’hypertextile (librement choisi) mais aussi l’hypotextile, soit le string seins nus (donc une loi en sa faveur) . Si cette position n’est pas tenue alors on retrouve la crainte de « l’hypertextilisation du monde » et de l’oppression textile qui lui est liée (« syndrome de Jérusalem » ou tout un chacun s’habille en « religion » et pour les femmes en hypertextile).

7) L’accroche des questions dites « sociétales » à celles plus classiquement « sociales » (stricto sensu) permet aussi un « lutter ensemble contre le classisme ».

Le « classisme » vise les grands rapports sociaux capitalistes, celui capital-travail (secteur de la production) surtout mais aussi celui du logement (rapport propriétaire-locataire), et de la consommation nécessaire (rapport social de solvabilité face aux marchés) ce qui renvoie à la question des besoins sociaux face au 1% d’en-haut et d’une politique de services publics pour l’école, la santé, la police, la justice, la fiscalité, etc.

8) « L’antiracisme relié » lutte aussi, on l’a dit, contre le sexisme et l’homophobie.

9) La laïcité est aussi une question sociétale importante (voir plus loin) soit à défendre soit à critiquer (cf atelier d’hier notamment avec l’opposition entre Monique Crinon et Stéphanie Treillet).

Enfin, il existe d’autres extensions (plus ou moins bien articulées donc avec des déperditions citoyennes et militantes) au domaine central de la lutte antiraciste.
10) l’anti-sionisme (qui n’est pas antisémitisme).
11) l’anti-impérialisme (qui n’est pas un campisme défendant le sud).

Après cet exposé général en trois volets de « l’antiracisme relié », passons à quelques débats récurrents, trop rapidement abordés sans doute car chacun pourrait faire l’objet d’une conférence à lui seul.

II - LES AUTRES PROBLEMATIQUES ANTIRACISTES.

J’expose ici ordinairement les divers sujets conflictuels du moment (en fonction du temps imparti).

Voici 11 débats très rapidement pointés. Il en manque comme la li de mars 2004 contre les signes religieux ostensibles, ou d’autres encore.

1) Racisme et religion(s).

Quelques idées générales sont à défendre ici.

 Le refus de communautariser, de globaliser, de racialiser les membres d’une religion, c’est à dire de les mettre tous « dans un même sac communautaire », soit pour la stigmatisation (réacosphère allant de Riposte laïque au FN en passant par les identitaires), soit au contraire pour la protection de tous, des « frères et soeurs » (sic), y compris donc les pires intégristes.

 Refus de généraliser le ou les « défauts » de certain(e)s membres (intégristes) à tous les membres.

 Droit de critiquer la religion (son essence) et les religions (ce quelles sont réellement, les appareils religieux, masculins le plus souvent, de reproduction du dogmatisme religieux spécifique, du dispositif de contrôle des croyant(e)s, les pratiques sociales défendues et imposées).

 La possible critique comprend le blasphème, la désacralisation des fétiches surplombant les humains (humanisme critique autorisé). Car il faut distinguer la religion (comme dispositif surplombant) du croyant lui-même, qui est un être humain digne et respectable. C’est ce principe de dignité et de respect qui est à universaliser, à mondialiser. Il sert de fondement à la solidarité humaine par delà toutes les divisions entre humains. Il y a même une tendance (en cours), non pas à sa réduction mais plutôt à son extension aux animaux. On ne parle pas de « dignité animale » mais de sentence, de d’évitement de la souffrance animale, etc...

 On peut critiquer les intégristes religieux dans la mesure ou on distingue plusieurs interprétations d’une même religion ! Pour le catholicisme on sait que l’adepte de la « théologie de la libération » n’a socialement rien à voir avec le fan de l’Opus Deï ! C’est pareil chez les musulmans, chez les juifs, et sans doute dans toutes les très grandes religions qui ont des millions d’adeptes ! Cela permet surtout d’éviter des amalgames et de mélanger les progressistes avec les réactionnaires !

2) Intégrisme religieux, féminisme et racisme.

 A la racine de l’intégrisme, il convient de critiquer la notion de complémentarité de la femme par rapport à l’homme au sein d’une interprétation très conservatrice de la religion qui peine à défendre l’égalité et la liberté.

 Au plan des pratiques « sociétales » mondialisées, soulignons l’intégrisme religieux sexoséparatiste en mode « hard » (femmes à la maison ne devant sortir qu’accompagner du frère ou du mari en hypertextile) ou en mode « soft » (hypertextile obligé).

 Contre les intégristes sexoséparatistes, défendons le « je m’habille comme je veux ! » (avec respect de la loi, et selon le contexte).

 Dans une perspective de liberté et d’égalité, défendons l’hypotextile (string seins nus) si l’hypertextile l’est.

cf INTEGRISME DES RELIGIONS : PROPOSITION AU CS d’ATTAC - Amitié entre les peuples (http://amitie-entre-les-peuples.org/INTEGRISME-DES-RELIGIONS)

3) Féminisme et prostitution en lien avec les migrations.
 Contre la prostitution des femmes migrantes venues du Sud (pendant la migration vers le nord) ou de l’Est (réseaux maffieux).

4) Quid du racisme d’Etat.
La loi de juillet 1972 interdit le racisme en France. D’autres lois et dispositifs viennent compléter le dispositif antiraciste. Mais un racisme vient néanmoins d’en-haut cf Catherine Samary.

5) Liberté de circulation, d’installation et intégration.
Lire le petit livre collectif d’ATTAC sorti en octobre 2009 « Pour une politique ouverte d’immigration ». Sur l’intégration, consultez mon diaporama de l’Université d’été d’ATTAC 2006 à Poitiers. La question de l’intégration autour d’une pédagogie du triptyque républicain et de la laïcité se pose dés lors que l’on admet les principes de libre circulation et libre installation ainsi que la citoyenneté de résidence.

6) La citoyenneté de résidence.
Le MRAP a adopté la citoyenneté de résidence à son AG de juin 1985 soit 30 ans de combats partagés avec d’autres (cf Paul ORIOL).
Les résidents extracommunautaires (venus hors Union européenne) vivant en France depuis plus de 5 ans sont toujours exclus non seulement du peuple-nation mais aussi - et c’est plus grave - du peuple démocratique, celui citoyen.
En France, des millions d’immigrés venus jadis du Maghreb pour construire des logements, des routes et autres biens n’ont pas été reconnus comme des citoyens, d’ou la protestation de 1983 !

7) Défense des palestiniens et antisémitisme - anti-sionisme.
Des antisémites se cachent derrière une phraséologie anti-sioniste.
Pour autant le sionisme, qui ne s’est pas arrêté à 1948, veut conquérir des territoires et repousser les palestiniens !
Je reprends ici ordinairement à propos de l’anti-sionisme un argumentaire de Pierre STAMBUL (MRAP et UJFP).

8) Sécuritarisme et racisme anti-arabes et anti-musulmans.
Avec les attentats des islamistes, les contrôles au facies tendent à viser majoritairement une population arabe supposée ou musulmane supposée.

9) Laïcité exclusivement portée contre l’islam et les musulmans.
Une certaine pseudo laicité sert à la « guerre identitaire » ou de « guerre culturelle » de l’extrême-droite et de la droite populaire (Nice), au sens ou un « catho-laicisme » sert à protéger une « identité historique française et chrétienne » (soit la sub-culture ethno-nationale) contre l’islam vu comme conquérant, comme islam de « remplacement ».
 De l’amour des Eglises chrétiennes à la haine des mosquées !
 De la sub-culture catho-laïque à une laïcité totalitaire qui interdirait tout signe religieux dans la rue.

10) Les organisations antiracistes.
 Celles universalistes sont le MRAP, SOS Racisme et la LICRA mais la LICRA s’oppose surtout à l’antisémitisme et de plus aborde fort peu le second cercle et encore moins le troisième cercle Retour ligne automatique
SOS Racisme n’est pas dans l’altermondialisme et son militantisme sur le second volet mériterait une analyse que je n’ai pas faite de façon complète et sérieuseRetour ligne manuel
 Je m’abstiens sur les organisations antiracistes mono-thématiques type CRAN mais je renvoie au texte « Le mouvement antiraciste français »
http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/130714/le-mouvement-antiraciste-francais

11) Critique du PIR (Parti Indigène de la République).
L’appel des Indigènes de la République a provoqué des réactions sources d’intérêts ou de critiques mais aussi une certaine (re)prise en charge de la mobilisation antiraciste dans les quartiers populaires les plus délaissés (cf livre Jean-Marie Delarue 1991), les plus frappés par la crise économique.
Par contre la racialisation, et ici racialiser le Blanc ou le non Blanc, mène à la reproduction de la « guerre des races », fussent-elles des « races sociales », et donc au racisme.
Le communautarisme, au sens du coup de force théorique visant à mettre un vaste groupe d’ humains dans une même communauté est un essentialisme qui mène aussi au racisme. Il n’y a pas plus de communauté chrétienne que de communauté musulmane ou juive car les différences sont beaucoup trop importantes pour une telle opération. C’est comme mettre la « théologie de la libération » avec l’Opus Déi.
La seule communauté que je connaisse est celle objective et formalisée par une carte d’identité délivrée par les Etats qui disent qui est membre de son Etat-nation. Mais même là, cette carte ne dit rien des consciences et des subjectivités de ses membres.

Christian DELARUE

1) Altermondialiste, membre du CA du CADTM et du Conseil d’Orientation de la Fondation Copernic