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Sur la liberté de critique de toute religion Christian Delarue

samedi 28 juin 2008, par Amitié entre les peuples

Sur la liberté de critique de toute religion

vendredi 26 janvier 2007 (21h54)

La liberté de critique des religions, de toutes les religions sans exception, est une conquête historique qui fait désormais parti du régime juridique des libertés publiques de la plupart des grands pays. Mais il est rare qu’un principe soit établi sans une reconnaissance parallèle des atténuations et d’une ou plusieurs exceptions à ce principe.

Une des exceptions existantes au principe de libre expression est le propos raciste. L’islamophobie porte le nom du racisme qui passe par le canal de la critique de l’islam. Le nom lui-même fait problème mais surtout la possibilité d’un racisme passant par ce canal. Si la réponse est positive la question de bien situer la libre critique de la stigmatisation raciste.

La religiophobie – terme de Vincent GEISSER – peut être conçue comme la critique de toute religion, le terme critique n’étant pas seulement d’ordre théorique académique mais aussi l’invective blasphématoire. Si la religiophobie est légitime ou pourrait penser que l’islamophobie l’est aussi. Il importe de distinguer propos critique et propos raciste.

1 - PRENDRE EN COMPTE L’EVOLUTION DU RACISME

Le racisme n’est pas qu’une vielle invention théorique - constamment contestée par les scientifiques - qui, à partir de la biologie, d’une part subdivise l’espèce humaine en races de couleur et d’autre part et surtout les hiérarchise en posant l’une d’elle comme supérieure aux autres. Cette vision hiérarchisée de l’humanité s’accompagne en pratique d’un statut dégradé des « races » inférieures.

Le racisme contemporain se veut plus subtil que celui du XIX siècle. Il empreinte des canaux moins éculés que les avatars de la sociobiologie du XX ème siècle et plus compatible avec l’idéologie dominante de l’époque telle celle aujourd’hui dénommée « Choc des civilisations ». Mais derrière l’emploi de nouveaux vecteurs idéologiques il s’agit toujours de subdiviser et hiérarchiser l’humanité en sous-groupes essentialisés, par attribution mécanique de caractéristiques sociales et culturelles plus ou moins figées jugées bonnes et civilisées pour certains groupes ethnique ou autres et barbares pour d’autres groupes. La notion de culture est plus ou moins large. Une conception large intègre la religion.

Le racisme islamophobique procède par un triple mensonge, une double essentialisation d’abord celle du religieux islamique vu de façon monolithique (et particulièrement barbare), ensuite celle des musulmans vus comme une communauté totalement homogène suivi d’une attribution entière et mécanique entre ces deux généralisations abusives. Il suffit qu’un élément manque pour que la caractérisation de racisme soit fausse et donc qu’il s’agisse d’une critique autorisée.

Les propos de Robert REDEKER entre dans cette catégorie du racisme islamophobique ainsi que le précise la déclaration du CA du MRAP. Mais des problèmes d’interprétation peuvent aussi survenir : c’est le cas à propos de l’affaire dite des caricatures.

2 - LE SENS DE LA CRITIQUE.

Aucune des principales religions n’a accepté sans résistance la montée de l’esprit critique. Il semble bien qu’il en aille de même de l’islam. La critique radicale de la croyance religieuse et de toute religion pour l’émancipation humaine me semble toujours aussi nécessaire . La critique exercée en vue de l’émancipation même lorsqu’elle use de la métaphore ou de la moquerie ne ressemble pas à celle opérée par simple haine. Il n’est sans doute pas toujours aisé de les distinguer dans la pratique. Ajoutons qu’une analyse critique sérieuse ne saurait verser trop longtemps dans les généralisations trompeuses. A ce propos, il est utile de remarquer qu’il existe plusieurs islams tout comme il existe plusieurs christianismes allant de l’intégrisme le plus réactionnaire (1) à la théologie de la libération et que ces théologies s’affrontent parfois durement (2). Il est utile de remarquer que tout pays ou l’islam est la religion dominante ne connaît pas nécessairement un régime politique islamiste, ou la religion islamique est imposée à tous dans tous les aspects de la vie quotidienne. Néanmoins toute critique pour approximative ou péremptoire qu’elle soit est parfaitement possible. Même là ou un islam modéré est mis en œuvre la critique est toujours possible. L’islam ne constitue pas une religion à part devant être préservé de l’esprit critique. Il importe pourtant de distinguer la critique d’un islam progressiste et celle d’un islam radical. Le premier peut faire droit à certains droits de l’homme et de la femmes ; il peut tendre à s’inscrire dans des institutions laïques alors que l’autre s’apparente à une dictature religieuse sur les esprits et les corps.

3 - Le MRAP ET LE BLASPHEME : les principes affirmés lors de l’affaire des caricatures de Mahomet.

Ni le blasphème ni l’irrespect envers l’islam ne concernent pas le MRAP qui a cependant eu l’occasion de le préciser clairement lors de l’affaire dite des caricatures. Le MRAP n’a jamais contesté les 12 caricatures de Mahomet mais uniquement celle où il porte une bombe sur la tête pour une autre raison. On sait pourtant que la représentation de Mahomet est pour un certain islam interdit. Cette interdiction est aujourd’hui insupportable à une large partie de la population mondiale et même à une partie du monde musulman. Mieux, à cette occasion le MRAP est allé plus loin en précisant que la critique de la religion participe à la défense « des droits humains violés par les intégrismes religieux au pouvoir quels qu’ils soient ».

Ce qui a fait problème au sein du Mouvement c’est l’interprétation de la caricature : S’adressait-elle aux seuls intégristes islamistes ou s’adressait-elle à tous les musulmans ? Une chose est sûre, si le caricaturiste avait dessiné Ben Laden avec une bombe sur la tête, le MRAP n’y aurait pas vu de la propagande raciste mais la dénonciation du terrorisme. Dans ce message une ambigüité demeure en fonction du contexte international : s’agit-il d’approuver l’équation véhiculée depuis le 11 septembre : « musulman = islamiste = terroriste ». Si l’intention du message est bien de faire passer cette série d’assimilation alors ce message relève bien d’un racisme islamophobique.

4 - L’OBJECTION DU RACISME NE SAURAIT EMPECHER LA CRITIQUE DU VOILE.

La critique du port du voile islamique se fait soit à partir de critères extérieurs à la religion : - par rapport à la mentalité laïque qui distingue par exemple pour l’école publique les signes religieux discrets qui sont tolérés des signes ostensibles qui sont une manifestation d’un excès nuisible ou pénible du religieux de toutes les religions (kippa, calotte...) ; - par rapport à une certaine mentalité féministe qui milite pour la liberté des femmes de couvrir ou non leur corps comme elles le veulent . La critique du port du voile peut aussi se produire à partir des fondements dogmatiques internes à l’islam - jugés contestables par certains mais peu importe ici - : l’absence de cette obligation parmi les cinq piliers de l’islam. La critique peut être estimée juste ou non elle est libre et ne saurait être assimilée à du racisme puisque les critères du racisme islamophobique ne sont pas réunis car la critique n’est généralisée ni à tout l’islam ni à tous les pratiquants. Elle porte contre un certain islam et contre une pratique bien circonscrite qui ne touche pas toutes les musulmanes. En fait, il s’agit de la critique d’un abus de la normativité de l’islam.


5 - COMBATTRE LE RACISME ISLAMOPHOBIQUE

Une précision s’impose : cette critique du voile ne saurait autoriser une stigmatisation publique à une individue. Ainsi je ne tolère pas – ce que j’ai entendu un jour - l’injure d’un chauffeur de bus à l’encontre d’une jeune fille voilée. En effet pratiquer ainsi la menace et les invectives à cause d’une pratique religieuse ne saurait être assimilé à une simple critique. Et il n’est même pas utile d’attendre l’injure pour souligner la faute : ainsi que penser de l’assimilation effectuée lorsqu’un jeune élève ingénieur se voit interroger sur « ce qu’il pense de Ben Laden » lors d’un entretien professionnel ? Suis-je « islamo-gauchiste » ou « tiers-mondiste primaire »si je consteste ce type de recrutement comme étant de nature raciste ?. Ne faut-il pas combattre les vexations et les pressions subies des musulmans et présumés musulman travaillant à Roissy depuis les élucubrations haineuses et mensongères d’un certain de Villiers ? S’en prendre aux mosquées à l’aide de graffitis haineux ou pire de bombes destructrices relève aussi d’une islamophobie aussi primaire que condamnable (3).

Christian DELARUE

Secrétaire national du MRAP
Membre du Conseil d’Administration d’ ATTAC France

1 )L’intégrisme, une dynamique historique, un mouvement planétaire !

2 ) La guerre des Dieux de Mickael LOWY

3 ) Racisme, antiracisme et tolérance Christian DELARUE


Voir en ligne : http://bellaciao.org/fr/article.php...