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Laïcité : définition et historique

dimanche 18 mai 2008, par Amitié entre les peuples

lundi 1er janvier 2007 par Europe et Laïcité

Qu’est-ce-que la laïcité ?

Notre réponse : La laïcité est à la fois une éthique et un ensemble de règles juridiques relatives au fonctionnement de l’Etat et des services publics, dont celui de l’Education Nationale.

Les valeurs de l’éthique laïque sont la liberté de pensée, l’indépendance de l’esprit, le respect de la différence et la tolérance dans la mesure où celle-ci est réciproque et sans laxisme (voir question E.2 sur les foulards islamiques).

Le statut laïque d’un Etat ou d’une institution suppose son indépendance à l’égard des influences, hiérarchies et organisations religieuses.

La laïcité de la vie sociale réclame que tout ce qui touche au religieux soit du domaine privé (et donc individuel et facultatif), et que tout ce qui concerne la vie publique, civique et politique soit préservé des influences religieuses et communautaires.

La lutte pour la laïcité implique la lutte contre le cléricalisme, c’est à dire contre les tentatives de soumettre les affaires publiques à l’influence des clergés ou de partis qui servent leurs intérêts. Le cléricalisme a généré le refus de cette influence, mouvement de défense voire d’émancipation appelé anticléricalisme. Un croyant peut être anticlérical ; un laïque est naturellement anticlérical, sans être nécessairement antireligieux.

La loi de 1905 en France a séparé l’Etat des religions, complétant ainsi un ensemble de lois de laïcisation : état-civil depuis la Révolution, hopitaux, écoles, enterrements, etc... depuis 1880 (Voir J. Lalouette, ainsi que E.Pion, pp. 52-57). C’est sur le terrain scolaire que les luttes ont été (et restent) les plus vives. En 1959, une pétition nationale contre les subventions à l’enseignement privé recueillait 10 millions de signatures. Malgré cela, les subventions ont été régulièrement augmentées par le biais de diverses lois antilaïques ; (voir E. Pion, pp. 209-230). Voir aussi les ouvrages de R. Rémond, J. Baubérot, G. Coq.

Quelques équivalents en langues étrangère du terme laïcité : secularism (anglais/américain), Weltlichkeit (allemand), laicidad (espagnol), laicita (italien).

Faut-il écrire laïc ou laïque ?

Notre réponse : Ces deux mots désignent des notions différentes. Pour une religion, un laïc est un pratiquant qui n’est pas un clerc (ni prêtre, ni moine). Sur le plan philosophique et civique, un laïque est quelqu’un qui milite pour la laïcité, et donc en particulier, pour la séparation des religions et des pouvoirs publics à tous niveaux (local, national, européen, à l’ONU, etc...). Au féminin la distinction disparaît. (Voir E. Pion, p. 32).

Qu’est-ce-que la laïcité ouverte ?

Notre réponse : Certains auteurs tels que G. Coq (catholique) et J. Baubérot (protestant) défendent une conception de la laïcité dite « ouverte », « moderne » ou « plurielle ». Ils ne contestent pas la séparation des religions et de l’Etat mais prônent l’enseignement religieux à l’école, ce qui est une remise en cause fondamentale de la laïcité en matière scolaire et une sorte de Cheval de Troie : cela donnerait des rôles officiels aux autorités religieuses dans l’élaboration des programmes, dans le recrutement des enseignants, etc... Nous nous y opposon formellement. (Il existe un projet de CAPES d’enseignement des religions, en principe réservé aux seuls départements de Moselle et d’Alsace ; voir « Europe & Laïcité » 147 d’avril 1996).

Défendre la laïcité, n’est-ce pas raviver sans raison une vieille querelle ?

Notre réponse : La défense de la laïcité est toujours d’actualité. Rappel de quelques faits récents.
Le projet d’abrogation du dernier article en vigueur de la loi Falloux de 1850 devait permettre aux collectivités locales de financer sans limites l’enseignement privé : la manifestation du 16.1.1994 (un million de personnes) a fait renoncer au projet.
L’opinion publique s’est émue des actions de censure violentes contre S. Rushdie et M. Scorcese ; le gouvernement et les autorités religieuses ont estimé ces actions « compréhensibles » voire justifiées !
L’opinion publique est hostile à la remise en cause du droit à l’avortement qui est le fait de groupes religieux soutenus par le Vatican, et d’autres autorités religieuses, ainsi que par des membres du gouvernement (en 1996) proches de l’Opus Dei et les catholiques intégristes. (Voir le livre de F. Venner)
En 1996, le discours d’allégeance de J. Chirac au pape a été une violation flagrante de la laïcité ; suite aux nombreuses protestations, les propos tenus en septembre lors de la visite du pape ont été plus conforme à la Constitution. (Voir le compte-rendu de B. Courcelle.)

Ces faits (et d’autres, tels que le projet de CAPES de religion) montrent que le retour du cléricalisme est un danger constant ; beaucoup de croyants de toutes religions le refusent. Le combat pour la laïcité est périodiquement approuvé dans une large mesure par l’opinion publique. Les politiciens par contre ne s’y intéressent pas car ils y voient un risque de division de leurs partis et de leurs électorats. Ce thème est constamment occulté des débats électoraux, et aucun « grand » parti ne défend sérieusement la laïcité.

Une enquête du Credoc (Centre de Recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) de 1988 indique en France : 12 % de catholiques (surtout âgés), 14 % d’athées convaincus (surtout des jeunes). Dans La Croix du 11.4.1997, l’éditorial débute ainsi : « Il n’est pas nécessaire de sortir une batterie de statistiques pour comprendre que l’Eglise catholique de France est en train de vivre une mutation délicate : le passage à une situation de minorité religieuse. » Dans ce même numéro, il est précisé qu’elle perd environ 900 prêtres par an, dont 750 exerçant dans des paroisses.

On observe simultanément :
un déclin global de la pratique religieuse traditionnelle, (un « désenchantement du monde » (sic ; comme si ..., passons !)),
une contestation de l’autorité dans les églises établies (voir le mouvement « Nous sommes l’Eglise », la revue « Golias » que le Vatican empêche de se présenter comme catholique),
une religiosité « à la carte », volontiers syncrétique : acceptation de tel dogme, refus de tel autre, adoption de tel élément du bouddhisme, basée sur une conception thérapeutique de la religion,
dans certains milieux, une conception « identitaire » de la religion, un retour à des observances strictes et un moyen de s’opposer à la « pensée unique » occidentale,
une progression des sectes, exploitant la détresse issue de conditions de vie insatisfaisantes.

Notre société est largement laïcisée, et les partisans de la recléricalisation sont fortement minoritaires. Le tapage sur le retour du sacré est exploité par les cléricaux de tous bords, qui tentent ainsi de justifier leur retour d’influence « par le haut », alors que l’audience se dilue à la base. L’intégrisme musulman est la traduction d’une révolte anti-occidentale liée à la colonisation qui persiste sous la forme d’une dictature des marchés financiers.

[A lire : Vers une religiosité sans Dieu, par F. Beaugé, Le Monde Diplomatique, sept. 1997. Extraits : « L’Eglise catholique a perdu la situation de monopole écrasant qu’elle détenait autrefois [...] Il fleurit du coup toutes sortes de phénomènes que l’on prend pour un regain de religieux, mais ce n’est pas mon opinion [c’est le sociologue J. Maître qui parle]. Nous sommes plutôt dans un supermarché du religieux où chacun choisit ce qui lui plaît. » Cela concerne, en particulier, le développement du bouddhisme, du « New Age », des sectes qui ne réunissent que 200 000 personnes en France dont 130 000 Témoins de Jéhovah mais ne se développent pas de façon significative (contrairement à ce qui se passe en Europe de l’Est et en Amérique Latine). Le déclin des religions traditionnelles « s’apparente à une remise en cause de toute forme dogmatique d’autorité ». En conclusion de cet article : « Les valeurs privilégiées [...] tournent autour de quelques mots-clefs, à commencer par solidarité (qu’on ne ressent pas comme étant contradictoire avec l’individualisme), droits de l’homme et dignité humaine. Si le moralisme chrétien garde une connotation négative liée au dogme, l’éthique (appelée autrefois morale) est quant à elle, de plus en plus valorisée. » Ce sont bien des valeurs laïques ! ]

La laïcité n’est-elle pas surtout un concept négatif, visant à interdire ?

Quelles valeurs a-t-elle à proposer qui permettent de résister aussi bien au consumérisme effréné qu’aux pseudo-valeurs de l’extrême droite ?
Notre réponse : La laïcité vise à préserver l’égalité de traitement des citoyens, indépendamment de leurs religions ou absence de religion ; cela rend nécessaire de refuser les perversions cléricales et fondamentalistes (par exemple : censures réclamées par les intégristes), tentatives politiques rétrogrades (opposition au droit à l’avortement, prétendue supériorité des lois « divines » sur les lois votées démocratiquement, accaparement de subventions indues, soumission à la « pensée unique » et aux idées dominantes reprises par la presse et les médias, elles-mêmes soumises aux forces politico-sociales dominantes)

Ces refus des laïques visent à préserver une certaine conception de l’intérêt général. Ils permettent la promotion de valeurs positives : l’esprit critique, l’attachement à la raison, à la lucidité d’esprit, l’honnêteté intellectuelle (valeurs qui guident ou devraient guider les scientifiques dans leurs travaux) ainsi que le respect des différences dans le cadre de la loi, le refus du machisme, le sens de la solidarité, l’attachement prioritaire à l’intérêt général et au bien public.Le respect des différences va de pair avec le respect des valeurs laïques hors desquelles certaines « différences » ne sont pas acceptables, comme par exemple la condition féminine au sein de l’islam traditionnel

http://www.europe-et-laicite.org/spip.php?article69


Voir en ligne : Europe et Laïcité