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A Philippe Bilger, blasphémer est parfois nécessaire, en abuser c’est perdre un temps précieux aux autres combats. C Delarue

lundi 2 janvier 2012, par Amitié entre les peuples

A Philippe Bilger, blasphémer est parfois nécessaire, en abuser c’est perdre un temps précieux aux autres combats.

C’est là ma réponse à « Comment le blasphème est devenu tendance » de- Philippe Bilger (http://www.marianne2.fr/) ou sur son blog Justice au singulier : Le conformisme du blasphème

Le blasphème n’est jamais, en principe, du côté de l’ordre. S’il l’est c’est qu’il est effectivement « récupéré ». Rien de dramatique cependant. La récupération idéologique ou politique est chose courante et il est difficile aux militants d’y échapper . Notons que cette récupération procède toujours d’une déformation de la critique initialement formulée : elle prend ce qui lui convient et rejette le reste. C’est ce qui arrive présentement avec le blasphème nous dit en quelque sorte Philippe Bilger qui défend la thèse paradoxale du blasphème « tendance », du blasphème « nouveau conformisme ».

Le blasphème modernisé a pour mission de dégrader les grands fétiches dont les fétiches religieux car c’est la première critique (la critique de toute critique disait Marx à Feuerbach) mais aussi les fétiches extra-religieux (cf Jean-Marie Vincent). On doit, à mon sens, faire les deux et non comme une certaine gauche athée « habermassienne » (1) privilégier la seconde et abandonner la première.

La critique blasphématoire enlève donc les majuscules donc le « D » de Dieu mais aussi le « N » de Nation et même le cas échéant le H de humanisme. Et ce n’est pas pour autant que la pratique blasphématoire devient nihiliste. Le plus souvent cette pratique entend réhabiliter l’humain concret à partir d’une philosophie matérialiste. On ne saurait ici confondre le matérialisme plat et le matérialisme philosophique car ce dernier entend élever l’humain à partir de sa condition charnelle et sociale (lire A Comte-Sponville) et non en le soumettant à des dispositifs abstraits qui le surplombent autoritairement (JM Vincent). Il y a là matière - par exemple- à une critique défétichissante de l’alliance du droit instrumental, de la technologie productiviste et du marché. In fine, toute entreprise critique et défétichisante obéït à un double mouvement : elle réhausse l’humain et rabaisse le non humain.

Ajoutons, peut-être dans le sens de P Bilger, que cette pratique blasphématoire semble surtout défensive,réactionnelle. Ce n’est donc pas franchement une pratique continue. En cas de pratique soutenue, on pourrait dire effectivement qu’elle tombe dans le conformisme.

Si l’on cède - à tort certes mais le faux pas est courant (y compris chez moi : un activiste n’est pas un scientifique qui attend la fin de la bataille pour analyser) - à la dialectique de l’ennemi principal et de l’ennemi secondaire - le principal étant la classe dominante et l’oligarchie et l’ennemi secondaire étant - entre autres (ils sont nombreux) le religieux intégriste (ou pas) - alors on conviendra aisément que blasphémer est parfois nécessaire mais qu’en abuser c’est perdre un temps précieux aux autres combats. Il peut être nécessaire de blasphémer conjoncturellement pour discréditer un sacré qui se fait par trop dominateur ou envahissant mais cela ne saurait devenir une activité à plein temps. En ce cas, ce serait faire trop de cas du pouvoir des religions (qui est réel) et pas assez du pouvoir des classes dirigeantes et possédantes.

Christian DELARUE

1) Montée du religieux et athées habermassiens de gauche.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1449