Accueil > Antifascisme - Antiracisme > Ethnicisation, racisation : constructions « théoriques » du racisme. > Cumul des identités. > A propos des cumulards du risque de stigmatisation identitaire. C Delarue

A propos des cumulards du risque de stigmatisation identitaire. C Delarue

dimanche 16 juillet 2017, par Amitié entre les peuples

ATTAC : Contributions CD à
[GROUPE-CS-DIM-SOC_CULTURELLE] et [democratie-reelle-discriminations]

A propos des « cumulards » du risque de stigmatisation identitaire.

A reprendre l’ouvrage « Paniques identitaires »(1), coordonné par Decock Laurence & Meyran Régis (et rédacteurs de l’introduction), et notamment le chapitre « Identité : un concept délicat à manier  » (p 26) il s’agit de distinguer les identités dominés des identités dominantes, et, à propos des « cumulards », de distinguer, assez classiquement désormais, d’un côté des vieux hommes blancs, hétérosexuels, chrétiens et de l’autre côté, une personne noire ou arabe, et musulmane, et femme (voilée surtout) et homosexuelle, et pauvre. A un extrême du côté « vieux blanc », il y aura la question sociale qui va se poser si le vieux blanc est aussi petit retraité à faible capital économique, mais à l’autre extrême c’est la question dite « sociétale » (stigmatisation, oppression, discrimination, etc ) qui risque fort de se poser dans la mesure ou il y a un risque plus fort de stigmatisation et de discrimination.

Ce cumul d’identités à risque de stigmatisation et de discrimination n’est là qu’un risque et certes un risque réel et courant certes mais pas du tout une « mécanique » obligée et fatale. Cette précision débouche, pour moi, sur un type d’anti-racisme, dit universaliste, et pas sur des théorisations racialisantes.

 Particularité du fait religieux au plan de l’identité et du rapport dominant-dominé

Je me suis permis d’ajouter à cette distinction ci-dessus de l’auteur : « voilée surtout » (et ce entre parenthèse) car l’auteur du passage « Identité : un concept délicat à manier » ne le dit pas à cet endroit - rien de grave assurément ! - mais ce sont bien ces musulmanes particulières qui semblent fortement visées puisqu’il évoque ensuite Caroline Fourest ou Elisabeth Badinter qui décideraient, à leur place, de leur aliénation. Or, à ma connaissance (je ne lis pas tout ni écoute pas toutes les émissions tv de ces féministes laïques ) il ne s’agit que des femmes musulmanes voilées et surtout, s’agissant d’aliénation, celles incapables d’enlever leur voile (sauf chez elles) dans la rue.

Souvent il y a aliénation que parce qu’elles ont été plus ou moins incitées à le porter jeune et parfois très jeune (entre 5 et 9 ans !). Elles ont donc subie très jeune une très forte inculcation sexoséparatiste dont il faut répéter la forme et la perspective hyperpatriarcale. L’hyperpatriarcat est la tendance à refuser les conquêtes féministes de ce qu’on peut appeler, après des siècles de rapports archaïques et inégalitaires hommes-femmes, un « patriarcat restreint », celui de la « seconde modernité » (De Singly), patriarcat réduit que les féministes veulent approfondir au-delà des principes conquis de liberté et d’égalité.

Pour ma part, hors de la problématique de l’aliénation (qui doit être bien ciblée, non abusive pour ne pas se transformer en injure), j’estime comme beaucoup d’autres antiracistes qu’il faut toujours rappeler qu’un voile est un stigmate qui s’enlève alors que la couleur de peau ne se modifie pas. Pour ce qui se modifie structurellement on peut distinguer, à suivre une certaine anthropologie du corps (David Le Breton 1990 notamment), ce qui est modifié pour toujours (par chirurgie) et ce qui se met et enlève librement. J’y reviendrais.

Avant, il faut préciser qu’enlever un voile ce n’est nullement abandonner sa religion musulmane, c’est juste abandonner un symbole qui est préconisé et imposé par tous les intégristes musulmans sexoséparatistes de la planète, ceux et celles (les musulmanes qui reproduisent et renforcent le système hyper-patriarcal ne sont pas sans responsabilité) qui veulent que les femmes restent à la maison et qu’elles ne sortent qu’en hypertextile.

  Evoquer les intégrismes religieux est indispensable  ! Ne pas le faire revient à laisser agir une oppression, laisser perdurer un rapport de domination !

Il faut retenir qu’un voile comme tout signe, et à la différence de la couleur de peau, s’enlève aisément sauf aliénation communautaire lourde ou imposition sexoséparatiste forte. Cela s’enlève si cela produit une emprise dans l’espace restreint, donc une imposition. Là il faut bien évoquer les intégrismes religieux, ce qui est fait dans l’ouvrage collectif « Urgence anti-raciste - Pour une démocratie inclusive » (coordonné par Martine Boudet - 2), mais pas dans « Paniques identitaires » ou au contraire et très explicitement l’auteur écarte cette domination et oppression d’un revers de main. L’intégrisme religieux produit pourtant des rapports de domination et d’oppression dit sexoséparatiste qui sont à ne pas négliger dès lors qu’on entend lutter contre les dominations et oppressions.

Pour prendre un autre exemple, une femme qui met des bijoux ou des chaussures à talons hauts n’est nullement aliénées dès lors qu’elles les enlèvent lorsqu’elle va courir ou faire une marche sportive. Modifier structurellement par chirurgie sa poitrine c’est autre chose que de modifier son apparence avec de menus artifices qui se mettent et qui s’enlèvent librement. Il ne s’agit pas ici de juger négativement d’emblée celles qui veulent une opération - sans connaitre les motivations - mais il importe de remarquer la différence.

Enfin, on peut évoquer une domination identitaire dans l’expression de la religion, de toute religion et notamment d’un certain islam qui use du voile comme étendard idéologique et qui n’est nullement dominé . Cet islam-là est dominateur pas dominé ! Il est potentiellement oppresseur comme d’ailleurs toute religion. Les intégristes religieux sont précisément celles et ceux qui veulent imposer leurs dogmes rigoristes et très souvent sexistes à la société. Il faut bien distinguer la croyance agressivement exhibée et imposée à autrui (par le voile ou autre symbole) - sans nécessairement parler ici d’intégrisme - de la croyance discrètement symbolisée !

Christian DELARUE

Editions du Croquant pour ces deux livres très récents
1) - Paniques identitaires
http://www.editions-croquant.org/les-collections/product/392-paniques-identitaires
2) - Urgence antiraciste (coordonné par Martine Boudet)
http://www.editions-croquant.org/component/mijoshop/product/384-urgence-antiraciste?search=urgence antiraciste