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Note sur le « Parcours de la reconnaissance » de Paul Ricoeur - C Delarue

samedi 31 décembre 2016, par Amitié entre les peuples

Parcours historique et culturel à propos de la reconnaissance.

(14 mai 2010 CD )

Note sur le « Parcours de la reconnaissance » de Paul Ricoeur (1913 - 2005)

Le philosophe est mort le 20 mai 2005 à 92 ans.

L’ouvrage est un parcours culturel des grandes œuvres philosophiques sur le thème de la reconnaissance. Il mérite d’être lu et relu pour que chaque nouvelle lecture apporte une compréhension nouvelle d’aspects méconnus ou difficiles. En outre ces lectures peuvent venir en enrichir d’autres sur l’émancipation (par exemple). D’ou de nombreux liens en fin de note pour aller plus loin.

Parcours de la reconnaissance. Trois études

http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=4091

1 - « La reconnaissance comme identification » .

La première étude a pour titre La reconnaissance comme identification et pour citation évocatrice un phrase de Blaise Pascal : L’essence de la méprise consiste à ne pas connaître« . Paul Ricoeur développe ici deux philosophies du jugement et de l’identification : celle de Descartes et celle de Kant. Pour la première » identifier fait paire avec distinguer « , alors que la seconde » subordonne identifier à relier « (p54). La seconde étude se nomme »Se reconnaitre soi-même« Une phrase permet de mieux comprendre semble-t-il le passage de la première à la seconde étude pour qui (comme moi) n’a pas suivi toutes les subtilités de la critique de la formule kantienne de la représentation : » A cet égard, la reconnaissance des personnes se distingue nettement de celle des choses, tranchant ainsi sur l’indétermination du « quelque chose » par quoi Descartes et Kant désignaient l’objectal des opérations de pensée " . Pour les choses, les reconnaître c’est pour une grande part les identifier par leurs traits génériques ou spécifiques. …/… Les personnes en revanche se reconnaissent principalement à leurs traits individuels. C’est avec les personnes que la longueur du temps de séparation révèle ce pouvoir destructeur que la sagesse ancienne accordait au temps…(p111).

2 - La reconnaissance de soi :

* La mémoire et la promesse
. L’une se tourne vers le passé, l’autre vers l’avenir. L’une est rétrospective, l’autre prospective. Mais l’une et l’autre ont affaire à la menace d’un négatif constitutif de la teneur de sens : l’oubli pour la mémoire, la trahison pour la promesse. Se souvenir, c’est ne pas oublier ; tenir sa promesse, c’est ne pas la trahir. La fidélité fait lien entre mémoire et promesse.

* Que peut-on promettre ?
Faire ou donner . L’auteur convoque Nietzsche pour rappeler que l’ « On peut promettre des actes mais non des sentiments, car ceux-ci sont involontaires ». On ne peut donc promettre d’aimer.

* Retour à la capacité de l’homme capable :
« Pouvoir promettre présuppose pouvoir dire, pouvoir agir sur le monde, pouvoir raconter et former l’idée de l’unité narrative d’une vie, enfin pouvoir s’imputer à soi-même l’origine de ses actes » (p205)

* La promesse et le pardon.
Le pardon fait de la mémoire inquiète une mémoire apaisée, une mémoire heureuse. P Ricoeur reprend ici Hannah Arendt. Le pardon rend possible la réparation.

3 - Reconnaissance mutuelle et lutte pour la reconnaissance.

A) Reconnaissance mutuelle : Ricoeur et Hegel contre Hobbes.

Un long passage de « Parcours de la reconnaissance » de Paul Ricoeur (folio) développe l’anerkennung de Hegel. On doit à Hegel non seulement la fameuse dialectique du maître et de l’esclave mais aussi le thème de la « reconnaissance mutuelle » posé contre la philosophie de Hobbes. C’est à Axel Honneth que l’on doit cette réhabilitation avec son ouvrage « lutte pour la reconnaissance ». La lutte pour la reonnaissance passe par une demande soit par le droit. L’estime sociale et la reconnaissance mutuelle ne relève pas du droit.

Le problème est - il est cité page 242 - que « l’éloge de la réciprocité, sous la figure plus intime de la mutualité, risque de reposer sur l’oubli de l’indépassable différence qui fait que l’un n’est pas l’autre ». Un châpite du livre de P Ricoeur intitulé De la dissymétrie de la réciprocité développe ce problème. On y trouve une belle analyse de Emmanuel Lévinas sur le visage.

L’autre problème étudié au chapitre suivant Le défi de Hobbes se nomme ici la méconnaissance dans l’état de nature. L’origine en ait pointée page 260 : « On connait par leur nom les trois passions primitives qui ensemble caractérise l’état de nature comme »guerre de tous contre tous« . Ce sont la compétition, la défiance et la gloire. Ricoeur cite ici Le Léviathan de Hobbes : »La première pousse les hommes a attaquer pour le profit, la seconde pour la sécurité, et la troisième pour la réputation« . La méconnaissance se sait déni de cette reconnaissance qui s’appelle la paix dit Ricoeur. L’orgueil est à la base de cette méconnaissance spécifique : »Que chacun reconnaisse l’autre comme son égal par nature. Le manquement à ce précepte est l’orgueil" p266).

Le chapitre qui suit porte sur l’Anerkennung (la reconnaissance) de Hégel à Iéna. Car c’est Hégel qui fait entrer la reconnaissance dans la politique. Hégel n’étant pas facile à lire P Ricoeur s’appuie sur un spécialiste de Hégel : Jacques Taminiaux.

B) La lutte pour la reconnaissance : la réactualisation de Hegel par Honneth.

On passe avec Axel Honneth sociologue de l’Ecole de Francfort à une philosophie post-métaphysique pour ne pas dire matérialiste.

Ce que Honneth garde de Hegel, c’est le projet de fonder une théorie sociale à teneur normative.Cette théorie a l’ambition de donner la réplique à Hobbes, dans la mesure ou la lutte procède de motifs moraux susceptibles d’occuper la place tenue par la triade de la rivalité, de la défiance et de la gloire (cf Léviathan).

Achtung (le respect). Le concept d’origine kantienne de respect offre un point de repère indispensable.
L’indignation. Les sentiments négatifs sont des ressorts significatifs de la lutte pour la reconnaissance ; l’indignation constitue à cet égard la structure de transition entre le mépris ressenti dans l’émotion de la colère et la volonté de devenir un partenaire dans la lutte pour la reconnaissance. (p313)
Les droits. Ils se répartissent en droits civils, droits politiques et droits sociaux. L’élargissement de la sphère normative des droits peut être observée dans deux directions , d’une part au plan de l’ennumération des droits subjectifs définis par leur contenu, d’autre part au plan de l’attribution de ces droits à des catégories nouvelles d’individus ou de groupes. (p311)

« La lutte pour la reconnaissance et les états de paix » forme le chapitre 5 du Parcours.
Les médiations : L’alternative à l’idée de lutte dans le procès de reconnaissance mutuelle est à chercher dans les expériences pacifiées de reconnaissance mutuelle, reposant sur des médiations symboliques soustraites tant à l’ordre juridique qu’à celui des échanges marchands.
La lutte ne se resume pas aux violences et aux vengeances qui surgissent. L’oubli des offenses ne consiste pas à les écarter, encore moins à les refouler, mais comme dit Hanna Arrendt, à « laisser aller » en parlant du pardon. Le basculement du cercle vicieux de la réciprocité en son cercle vertueux passe par le renoncement à rendre violence pour violence. La lutte visera alors le don et contre don (Mauss) qui met fin à la lutte. Et « pas de don possible sans prendre les devants » (p357). L’essentiel des analyses de l’Ethique à Nicomaque sur l’amitié porte sur les conditions les plus propices à la reconnaissance mutuelle.

Quand un individu peut-il se tenir pour reconnu ? La demande de reconnaissance ne risque-t-elle pas d’être interminable ? (p377). C’est dans l’échange des dons que la reconnaissance mutuelle apparait. A défaut il s’agit d’une lutte pour le pouvoir. Autre chose donc.

Christian Delarue

Lire
Marcel Henaff Le prix de la vérité.
Luc Boltanski L’amour et la justice comme compétence
Luc Boltanski et Laurent Thévenot De la justification, Les économies de grandeur
Jean-Marc Ferry Les puissances de l’expérience

A lire aussi ces notes rédigées par des spécialistes :

Dictionnaire des sciences humaines

Vers quelle reonnaissance ?
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RMM_062_0149

Sur ou d’Axel Honneth lui-même lire :

Théorie de la reconnaissance

http://www.fabriquedesens.net/Theorie-de-la-reconnaissance-avec

"Sans la reconnaissance, l’individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie’

http://www.philomag.com/article,entretien,axel-honneth-sans-la-reconnaissance-l-individu-ne-peut-se-penser-en-sujet-de-sa-propre-vie,180.php

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article523

La Lutte pour la reconnaissance (2002) Véronique BEDIN et Martine FOURNIER, « Axel Honneth », La Bibliothèque idéale des sciences humaines, Editions Sciences humaines, 2009.

http://www.cairn.info/la-bibliotheque-ideale-des-sciences-humaines-article-199.htm

Ouverture vers d’autres problématiques

Honneth : La réification comme oubli de la reconnaissance

http://giraf-iffd.ways.org/fr/billet/honneth-la-r%C3%A9ification-comme-oubli-de-la-reconnaissance

Honneth – Du concept de réification à la théorie de la reconnaissance

http://www.implications-philosophiques.org/philosophie-politique/honneth-du-concept-de-reification-a-la-theorie-de-la-reconnaissance/

Reconnaissance et justice

http://www.passant-ordinaire.com/revue/38-349.asp

Reconnaissance et vulnérabilité Honneth et Butler Kim Sang Ong-Van-Cunghttp://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2010-1-p-119.htm

Luc Boltanski et Axel Honneth en débat : « de la reconnaissance sociale à l’émancipation »

http://quineditmot.free.fr/index.php/2009/11/15/luc-boltanski-et-axel-honneth-en-debat-de-la-reconnaissance-sociale-a-lemancipation/

La critique d’A. Honneth, une philosophie de l’émancipation. C Dornon

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article524

Contre l’autre misère : Réification, reconnaissance et construction du sujet acteur et décideur. C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article579

Ne pas vivre comme des porcs, c’est refuser la domination.