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Nation, peuple, communauté. - C Delarue

mardi 2 septembre 2008, par Amitié entre les peuples

Université d’ été d’ATTAC - Poitiers 2006

Le mouvement altermondialiste français, au sein d’ ATTAC surtout, semble être divisé pour partie entre les républicains et les altermondialistes. Débroussailler quelques notions semble utile pour avancer. Je regroupe cette suite de notions en deux séries qui sont :

1 - Nation et République face au peuple et à la démocratie

2 - Identité(s), communauté(s) et appartenance(s)

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1 - Nation et République face au peuple et à la démocratie

Mettons face à face la Majuscule et la minuscule, d’abord la Nation et le peuple puis la République et la démocratie.

A) La Nation et le peuple

I. - LA NATION

La crise des Etats-nation est réelle mais leur force est maintenue. La Nation n’est pas intemporelle ; elle est un produit de l’histoire que l’on ne retrouve pas partout dans le monde même si le modèle s’est relativement universalisé. Aujourd’hui il entre en crise face à l’actuelle phase de mondialisation. Mais auparavant un besoin de dépassement vers plus large - l’Europe -ou/er vers plus restreint - larégion - amenait à une démythification de la nation. Le fétichisme de la nation n’a plus cours pour autant il ne faudrait pas précipiter son acte de décès. Les services publics ont pour cadre la nation. La lutte contre la marchandisation passe par leur défense et amélioration. Pour le reste il est plus utile de parler de peuple.

II. - LE PEUPLE, LES PEUPLES

Peuple renvoie au concret alors que la Nation est plus abstraite. La Nation est comme la famille, l’entreprise ou la société civile une notion englobante ou « tous les chats sont gris » et les rapports sociaux absents .Le peuple, au contraire, se conçoit comme la fraction très majoritaire de la nation. Le peuple s’oppose aux dirigeants, qu’ils soient privés ou publics, politiques et économiques ainsi qu’aux élites médiatiques. Le peuple rassemble le salariat du cadre supérieur au chômeur, les artisans et paysans et pour certains le petit patronat (bien que ce dernier ne soit pas toujours moins exploiteur que le grand)

Le peuple est aussi une notion internationale. La nation renvoie aux Etats. Ici raison solidaire et raison d’Etat s’oppose. Le peuple entre plus dans les références de la « culture de mouvement » alors que la nation relève plus de la « culture de gouvernement », mais des réserves s’imposent.

B) La République et la démocratie.

III. - LA REPUBLIQUE

Laquelle ? Celle récupérée par l’extrême-droite (cf post ce jour sur Valmy) ? Celle théorisée par les philosophes antiques ? Celle principielle contre la monarchie ? et qui pose la démocratique contre le monarque et la théocratie ? Mais des présidents règnent en monarque. Celle limitée et censitaire qui a été récupérée par la bourgeoisie et les élites ? Une de celle que l’histoire française à créé mais laquelle ? Il y a plusieurs Républiques. Celle du « centre » théorisée par Léon Bourgeois et Célestin, Bouglé contre la République socialiste et reprise par le « néosolidarisme » de l’économie sociale et solidaire ? (cf. Bellaciao) Celle qui a germé sous la Révolution avant d’être écrasée par les thermidoriens ? Celle s’attachant à son étymologie « Res publica », la chose publique ?

Nécessité d’un choix : Sans doute, ici, en France, ne faut-il pas « jeter le bébé avec l’eau du bain », mais convenons qu’il y a beaucoup à rejeter, la République ayant été sollicitée à l’appui des politiques les plus réactionnaires. Cela implique de mettre à jour des filières idéologiques et combattantes qui ne s’inscrivent pas dans la « fin de l’histoire » (cf Fukuyama) mais dans la perspective d’une autre France puis d’une autre Europe et d’un autre monde. Puisque c’est dans ce sens là - d’élargissement - que les « Républicains de mouvement » résonnent.

Au moins deux filières sont repérables : d’une part celle qui a germée sous la Révolution et qui sert d’appui à la promotion de la « République inachevée » ou mieux de la République post-capitaliste ? (Cf Denis COHEN sur la « République socialiste ») ; d’autre part celle s’attachant à son signifiant « Res publica » qui sert d’appui à la promotion de l’appropriation publique, des services publics et des biens publics mondiaux.

IV. - LA DEMOCRATIE

Elle est « le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple ». Elle est au coeur des problématiques tant pour les altermondialistes que pour les républicains. Elle pose de multiples questions qui vont être discutées lors du cineattac rennais de septembre 2006. Plusieurs contributions de qualité pour le Manifeste en lien avec ce thème sont consultables sur le site d’ ATTAC France.

S’agissant de la question de la représentation et de la gouvernance, je me permets de renvoyer à un contribution personnelle sur le site d’attac 35 et ci-dessous. Sortir du « démocratisme » pour aller vers l’alterdémocratie suppose de franchir un seuil qualitatif et quantitatif dans l’intervention citoyenne. Une extension de son champ à l’intervention dans les choix économique marquerait, à mon avis le franchissement d’une étape. Le jour ou les citoyens participeront aux décisions de production planifiée en vue d’un alterdéveloppement, nous ne seront sans doute plus dans la même société qu’aujourd’hui. Et même les projets de VI République ne semblent pas contenir pareille proposition.

Avant d’en arriver là bien des combats de niveau intermédiaire sont à mener , notamment autour de la démocratie participative, mais dans la clarification des enjeux, pas dans la manipulation et récupération par les élites locales . Enfin la démocratisattion et l"intervention citoyenne suppose un combat pour l’amélioration de ses conditions d’exercice . Il faut participer au combat contre le chômage, le sexisme, le racisme et bien d’autres situations qui produisent un individu angoissé, opprimé, replié sur lui-même plus qu’un citoyen pleinement capable de peser sur le destin collectif d’une communauté. Par ailleurs n’oublions pas que les résidents étrangers non communautaires n’ont pas la qualité de citoyen.

Poursuivons mais en introduisant d’autres problématiques

2 - Identité(s), communauté(s) et appartenance(s)

Ici on part d’une expérience et d’une militance antiraciste et internationaliste qui a débouché avec les premiers Forum sur l’antimondialisme puis l’altermondialisme. Cette partie là ne s’oppose pas nécessairement à la précédente pour autant. (Les chiffres de § indiquent d’ailleurs une suite de la pensée sur le sujet même si chaque paragraphe est peu développé.)

V. - LA MONDIALITE

La mondialité ne forme pas une communauté humaine instituée, elle ne forme pas encore société mais des processus de formation sont à l’oeuvre. Ainsi, des recherches, telles celles d’ Edgard MORIN ou Philippe ZARIFIAN, ouvrent des pistes. Pour Edgar MORIN, la mondialisation contient à la fois de la domination et de la libération. Il distingue l’empire-monde et la société-monde. Les altermondialistes s’inscrivent déjà en résistance (aux dominations) et en construction (versus émancipation) dans les processus transversaux à l’échelon de chaque continent mais aussi du monde. Philippe ZARIFIAN distingue lui mondialisation (le négatif) et la mondialité (le positif) et évoque sur ce versant la communauté-monde ou le peuple-monde (cf. « L’émergence d’un peuple-monde » PUF 1999) mais le monde planète a plus d’évidence que le monde-communauté bien que l’humanité existe.

VI. - LES IDENTITES COLLECTIVES EN CRISE

Les identités à la base des communautés sont en crise. La manifestation de cette crise en est le raidissement identitaire observé sous des formes variables ici ou là pour chacune d’elle qu’elle soit religieuse, de classe, de sexe, d’âge, de métier, d’ethnie ou de nation. La multi-appartenance sur fond de mentalité « chat de gouttière » ( Edm p70) offre une perspective de sortie de crise, notamment en temps de guerres récurrentes et de crise écologique. Le métissage culturel est aussi un voie positive sous réserve d’ « enrichissement et confrontation critique » (Edm p183) notamment pour que la laïcité soit assurée et les droits des femmes respectés.

VII. - APPARTENANCE(S)

L’appartenance se fonde sur une identification au groupe, voire à la communauté, mais elle est plus modeste que l’identité. L’appartenance aide à nous situer. Elle est d’abord sociale. Nous appartenons à tel groupe (parti, syndicat, association) mais aussi à tel communauté (ethnique, nationale, salariale, mondiale) avec des cohérences ou des contradictions. L’appartenance est donc sans fermeture. Plus souple que l’identité, l’appartenance permet de jouer des références de solidarité en fonction des enjeux. Tantôt sentir l’amitié entre les peuples en cas de guerre, tantôt sentir l’appartenance à la communauté d’intérêts des travailleurs salariés quand le capital pousse ses attaques contre les droits des salariés des précaires et des chômeurs. La mondialisation capital par les entreprises transnationales a étendu les rapports sociaux qui lui sont intrinsèquement liés. La lutte de classe loin de disparaître s’est accrue et mondialisée.

Christian Delarue

Membre du CA d’ATTAC Rennes et d’ATTAC France

Secrétaire national du MRAP

Nb : Les altermondialistes sont aussi anti-mondialistes au sens ou ils résistent à la mondialisation marchande, financière, productive. Vouloir un autre monde suppose de s’opposer à la déferlante destructrice en cours.

Edm = P Zarifian in L’échelle du monde

Lire « Les problèmes culturels » de P Fougeyrollas