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« Educ pop » I : Clarifier l’usage d’un mot valise : le peuple.

mercredi 27 avril 2022, par Amitié entre les peuples

« Educ pop » I : Clarifier l’usage d’un mot valise : le peuple !

Article publié le 14 octobre 2012 sur blog mediapart

Nombreux sont les acteurs qui usent du mot peuple. Et il ne s’agit pas nécessairement du peuple « pour soi », du peuple subjectif, du peuple en mouvement, celui qui se lève . Plus souvent, il s’agit du peuple objectif, du peuple « en soi », du peuple pensé, désiré , nommé. De celui vu comme dominé ou de celui dont on voudrait qu’il se mette en mouvement pour défendre ses droits ou en conquérir de nouveaux .

Les deux catégories sont à saisir dialectiquement, car la notion de peuple « en soi » est parfois invalidée, rabaissée à une invention. Comme si le travail de nomination était sans rapport avec le projet politique voulu concernant ici le peuple. L’histoire montre assez ce besoin de nommer : ethnos, laos, genos, demos, etc... Il ne semble rester massivement que populus qui est compris aussi bien comme tout le peuple que comme fraction de peuple.

L’ambiguité contemporaine de la référence au peuple sans adjectif ne saurait masquer la réalité massive de son usage. Il est partout. La science politique ou plus modestement la volonté de comprendre se doit de clarifier l’usage de ce que l’on nomme parfois négativement comme un mot-valise.

Cela concerne aussi bien en France Jean-Luc Mélenchon que Marine Le Pen ou d’autres grandes figures de la scène politique. Les journalistes comme les intervenants moins connus invoquent aussi le peuple mais peu précisent lequel.

Par exemple, le peuple de Marine Le Pen n’est pas celui de Jean-Luc Mélanchon, le premier ayant systématiquement sa carte d’identité nationale mais n’est que rarement dans un rapport de conflictualité interne à la nation, si ce n’est face aux divers gouvernants. Mais, le problème est aussi qu’il y a des différences d’usage au sein d’un même acteur ou locuteur. Il n’y a pas que des différences de sens entre acteurs différents de la mobilisation populaire. Et ces variations d’usage sont rarement précisées.

Le discours reste dans le flou sémantique. Une lecture attentive arrive parfois à cerner des nuances mais ce n’est pas toujours évident. Au-delà de l’accusation critiquable de populisme, il convient de signaler néanmoins que cela favorise grandement la manipulation politique des citoyens, de certains du moins. Un usage plus différencié serait souhaitable au moins à l’écrit.

Sans aller trop loin proposons les questions suivantes : S’agit-il d’un peuple-nation ? (référence à une histoire interne, à ses représentants aussi) d’un peuple démocratique  ? (référence aux citoyens mais aussi à une souveraineté) d’un peuple-classe ? (référence à un peuple social, hors classe dominante et oligarchie) d’un peuple ethnique (référence à une langue ou une culture) ? Ces quatre qualificatifs - il y en a d’autres (peuple autochtone, peuple colonisé, laos, etc...) - contribuent dèjà nettement à un langage plus prècis. Sans élitisme exagéré (sic) !

Des universitaires, spécialistes de cette question, ont développés diverses réponses mais ils ne sont guère écoutés. Un atelier de l’université d’été d’ATTAC de l’été 2012 a quelque peu vulgarisé ces notions (démarche d’éducation populaire). Il importe d’aller plus loin. Il y a des enjeux multiples.

Christian DELARUE

Membre du groupe « Culture et société » du Conseil scientifique d’ATTAC

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/141012/clarifier-lusage-dun-mot-valise-le-peuple