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MRAP / Pour l’Egalité et la Citoyenneté

mercredi 8 septembre 2010, par Amitié entre les peuples

Face aux débordements de la xénophobie d’Etat,

Contre la « politique du Pilori » :

Pour l’Egalité et la Citoyenneté

(nb / Texte plus long que celui du communiqué pour le rassemblement du 4 septembre 2010)

Le vendredi 30 juillet dernier à Grenoble - à la suite de violents affrontements intervenus peu auparavant entre les forces de sécurité et un groupe de Gens du Voyage dans le Cher ainsi qu’un groupe de manifestants du quartier grenoblois de la Villeneuve - le Président de la République Nicolas Sarkozy prononçait un discours lourd de dérives sécuritaires électoralistes.

Ce discours marque un tournant dans la stigmatisation de catégories entières de population, rendues collectivement responsables des maux de la société française. Il est, de plus, à noter qu’il comporte certaines graves erreurs de formulation qui ne sauraient guère être le fruit du hasard et sont indignes de la fonction présidentielle.

Ainsi, confondant – (in)volontairement ? – Rroms et Gens du Voyage, Nicolas Sarkozy a justifié les expulsions de Rroms Est-Européens de leurs campement illégaux en France par le fait qu’ils ne respectaient pas les aires légales de stationnement impulsées par les lois Louis Besson de 1990 et 2000 pour l’accueil des Gens du Voyage de France, dans les villes de plus de cinq mille habitants. Il a de même inclus les Rroms parmi les « migrants irréguliers » bénéficiant d’une aide au retour, alors qu’ils jouissent de la « liberté de circulation » des cinq cent millions de citoyens européens, définie dans la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Déplorable pédagogie présidentielle à rebours, mise au service d’une politique de stigmatisation de groupes de population, ethnicisés pour mieux en justifier le rejet !

Cet amalgame « Rroms-Gens du Voyage » répondait aux très violents affrontements entre une cinquantaine de Gens du Voyage français et la Gendarmerie nationale, survenus le 18 juillet dernier dans le Cher, après qu’une course-poursuite ait abouti à un tir mortel contre l’un des jeunes du groupe cherchant à forcer un barrage routier.

Si N. Sarkozy a décidé de choisir Grenoble le 30 juillet, c’était pour y installer le nouveau préfet de l’Isère et y annoncer avec fracas un nouvel empilement de dispositions législatives nouvelles, en réponse aux affrontements très violents entre forces de police et manifestant de la Villeneuve grenobloise, après la mort d’un jeune délinquant sous une balle policière dans la nuit du 16 au 17 juillet dernier. Cette nouvelle étape s’inscrit dans un continuum qui a vu le ministre de l’Intérieur Sarkozy de 2002 céder la place au Président de la République de 2007, n’ayant de cesse, dans l’un et l’autre cas, de sans cesse gonfler le Code Pénal de dispositions nouvelles, aux dépens du principe d’individualisation des peines.

Les nouvelles mesures législatives annoncées le 30 juillet, enflées dès le lendemain lors de diverses interventions ministérielles, portent en particulier sur la vidéosurveillance, l’application de la loi existante anti-bandes, l’extension de « peines-plancher » à toutes les « violences aggravées » notamment à l’encontre de « personnes dépositaires de l’autorité publique », la création d’une peine de 30 ans incompressible pour les assassins de policiers et gendarmes, l’extension du port du bracelet électronique au-delà des peines de prison exécutées pour les multirécidivistes, l’extension des motifs donnant lieu à la déchéance de la nationalité pour « toute personne d’origine étrangère ayant volontairement porté atteinte à la vie de policiers, gendarmes ou autres dépositaires de l’autorité publique, suppression de l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française à 18 ans par un mineur délinquant. Ce dernier point constitue un recul majeur après les acquis des lois Méhaignerie de 1986 et Guigou de 1998 qui avaient mis fin à une très douloureuse forme de « double peine ». N’est-ce pas le ministre de l’Intérieur Sarkozy qui, en 2003, avait pris l’initiative de nouvelles mesures de réduction de la « double peine » qui lui semblait injuste et douloureuse ?... Le même Nicolas Sarkozy prévoit en outre aujourd’hui « une réforme en profondeur du droit pénal applicable aux mineurs, pour s’écarter plus encore de ce qui reste de l’emblématique « Ordonnance du 11 février 1945 » qui combinait le traitement de l’enfance délinquante avec la protection des mineurs.

Les annonces ont été depuis lors amplifiées et précisées dans une relative surenchère entre Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur et Eric besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, qui ont prévu d’intervenir par voie législative en introduisant des amendements dans des procédures législatives en cours : celle de la LOPSSI 2 (orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieur), débattue au Sénat du 7 au 10 septembre 2010, et celle du projet de loi Besson « relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité » débattue à l’assemblée nationale à partir du 27 septembre 2010, avec introduction de nouveau amendements par le ministre concernant la sanction de « l’abus de court séjour » par les Rroms, la reconduite à la frontière pour « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale », l’élargissement des possibilités de reconduite à la frontière pour « menace à l’ordre public à l’occasion d’actes répétés de vol ou de mendicité agressive ». En outre, le Fichier OSCAR (Outil simplifié de contrôle des aides au retour), qui recense l’ensemble des bénéficiaires de l’Aide au retour, comprendra à partir du 1er octobre 2010 des données biométriques (empreintes digitales des 10 doigts y compris celles d’enfants à partir de 12 ans) conservées cinq ans.

La ratification imminente des Accords franco-roumains, sur le traitement des mineurs roumains, permettrait de ne plus systématiquement saisir le juge des enfants, facilitant ainsi les retours forcés. L’ensemble du projet de loi, combattu par les organisations de protection de l’enfance, restera vain tant que la question des mineurs roumains ne sera pas traitée globalement au niveau européen. On peut bien évidemment en dire autant de l’ensemble du dispositif d’éloignement des Rroms d’Europe de l’Est, citoyens de l’UE qui bénéficient de la libre circulation. Il est donc particulièrement urgent que les Etats membres de l’Union Européenne cessent de jour au « poker menteur » pour éviter la nécessaire prise en charge de la situation misérable et discriminatoire des populations Rroms sur le continent et que soit instaurée en faveur de leur intégration sociale une véritable politique communautaire qui reconnaisse aussi leur liberté de circulation.

Le MRAP se félicite qu’au moment même où se déchaînait en France l’expression xénophobe sous toutes ses formes aux plus hauts niveaux de l’Etat et du gouvernement, la France se soit fait rappeler à ses devoirs par les experts indépendants du « Comité de suivi » de la Convention des Nations Unies pour l’élimination de la Discrimination Raciale (CERD), sur un certain nombre de ses engagements conventionnels, mis particulièrement en péril au cours de l’été :

 augmentation récente des actes et manifestations à caractère raciste et xénophobe sur son territoire,

 mesures annoncées dans le domaine de la citoyenneté, risquant d’avoir des conséquences discriminatoires fondées sur l’origine nationale,

 persistance de stéréotypes et discriminations de toutes sortes faisant obstacle à l’intégration de « personnes issues de l’immigration » ou des « groupes ethniques » au sens de la convention,

 situation dificile des membres de la communauté Rrom quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels,

 difficultés rencontrées par les « Gens du voyage » dans leur liberté de circulation (manque d’aires d’accueil), l’exercice du droit de vote, l’accès à l’éducation et à un logement décent,

 sans oublier l’obstacle du maintien d’un « carnet de circulation » à renouveler périodiquement.

Enfin le CERD encourage la France à ratifier la « Convention Internationale (ONU) sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille » que tant l’UE que ses Etats membres se refusent à signer à ce jour.

La Défenseure des Enfant, à la veille de la rentrée scolaire, s’est inquiétée du sort des enfants des Gens du Voyage et des Rroms, tenant à rappeler que la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) fait obligation à la France d’assurer la scolarisation de tous les enfants présents sur son territoire, quelles que soient leur nationalité ou la situation administrative de leurs parents. Les expulsions successives de terrains illégaux, souvent à la demande de collectivités territoriales, rendent de plus en plus précaire la situation des familles et prive les enfants du droit à une scolarisation normale.

Comble de l’irresponsabilité, la classe politique qui s’était tant émue des « révoltes des banlieues » de novembre 2005, ne semble pas songer aux nouvelles spirales de révolte que ne manqueront pas de susciter de nouvelles injustices. Les déclarations fracassantes des membres du gouvernement trouvent un écho catastrophique dans une partie non négligeable de la population et le gouvernement tente de faire oublier ses politiques antisociales en mettant en avant des mesures sécuritaires et en opposant les « uns » aux « autres ».


Pour les valeurs de justice, de liberté, d’égalité et de fraternité pour toutes et tous

Contre la « politique du Pilori »

et afin de fêter le 140e anniversaire d’une République des Citoyens