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Les forces contraires à l’altruisme - Note Christian Delarue sur Plaidoyer pour l’altruisme M Ricard

lundi 13 juillet 2020, par Amitié entre les peuples

Les forces contraires à l’altruisme

Note Christian Delarue sur le livre de Matthieu Ricard intitulé « Plaidoyer pour l’altruisme », (et notamment de son chapître V p 300 qui porte un titre identique à notre texte).

Contextualisation . La question de l’altruisme ou de son contraire se pose de façon différente selon le lieu et selon le cadre. Selon le lieu, l’auteur le reconnait en critiquant la situation des USA qui voit, à cause de certains réseaux sociaux, une montée du narcissisme chez les adolescents. Il remarque aussi que les églises évangéliques incitent plus à une valorisation de « l’estime de soi » qu’à l’humilité.
Selon le cadre, c’est moins visible chez l’auteur, sauf lorsqu’il évoque le harcèlement en entreprise. Reste que que la question de l’altruisme se pose différemment dans le cadre familial ou du quartier que dans le cadre national ou plus largement encore au temps de la communication mondialisée. La distance crée des obstacles à l’empathie. Sans parler de l’ethnocentrisme qui n’est pas évoqué. Dire cela ne signifie absolument pas argument pour valider la haine des individus lointains (xénophobie). On ne peut donc pas généraliser les principes généraux de l’altruisme (ou le problème de ses contraires) sans tenir compte des situations concrètes des interlocuteurs. Ce qui n’enlève rien à la positivité de ce livre.

Point important : le face à face est-il possible ? Y a-t-il eu rencontre véritable ? Les SMS, on le sait sont pauvres et souvent secs voire brutaux or ils sont de plus en plus généralisés par une certaine jeunesse. Bref, il n’est pas inutile de savoir si nous sommes en présence d’individus inscrits dans des rapports sociaux inégaux ou si au contraire, nous sommes dans un cadre relationnel évolutif mais égalitaire. Savoir aussi si nous sommes dans un cadre de proximité (face à face) ou de distance (l’autre est loin sans visibilité des ressentis). Matthieu Ricard écrit (p332) « Les conversations électroniques sont lapidaires, rapides et parfois brutales. Les conversations humaines, face à face, sont de nature différente : elles évoluent plus lentement, sont nuancées et apprennent la patience ». Dans un cadre distant le développement de l’assertivité et la volonté de ne pas avoir un « coeur dur » (E Fromm) est un atout pour favoriser l’altruisme. Cela vaut aussi pour le cadre de proximité ou l’empathie a ici toutes ses chances.

Malgré cette critique-là, l’ouvrage imposant (plus de 900 pages) de Mathieu Ricard est admirable et rappelle celui d’Erich Fromm sur l’agressivité : « La passion de détruire » sous titré « Anatomie de la destructivité humaine » (1) . Il n’est guère possible de tout aborder.

1 - Ce qui s’oppose à l’altruisme, c’est l’égocentrisme. Ce centrage sur l’égo s’accompagne de replis sur soi, de manque d’ouverture. Si les personnes ne sont pas proches mais distantes ; si elles ne se voient pas, ou si l’empathie est réduite par les circonstances matérielles alors l’assertivité prend de l’importance. Elle n’est pas réservée aux cadres RH des entreprises ou aux commerciaux ! L’assertivité permet la communication non violente. « Etre concerné par autrui » est positif mais cette qualité suppose parfois, selon le contexte, d’en avoir les moyens... ou de se les donner. Un SMS (message écrit par mobile) est souvent sec, peu empathique, peu compatissant (sauf évocation d’un drame) donc peu assertif. On pourra alors choisir meilleure expression.

Le bouddhisme, souligne l’auteur, permet de dissiper l’illusion de l’égo et donc de s’affranchir d’une vulnérabilité fondamentale et de gagner ainsi une véritable confiance en soi et en autrui. Sans se proposer l’adhésion au bouddhisme, l’idée d’une distance par rapport à l’égo est nécessaire. Il y a des cas ou c’est difficile. Il est possible et souvent aisé de se montrer distant par rapport aux reconnaissances statutaires et sociales ordinaires - sauf jeu de pouvoir en entreprise - mais il est beaucoup plus difficile de montrer une telle distance lorsque le mépris va au soi (l’humain en soi) plus qu’à l’égo (l’orgueil de l’individu spécifique). J’évoque là la question de la néantisation.

Au titre de la résolution des conflits M Ricard préconise l’établissement de contacts personnels entre membres de groupes différents (p 314). C’est là que l’assertivité a son importance, ainsi que le refus de conserver un « coeur dur » (mais sur ce point le responsable RH comme le syndicaliste qui sont pris dans des rapports institutionnels ne peuvent pas toujours faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent).

2 - L’autre obstacle selon M Ricard tient à l’expansion de l’individualisme et du narcissisme. En contrepoint il fait état du besoin de rester relié, de se sentir relié, de jouir de la confiance d’autrui et même, au-delà de ces besoins, du refus du « chacun pour soi » (si valorisé par le néolibéralisme et le concurrentialisme).

A la suite du psychanalyste marxisant et culturaliste Erich Fromm (qu’il ne cite pas car il critique durement Freud et le freudisme, mais pas Darwin) qui distingue narcissisme bénin et narcissisme plus grave ; M Ricard pointe l’existence d’un « narcissisme malveillant » (Otto Kernberg) qui forme le fond actif du psychopathe qui impose par la nuisance le respect aux autres. Il en va de même de « l’ego boursouflé » qui lui sert d’appui.

Matthieu Ricard rappelle aussi que l’humilité n’est pas un manque d’estime de soi ou de confiance dans ses propres capacités et encore moins un « complexe d’infériorité ». Il y a aussi un lien entre l’humilité et la faculté de pardonner.

Note de Christian DELARUE (à poursuivre)

20/04/2014

Sur ce livre d’Erich Fromm lire : « Agir sur les conditions productrices de l’agressivité et de destructivité des humains ».

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/130812/agir-sur-les-conditions-productrices-de-lagressivite-et-de-destru

Sur ce texte je cite une autre vision que celle de Freud : « Désir, plaisir et socialité ».
http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/140314/desir-plaisir-et-socialite