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Le long déclin du capitalisme social. Christian DELARUE
mardi 15 octobre 2019, par
Le long déclin du capitalisme social .
On trouve toujours des individus à soutenir le capitalisme comme système de production fondé sur le profit mais il s’agit souvent, au sein des classes populaires, d’un « capitalisme social » c’est à dire d’un capitalisme ou il n’y a pas que des grosses entreprises capitalistes aveugles à ce qu’elles détruisent tant chez les humains exploités et subordonnés que dans une nature totalement livrée à sa transformation intensive et sans limite . C’est à dire, pour le dire autrement, un capitalisme limité car porteur, via l’Etat social et républicain de droits humains ou la liberté économique n’est pas fétichisée, c’est à dire placée comme un dispositif juridique intouchable au dessus des autres libertés, au-dessus des besoins humains du peuple-classe, des 99% d’en-bas. Au-dessus des autres principes : Egalité, solidarité et laïcité .
Dans ce « capitalisme social » il y a donc bien des entreprises capitalistes, pleinement au coeur du système, qui déploient une logique d’exploitation forte de la force de travail mais il y a en face - en contrepoids systémique - non seulement des syndicats de travailleurs et travailleuses (nécessaires mais insuffisants) mais aussi une législation sociale protectrice, donc des lois protégeant le monde du travail face au capital, aux détenteurs des moyens de production et de distribution. Il y a aussi à considérer l’absence, au sein du système productiviste pour le profit d’abord, d’une sorte de « raison manquante » dans la surexploitation de la nature, des sols et des sous-sols (extractivisme).
Alors, que dire de la tendance lourde des 40 dernières années, depuis le début des années 80 ? N’est-elle pas surtout destructrice des garanties sociales qui définissent ce « capitalisme social » ? Ne faut-il pas mesurer la vigueur d’une destruction de tout ce « social » sur plusieurs décennies, tant au plan national que mondial ? N’est-pas les firmes multinationales ou les sociétés transnationales qui en sont la cause avec l’appui des gouvernements de droite comme de gauche ,
Cette dynamique mortifère est porteuse d’inégalités sociales fortes. On atteint des sommets d’inégalités et rien ne laisse entendre un arrêt et un rééquilibrage.
On pouvait jadis passer relativement massivement du décile d’en-bas (10 % inférieur soit 1200 euros net par mois en 2015) en début de carrière au 10% d’en-haut (soit 3650 euros net par mois au palier) en fin de carrière, grâce au système de la carrière appliqué dans les trois fonctions publiques et dans certaines grandes entreprises . Evidemment, tous n’arrivaient pas dans le dernier décile car il s’agit de cadres de divers niveaux mais une très large fraction de travailleurs et travailleuses décollaient du SMIC et montaient dans la classe moyenne pour atteindre un niveau relatif de confort. Aujourd’hui c’est de moins en moins le cas.
Le salaire net moyen est de 2250 euros, chiffre qui n’est pas atteint en fin de carrière par une immense majorité de salariés qui restent très en-deçà. Ce sont les très riches qui font monter la moyenne à 2250 euros. Les retraités du public ou du privé sont largement en deçà des 2250 euros net. Et ceux et celles qui sont au-dessus ne sont pas riches mais en situation de retraités aisés. Il faudrait ici abandonné la question des revenus pour aborder aussi celle des patrimoines.
Par ailleurs, Il suffit de se retourner pour voir qu’à quasiment chaque réforme gouvernementale on a cassé les régulations juridiques et institutionnelles qui entravaient les logiques mortiféres du capitalisme, les logiques destructrices de l’Etat social, de la cohésion sociale .
On a aujourd’hui des inégalités sociales fortes avec une classe dominante très riche - avec un 1% lui-même divisé certains étant hyper-riches - et ce alors que le processus d’appauvrissement et de déclassement social frappe aussi bien la classe moyenne que les classes modestes, celles qui connaissent des fins de mois difficiles. Cet écart d’inégalités sociales ne semble pas pouvoir se réduire bien que l’on trouve des syndicats combatifs mobilisants des forces déterminées. C’est que la classe dominante du 1% n’est pas que riche, elle est dominante. Elle parvient à soumettre les esprits des classes populaires dominées.
A la destruction continue et méthodique de l’Etat social, avec son volet territorial d’abandon des services publics en campagne, s’ajoute la destruction de notre environnement naturel . L’industrialisation de la vieille économie marchande a débouché, sur de graves excès. La logique de profit d’abord a conforté ces excès ! Il faut bien se dire qu’avec ce capitalisme débridé nous ne sommes plus dans l’excès mais dans sa logique profonde.
D’aucuns nous disent « tant qu’on n’a rien de mieux à proposer, la critique systémique du capitalisme n’est guère sérieuse ». Est-ce à dire alors qu’il faille laisser faire ? Qu’il faille juste négocier des bouts de réforme et laisser passer la méga-destruction de l’Etat social ?
– Résister d’abord, construire ensuite !
Il importe d’abord et avant tout de s’opposer, de résister à Thanatos, à la barbarie qui vient (et qui n’est pas que chez les dictateurs façon Orban ou Salvini) mais chez tous les dirigeants qui s’emploient de Sarkozy à Macron à la destruction méthodique de l’Etat social avec ses services publics, sa sécurité sociale, son code du travail, son statut de la fonction publique.
Faut-il se cantonner dans les critiques sans solution, dans les seules résistances collectives qui de plus n’aboutissent pas toujours ? Il importe de proposer des réformes à effet cliquet qui brident le système, qui le dénature, qui transforme le loup capitaliste prédateur en humain respectueux et bienveillant !
On entend parfois : « Les marxistes avaient au moins une cohérence, c’est qu’ils croyaient en un système meilleur et voulaient l’appliquer : mettre fin au capitalisme en abolissant la propriété privée des moyens de production, mettre fin au marché en instituant la planification centralisée ». Mais c’est plus le stalinisme comme l’autre chose historiquement développée qui est alors montré du doigt qu’un socialisme authentique bénéficiant au peuple-classe et plus respectueux de la nature ! Cette méfiance dans l’alternative anti-systémique est une façon de (re)poser la question des libertés, de l’indivisibilité des libertés. Celle de la démocratie aussi.
Les classes populaires - moyennes et modestes - veulent majoritairement la liberté et la démocratie contre l’oligarchisation du monde, celle qui accompagne sa financiarisation. Elles le veulent notamment en refusant en France la retraite par points, les fonds de pension et la financiarisation de toute l’économie.
Christian DELARUE
Syndicaliste CGT Rennes et altermondialiste