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La démocratie prolétarienne

lundi 14 juillet 2008, par Amitié entre les peuples

Contre la dictature de la bourgeoisie et du capitalisme : la démocratie prolétarienne !

Sur Bellaciao le mercredi 18 juin 2008
par La Louve

Faut-il jeter aux orties le concept que traduit la « dictature du prolétariat » ?

Beaucoup de gens, y compris des communistes ou des marxistes chevronnés, ont tendance à dire « oui ». D’ailleurs, c’est ce que l’appareil dirigeant du PCF a acté, dans sa grande majorité (qui n’est pas nécessairement celle des militants), lors de son XXIIè congrès ( mais aussi, beaucoup plus discrètement, la LCR lors de son XVè congrès en 2002 ou 2003, où la notion est passée « gentiment » à la trappe sans tambour ni trompette...).

Faute d’un travail théorique suffisant, faute d’une volonté politique également, il faut le dire, qui permette un « Autrement », on a préféré jeter le bébé avec l’eau du bain (et cela annonçait une ligne idéologique dramatique dans le Parti, qui consisterait à reprendre purement et simplement à notre compte la critique BOURGEOISE du stalinisme en la faisant passer pour une critique du communisme, voire pour certains du marxisme même - nous y reviendrons...).

Dommage, car ce débat n’est pas clos, il n’a jamais été autant d’actualité et il demande un travail sérieux et approfondi de notre part.

Mais ce n’est pas parce que « les appareils ont décidé » qu’il ne fallait plus y penser, que nous devons, servilement, cesser d’y penser (le voudrions-nous, nous qui sommes engagés, souvent, dans les luttes quotidiennes du terrain, nous ne le pourrions pas en fait, tant ce questionnement nous heurte de plein fouet plusieurs fois par jour...)

« Dictature » : le mot a un sens horrible dans son acception moderne (mais qui évidemment n’était pas le même pour Marx et Engels au milieu du XIXe siècle, où ces gens encore pétris de leurs « humanités », parlaient de dictature pour parler de tyrannie ou de despotisme au sens antique.) Il évoque, et c’est légitime, car nous pensons avec notre temps, plus Mussolini ou Franco, que notre idéal communiste !

Oublions le mot un instant et concentrons-nous sur ce qu’il désigne, et sur son histoire : un pouvoir absolu ou presque, une toute puissance d’un corps sur un autre (plus tard, on y adjoindra l’idée de domination par la force, la violence , la contrainte mais à l’origine ce n’est pas forcément le cas....) - il est amusant de constater qu’un des fondateurs de la pensée libérale moderne (et donc, un parent lointain de nos chers « démocrates ») , Voltaire, vénérait quasiment Frédéric II de Prusse qui fut un modèle de « despote éclairé », ou Catherine II de Russie. (Bref, tout cela pour rappeler qu’il y a une bonne part de contextuel dans les mots , et qu’il ne faut pas oublier l’époque à laquelle tel ou tel concept a été forgé).

Revenons en donc au sens « primaire » ou « premier » du mot « dictature » : le pouvoir de l’un sur les autres, sans limitation extérieure type « loi », « cour suprême » etc (ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de limites mais il faut savoir lesquelles elles sont).

« Dictature du prolétariat », dans la bouche ou sous la plume d’un communiste, donc, cela ne peut assurément pas se comprendre sans avoir une vision d’ensemble du « paysage global ».

C’est en opposition d’abord, et évidemment, avec la « fausse démocratie de la bourgeoisie », qu’il faut prendre cette expression en compte.

Peut être que nous avons eu la chance d’oublier ce siècle dernier, progressivement, le pouvoir que cette dictature de la bourgeoisie imprime à nos existences, pourquoi et comment elle elle fait - c’est à dire ce contrôle quasi absolu que les représentants de cette classe, de cette minorité, exercent sur nos vies sinon sur nos corps mêmes - (que l’on passe de Marx à Bourdieu à Foucault à Debord en revenant à Engels, à Lénine...qu’on ouvre, tout simplement, les yeux, et alors on le voit bien, ce pouvoir !).

Enfin si nous l’avions oublié , nous visons depuis plusieurs années ,de quoi nous le rappeler, chaque jour plus fermement...

Mais aujourd’hui, - « à quelque chose malheur doit être bon »- , il est manifeste que le comportement politique et social des représentants des intérêts de la classe bourgeoise à l’échelle européenne sinon mondiale, ne peut que nous rappeler brutalement à la réalité de la lutte des classes.

C’est une occasion pour nous communistes de dénoncer sans relâche, en la démontrant, cette véritable dictature de la bourgeoisie. C’est l’occasion pour nous de faire sauter le masque théâtral de ce pouvoir politique et de dénoncer : « voilà la fausse démocratie libérale, c’est la vraie dictature de la bourgeoisie ! »

Ce masque sautera d’autant mieux que nous pourrons mettre en avant un des concepts majeurs du communisme moderne, celui de « démocratie prolétarienne » comme figure exemplaire de la « vraie démocratie ».

Il ne peut pas y avoir de démocratie réelle sans que la représentation de la classe dominante socialement corresponde politiquement.

Représentation au Parlement oui, mais aussi représentation dans les corps de l’Etat, dans la formation, dans les lieux de pouvoir...

Mais il ne peut pas y avoir cette correspondance dans la réalité si l’on n’enlève pas les obstacles idéologiques à cette représentativité réaliste (obstacles i.e. censure des expressions et idées communistes et occupation de la gauche socialiste par des fantoches sociaux-libéraux notamment).

En d’autres termes, tant que nous n’avons pas (et tant que nous ne prenons pas, et tant que nous ne nous donnons pas), les moyens d’occuper politiquement notre espace, les moyens de faire (re)naître la conscience de classe, les moyens de « repolitiser » les masses de nos frères, (et sachant que bien sûr, tout cela n’est pas une mince affaire, mais ce n’est pas infaisable !), tant que nous ne faisons pas nous communistes, syndicalistes, « chevronnés », tout ce travail, nous n’aurons pas la représentation politique adéquate.Nous ne l’aurons pas dans les assemblées et nous ne l’aurons pas dans les têtes - bien plus grave ! -

Non pas que cette représentation parlementaire doive être l’alpha et l’oméga de notre action, de notre pensée - non, puisque nous sommes des révolutionnaires !

Mais elle n’est pas négligeable, elle a une importance (pas pour nous, ni pour un parti, mais aussi pour les intérêts de classe que nous représentons dans les institutions bourgeoises), et surtout , cette représentation adéquate, elle est le symptôme de l’efficacité (ou pas) de notre travail, de la valeur de ce que nous faisons.

Concrètement, par exemple : les salariés en général, sont majoritaires dans ce pays , et largement puisque nous représentons plus de 75 % de la population active. Et pourtant, regardez la représentation sociologique des assemblées, vous serez surpris de voir combien nous y sommes peu nombreux, en fin de compte ,et que parmi ceux que nous avons, beaucoup n’ont plus effectivement travaillé depuis 25 ou 35 ans !

Ce concept de « démocratie prolétarienne » ou de « vraie démocratie » (c’est à dire un régime où les mots correspondent à la réalité, et où le peuple - c’est à dire la majorité d’entre nous - est représenté et a les moyens de gouverner à sa juste valeur et en proportion de son nombre - ) est corolaire de la politisation, de la possibilité de laisser chacun-e se saisir à nouveau de la politique, de la vie politique.

Nous sommes aujourd’hui, pour des tas de raison (sur lesquelles nous devrons revenir rapidement), dans une véritable apogée de la dépolitisation des masses , sinon d’une dépolitisation « de masse » .

Bref, ce concept de « démocratie prolétarienne » doit être expliqué, il doit être retravaillé, à commencer, d’abord , au sein des partis dit communistes, il doit servir d’abord à dénoncer la dictature de la bourgeoisie puis à populariser la possibilité de la révolution et à jeter les bases d’une création politique nouvelle.

Il doit être construit théoriquement, mais d’un point de vue communiste, c’est à dire toujours marxiste - ( et en nous fondant notamment sur des analyses de classe de la population, de l’état de la lutte des classes au « moment T », sans prendre nos désirs pour la réalité mais en acceptant de se confronter enfin aux classes, aux masses, aux mouvements populaires, en prenant acte de leur état de conscience, de leurs désirs, en écoutant ce qu’elles disent, ce qu’elles veulent, même si cela « ne nous plaît pas » !).

Nous devons faire revenir la vraie politique (et non pas le succédané à peine réchauffé qu’on nous sert depuis des années) dans notre camp, entre nos MAINS.

Le pouvoir, la révolution qui nous est nécessaire, ne peuvent passer que par là.

Par la prise de conscience et par le désir de ne plus se laisser déposséder de ce bien fondamental qu’est l’action politique au sens large.

Tant que nous n’aurons pas trouvé le moyen de grandir, de sortir de cette minorité sous tutelle, la révolution ne sera qu’un mot ,qu’une utopie et fera potentiellement plus de mal que de bien. Or force est de constater que malheureusement c’est encore ainsi , comme des adolescents un peu « attardés », que se comportent aujourd’hui la plupart d’entre nous. De même, les partis dits « de gauche » et notamment les partis communistes , doivent revoir leurs relations avec « le dehors » .

Quitter cette adolescence ,se diriger vers la possibilité d’une démocratie prolétarienne , ça commence par se lever ,se dresser, y compris sans les partis, au besoin même contre ces partis. Accepter de prendre la part de travail qui nous revient, accepter donc, aussi que nous avons les capacités, les talents, nécessaires pour le faire , en un mot, nous aimer suffisamment pour prendre nos vies en mains - admettre que, si nous sommes assez « raisonnables » pour voter, pour travailler, pour payer nos impôts etc ( et la contrainte n’a qu’une part restreinte ici) nous sommes également assez raisonnables pour dire « Ca suffit, je reprends mon POUVOIR ».

On ne peut pas continuer comme ça ,avec ce simulacre , où le Parlement est squatté par des membres aguerris de la caste politique, des hauts fonctionnaires, des professions libérales, des PDg, des cadres supérieurs.

Où est la représentation adéquate de la population française ? Où sont les petits salaires, les travailleurs, les SMICARDs, les chômeurs, les ouvriers, les retraités de la fonction publique, les étudiants, les pauvres ???? Où sont les personnes de couleur, les représentants de l’immigration ? Où sont les (jeunes) femmes (comme dirait l’autre...), les familles, les parents ? Où sont les salariés d’active (et pas ceux qui le furent mais ne le sont plus depuis 25 ans !)

Il faut envisager un autre horizon, un horizon qui ne se satisfasse pas des limites très étroites dans lesquelles la bourgeoisie enferme la possibilité politique du prolétariat. Il y a des idées à creuser, à développer pour ce faire, nous y reviendrons à un autre moment.

Sortir de cet état de marasme où nous coulons actuellement, d’une manière ou d’une autre, ce serait déjà un énorme pas , sinon un début de révolution. Je considère que nous serons en train de toucher du doigt un début intéressant quand les électeurs et électrices se constitueront en comités qui jugeront les politiciens, les élus , quand nous manifesterons sous les fenêtres du PS pour réclamer qu’ils arrêtent de trahir , qu’ils rendent leurs mandats lorsqu’ils « font faillite » .

Nous aurons un début intéressant quand nous, communistes proposerons un projet de démocratie prolétarienne, pas une « 6e » ou une « 7e république », non , je parle d’ un autre régime politique, qui n’oublie ni la lutte des classes ni la révolution.

Un projet d’institutions politiques qui puisse fonder et stabiliser ce régime, et permettre le dépérissement de l’Etat , la transition vers une autre société .

Notre projet de société pour le 21e siècle il est là , il me semble, et il tient en deux mots : « démocratie prolétarienne ».

Le pouvoir aux salariés, tout le pouvoir, pour les salariés, par les salariés, contre la dictature de la bourgeoisie et le capitalisme. Le salarié (actif ou pas) comme premier critère de la citoyenneté. Les salariés comme première force politique du pays, de l’Europe.