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Gaza : le colonialisme, l’apartheid et le suprémacisme à l’origine du carnage - Pierre Stambul - UJFP (15 octobre 2023)

mardi 7 novembre 2023, par Amitié entre les peuples

Gaza : le colonialisme, l’apartheid et le suprémacisme à l’origine du carnage - Pierre Stambul - UJFP (15 octobre 2023)

Extrait :

Nous sommes des gens qui ont toujours été des amoureux pacifiques de la vie et de la paix. Mais l’occupation israélienne ne nous a laissé aucune place pour la vie, et ils n’ont respecté aucun accord ou traité. Ils ont continué à confisquer des terres, depuis 1948 jusqu’à aujourd’hui, et à tuer tout ce qui est palestinien. Ils ont assiégé plus de 2,3 millions de Palestiniens depuis 2006 et ont fait de la bande de Gaza une immense prison. Des familles entières ont été retirées du registre d’état civil pendant des années à cause du bombardement de leurs maisons sans avertissement.

Les Palestiniens n’ont pas cherché la guerre, mais les Israéliens n’ont laissé aucune chance aux Palestiniens de vivre. Les Palestiniens ont appelé à tant de reprises le monde à arrêter l’agression d’Israël et à briser le blocus de la bande de Gaza. Mais le monde était sourd et muet. Il tournait le dos aux Palestiniens, indifférent à leurs souffrances.

Ce qui s’est passé aujourd’hui devait être attendu, sachant l’injustice envers les Palestiniens et la marginalisation continue de leur société.

La communauté internationale est ainsi principalement responsable de l’effusion de ce sang des deux côtés. La communauté internationale doit mesurer les conséquences de ce qui est en train de se passer, et changer sa stratégie pro-Israël.

XX

Rien n’est plus faux que de présenter la situation aujourd’hui comme « une guerre entre le Hamas et Israël ». C’est toute la population gazaouie qui subit un massacre, et c’est aussi toute la population gazaouie qui crie son droit à l’existence, son droit à vivre. Au moment où le discours répété sur toutes les ondes prétend que les bombardements se « justifient » par l’« éradication du Hamas », il faut prendre conscience que la société gazaouie est pluraliste, divisée politiquement, mais unie, par force et par volonté, dans le cri de son droit à l’existence. Pour faire taire ce cri il faudra tuer l’essentiel de cette population – et c’est ce qui se passe sous nos yeux.
Il faut écouter les voix de Gaza :

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Je peux décrire la situation de ma maison : plus de 100 personnes sont accueillies maintenant, tout le monde ne peut pas entrer, il a fallu que les gens se séparent, femmes et enfants à l’intérieur, les hommes restant autour de la maison. Or il n’y a pas d’eau ! Ni pour boire, ni pour se laver. On manque aussi maintenant de nourriture, on n’a pas de quoi nourrir autant de gens.
C’est une nouvelle Nakba qui est en train de se dérouler.
L’urgence n’est ni un corridor humanitaire, ni une modération des bombardements. L’urgence est l’arrêt des bombardements sur la population de Gaza. Il faut absolument l’obtenir de la dite communauté internationale.

Déni et complicité

Dans mon éducation juive, le négationnisme est un crime absolu.

On assiste aujourd’hui à un véritable négationnisme vis-à-vis des Palestiniens. Ils ont été victimes d’un nettoyage ethnique prémédité en 1948. L’occupant a délibérément violé la résolution 194 sur le retour des réfugiés et il a détruit des centaines de villages, allant jusqu’à effacer la trace de la Palestine. Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem Est sont occupés depuis 1967 alors que la résolution 242 a exigé le retrait d’Israël de ces territoires. Un million de Palestinien.nes ont connu la prison. Plus de deux millions de Gazaouis sont bouclés par terre, par air et par mer depuis 2006. Un mur de 700 km balafre la Cisjordanie et contribue au vol des terres. Toutes les associations des droits de l’homme, y compris celles d’Israël, ont conclu qu’Israël est un État d’apartheid. Fort logiquement, le sionisme a conduit à l’arrivée au pouvoir en Israël de fascistes, de racistes, de suprémacistes, d’intégristes. C’est comme si l’OAS avait gagné la guerre d’Algérie.

Nier que la Palestine est victime depuis des décennies de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, c’est du négationnisme.

Dans cette guerre coloniale, il y a un occupant et un occupé. Les Israéliens ne sont pas des victimes. Ils sont les citoyens d’un État colonial et, comme en France à l’époque de la guerre d’Algérie, ils sont bien peu nombreux à dire non.

Cette situation est rendue possible par des décennies d’impunité qui ont fait perdre tout sens moral à la majorité des Israéliens. La « communauté internationale » porte une responsabilité majeure. Elle arme Israël. Elle défend en toute circonstance son régime, quels que soient les crimes qu’il commet.

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Le carnage actuel est également rendu possible par les « accords d’Abraham ». L’Occident a installé à la tête du monde arabe des dirigeants qui appartiennent au même camp et qui « normalisent » leurs relations avec Israël en acceptant l’éradication de la Palestine.

Les victimes civiles

Tuer des civil.es, même quand ils/elles appartiennent au camp ennemi, est inexcusable. C’était déjà vrai à Dresde ou Hiroshima en 1945. Je n’excuse rien, j’essaie juste d’expliquer comment c’est ressenti.

À Gaza, la population civile est systématiquement massacrée depuis des années : 1400 mort.es en 2008-9, 170 en 2012, 2400 en 2014, 350 lors des « Marches du Retour avec 8000 estropié.es … À l’heure où ces lignes sont écrites, le chiffre de 2014 est dépassé. La majorité des victimes sont des femmes, des enfants, des vieillards.

La compassion de nos dirigeant.es et de nos médias s’est arrêtée aux victimes israéliennes. Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » ?

Il y a eu des centaines de civil.es israélien.nes tué.es dans des kibboutz, dans une rave party, à Ashkelon ou Sderot. Pourquoi l’opprimé (les Gazouis) s’en est-il pris à la population civile ?

Quand on est sur la frontière Est de Gaza, on voit de l’autre côté de la frontière des plantations luxuriantes et des piscines. À Gaza, 97% de l’eau est inconsommable. Parce que les Israéliens ont massivement pompé la nappe phréatique, celle-ci a été envahie par la mer. On compte 150 puits le long de la frontière, côté israélien, c’est documenté.

À Ashkelon, l’office de tourisme conseille d’aller sur un petit monticule qui domine Gaza. À chaque bombardement, le panorama est fantastique. Et Sylvain Cypel raconte comment, lors d’un précédent bombardement, sur les plages d’Ashkelon, les gens applaudissent les bombardements entre deux baignades.

Sderot est une ville essentiellement peuplée de Juifs maghrébins. On les a amenés là en leur disant : « c’est le désert, vous ne serez pas dépaysé.es ». C’est le racisme interne à la société juive israélienne. Le taux de chômage et de pauvreté est important. Il y a plus de 20 ans, les gens allaient faire leurs courses à Gaza et il y avait eu une pétition commune demandant la paix. Aujourd’hui, la ville a voté massivement pour les suprémacistes. Ce genre de phénomène s’est déroulé pendant la guerre d’Algérie avec le FLN mettant des bombes dans les cafés français et des bastions communistes pieds-noirs basculant en partie du côté de l’OAS. Dans une guerre coloniale, les civil.es du pays colonisateur sont forcément impliqué.es.

Les plus belles analyses ont sans doute été écrites par des anticolonialistes israélien.nes : Amira Hass et Gideon Lévy dans Haaretz, Ilan Pappé, B’Tselem, Breaking the Silence. Tou.tes expriment leur effroi, disent qu’ils ont des proches parmi les victimes. Et tou.tes disent que le responsable, c’est l’occupation, l’apartheid et l’impunité. Déjà, il y a 30 ans, Nurit Peled dont la fille, Smadar, venait de mourir dans un attentat du Hamas avait écrit à Nétanyahou : « tu obliges nos enfants à être des assassins ou à être assassinés. »

Le Hamas est-il un groupe terroriste ?

XX

Le Hamas a gagné les élections de 2006 (parfaitement démocratiques) sur un double rejet : les accords d’Oslo et la corruption. Même dans la bande de Gaza, il n’a eu que 40 % des voix. Il est clairement haï par une partie de la population. J’ai rencontré en 2016 deux de ses dirigeants, j’ai été interrogé par sa police et ce n’est vraiment pas ma tasse de thé.

Mais, désolé, il est perçu (à juste titre) comme un des éléments de la résistance palestinienne. Les raisons de son attaque (peut-être empêcher une normalisation avec l’Arabie Saoudite) et les méthodes employées n’ont jamais été débattues démocratiquement, mais le soutien à ce qu’il vient de faire va largement au-delà de sa base sociale.

La guerre qui se déroule en ce moment n’est pas une guerre contre le Hamas. C’est une guerre de destruction de la société palestinienne.

Exiger qu’on qualifie le Hamas de terroriste alors qu’Israël utilise des méthodes authentiquement terroristes contre la population civile, c’est un non-sens. Décorer la Tour Eiffel aux couleurs d’Israël, c’est une obscénité.

Une nouvelle Nakba ?

Quand le ministre Yoav Galant traite les Palestiniens d’animaux humains et qu’il ordonne à plus d’un million de personnes de partir sous les bombes, on n’a plus du tout affaire à ce que complaisamment les médias appellent une riposte ou une action de représailles.

On m’avait parlé à Gaza d’un plan visant à regrouper des centaines de milliers de Palestiniens dans le nord du Sinaï et à qualifier cela « d’État palestinien » pendant que l’essentiel de la Cisjordanie serait annexée. Je n’en croyais pas un mot. Et puis, il y a eu Trump et le plan Kushner qui reprenaient cette idée.

Beaucoup de Palestinien.nes disent qu’ils/elles préfèrent mourir sur place plutôt que de partir. En même temps, ils/elles expliquent qu’il est tombé plus de bombes sur Gaza en 3 jours qu’en Afghanistan pendant un an, que la population n’a plus d’eau, de nourriture, d’électricité, de médicaments. Ils/elles parlent de génocide, d’Hiroshima. Nul doute que, si la frontière de l’Égypte complice s’ouvre, beaucoup vont fuir.

Et si c’était le but des dirigeants israéliens ?

La Palestine criminalisée en France.

Cela fait bien longtemps que le pouvoir en France piétine les libertés, nasse les manifestations, utilise une violence policière extrême contre les Gilets Jaunes ou à Sainte Soline et dissout des associations.

La France est le seul pays occidental où les manifestations pour la Palestine, même déclarées, sont interdites. Des militant.es, dont des membres de l’UJFP, sont arrêté.es ou mis en garde à vue. Des officines diverses demandent la dissolution des associations qui défendent la Palestine. L’antisionisme, comme l’anticapitalisme deviennent des crimes dans un pays qui laisse les migrant.es se noyer.

L’extrême droite en embuscade, soutient sans réserve Israël.

Les médias déversent un discours à sens unique, criminalisant la France Insoumise parce qu’elle ne hurle pas avec les loups.

Darmanin qui prétend « défendre les Juifs de l’antisémitisme » est l’auteur d’un livre bourré de stéréotypes antisémites.

C’est sans doute la preuve que le soutien au peuple palestinien, menacé et abandonné, est essentiel dans notre combat sur le thème : « un autre monde est possible ».

Pierre Stambul, le 15 octobre 2023