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Démocratiser, démocratisation : Dualité et complémentarité de sens. C Delarue

vendredi 28 août 2009, par Amitié entre les peuples

Démocratiser, démocratisation : Dualité et complémentarité de sens.

Le langage courant distingue d’une la démocratie-intervention citoyenne - ce qui vient d’en-bas et par « les urnes » plus que par « la rue » et d’autre part la démocratie-affectation de droits qui elle vient d’en-haut. Deux notions différentes mais complémentaires pour l’établissement d’un niveau supérieur de démocratie.

Ajoutons pour montrer la complexité du sujet qu’on évoque parfois - rarement heureusement - la « démocratisation » de l’intolérance et du racisme (1) pour montrer que dans le sens de ce qui vient d’en-haut, tout n’est pas positif. S’il y a dualité de signification, il n’y a pas toujours complémentarité d’action.

Le peuple ethnos dominant s’accommode alors d’un peuple demos peu social et peu démocratique. (2)

Contribution à un éclaicissement.

populisme

Dire que l’appareil d’Etat s’est relativement démocratisé n’est pas la même chose que de dire que la pratique du tennis s’est démocratisée. Autrement dit, il y a à distinguer d’une part le processus démocratique proprement dit qui porte sur la généralisation de l’intervention citoyenne dans divers champs sociaux et d’autre part les droits associés à cet exercice qui permettent (ou non) son effectivité. L’un ne va pas sans l’autre dans une certaine mesure mais on ne saurait pour autant les confondre. Or en français le terme démocratiser ou démocratisation permet ce lien mais aussi cette confusion notionnelle. Dans les facultés de droit ou de sciences politiques les études sur les régimes de pouvoir et celles sur les droits et libertés sont séparées. Mais le langage courant réunit ces champs notionnels sous le même vocabulaire. En société, tout citoyen, tout individu qui s’intéresse à la démocratie se doit d’étudier aussi les libertés publiques et le droit d’accès aux biens et services qui permettent de réaliser le développement démocratique.

Les libéraux outre l’acceptation d’une votation démocratique espacée peuvent s’accommoder d’une certaine participation aux activités de la cité, du quartier ou du village dans la mesure ou les questions les plus délicates avec des enjeux importants n’y sont pas posées. Une boutade veut que participer à des associations de pêche à la ligne soit non seulement autorisé mais recommandé. Voilà en effet une occupation du temps qui ne débouche pas sur une activité critique émancipatrice. C’est là en somme une modernisation du propos qui valait au XIX ème siècle pour la religion catholique : bien s’occuper du ciel évitait de s’intéresser à la terre et à l’organisation sociale du monde. Voilà qui participait bien à la division conservatrice des tâches qui veut que les humains ordinaires travaillent et éduquent les enfants pendant que les politiques s’occupent des affaires publiques. Les libéraux se sont mis peu à peu à reconnaitre un droit d’information des citoyens qui est très réglementé avant les élections. Mais dans l’ensemble les libéraux s’accommode d’une certaine restriction des activités dispensatrices de droits effectifs et d’égalisation des conditions sociales.

On doit à la commission « démocratie » d’ATTAC et à Patrick Braibant de penser la démocratie en terme de processus et donc de démocratisation. Cela nous éloigne de la conception de la démocratie en termes de régimes démocratiques (présidentiel, parlementaire, etc ;) qui a succédé à la distinction entre société aristocratique et société démocratique à laquelle Tocqueville a donné le nom d’« états ». En outre Montesquieu puis Tocqueville ont remarqué, de façon différente, la montée de l’exigence d’égalité en lien avec la demande de démocratie.

La question de l’égalité.

La lente montée de la démocratie en Occident au XX ème siècle sous ses diverses formes s’accompagne d’une meilleure égalisation des conditions. Le déclin démocratique actuel qui a pour nom gouvernance ou césarisme démocratique entraîne aussi une régression en terme d’égalité et d’accès aux droits. Il n’empêche que démocratie et droits sont bien des objets et des revendications différentes quoique très souvent liées.

Poser la question de la conciliation de l’égalité de droit et de l’égalité de fait en lien avec la démocratie laisse entendre d’emblée un progrès de la démocratisation. Il semble bien que l’on soit en droit de penser que la montée en force de l’égalité de fait soit à rapporter à un degré qualitativement supérieur de démocratie. Si la démocratie libérale s’accommode de l’égalité de droit la démocratie sociale, notamment avec la Sécurité sociale et les services publics, et plus encore la démocratie socialiste sont des sociétés d’établissement de l’égalité des conditions.

Une telle égalité qui ne cesse d’être recherchée contre la simple équité mais en lien avec la liberté et la redistribution fiscale. Et ce d’autant plus que la critique écologique anti-productiviste tend à la critique du sursalaire tant des travailleurs hyper-productifs que des financiers parasitaires. L’argument « méritocratique » (notamment défendu par J Rawls) tend donc à régresser. Ce qui est par contre de plus en plus exigé c’est l’effectivité de la participation nécessaire de tous à la production de l’existence sociale avec un salaire permettant de vivre décemment. La classe dominante résiste à promouvoir une telle société « d’ égaliberté » démocratique. Elle préfère la pente du « césarisme démocratique » (3).

Pour la république sociale et même socialiste !

La République sociale tente de répondre à la « question sociale » par de nouveaux droits. La République sociale et plus encore la République socialiste ajoute au processus de démocratisation une dynamique forte d’appropriation publique et sociale, une dynamique de service public, de gestion publique des biens publics ainsi qu’une promotion de la valeur d’usage sur la valeur d’échange. La différence entre République sociale et république socialiste tient à la place laissée au capital comme propriété et comme rapport social. Une étape qualitative de rupture est franchie avec le socialisme ou le « cens caché » (D Gaxie 1978) est radicalement circonscrit car il a fait prévaloir sa propre logique sur l’hégémonie des critères capitalistes encore dominants sous la République sociale.

La démocratie libérale, à la suite de Tocqueville et Montesquieu entend placer des contre-pouvoirs à la « massification », à la montée en force de l’intervention citoyenne généralisée. Ces contre-pouvoirs ont certes évolué : ils font appel aux appareils d’influence médiatique (4) et aux lobbies. Ils tendent à assurer le pouvoir économique et les autres pouvoirs à la bourgeoisie comme classe dominante. Il s’agit alors pour les représentants du peuple-classe non pas de supprimer le contre-pouvoirs mais d’en changer les dynamiques.

Christian Delarue

1) notamment Monsieur Doudou DIENE rapporteur spécial de l’ONU lors de l’anniversaire des 60 ans du MRAP.

2) Quand le peuple « demos » supplante difficilement le peuple « ethnos ».

Contre la « montée des identités », défendons le social (la rue) et la démocratie (les urnes)

3) Déconstruire le césarisme démocratique du sarkozysme

http://www.contre-feux.com/politique/sarkozysme-deconstruire-le-cesarisme-democratique.php

4) La manipulation des consciences usent des affects irrationnels particulièrement mobilisables avec le média audiovisuel en lien avec le clientélisme des instituts de sondage. Cf. JC Bauduret sur ce site