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Démocratie césariste et Etat national-classiste. Christian Delarue

dimanche 8 octobre 2023, par Amitié entre les peuples

Démocratie césariste et Etat national-classiste

Un texte de la Commission Democratie d’ATTAC « Pour une autre démocratie, une autre Constitution » évoque la « démocratie césariste » (1), plutôt que démocratie illibérale ou même « démocrature » (par exemple). Quel contour pour cette notion ? Première contribution, en cours de développement au travers de trois parties :
I - Quelques distinctions préalables.
II - Retour du césarisme
III - Critique du césarisme

http://amitie-entre-les-peuples.org/Democratie-cesariste-et-Etat-national-classiste?var_mode=calcul

I - QUELQUES DISTINCTIONS PREALABLES.

Nous en voyons trois, pour l’essentiel.

A - Césarisme et bonapartisme
Sur La Toupie nous comprenons que "Le césarisme est une tendance de la droite française, parfois dénoncée par la gauche, et dont Nicolas Sarkozy a été l’un des héritiers. Les Français sont alors décrits comme un peuple pouvant se laisser facilement séduire par des hommes politiques forts, mais finissant toujours par se réveiller quand il prend conscience du creusement des inégalités au profit d’une minorité.
Avec André Bellon (avril 2014) on rappellera que « l’option bonapartiste s’est affirmée dans l’histoire comme fondée sur le peuple, mais dans une vision dépolitisée, infantilisante pour les citoyens, éventuellement validée par des plébiscites. »
« Les bases d’un césarisme démocratique allie mystique du chef et suffrage universel, le lien entre les deux s’opérant par le biais de l’appel au peuple » nous dit Jacques-Olivier Boudon (2)

B - Césarisme ou populisme
L’appel au peuple a produit la catégorie de « populisme » qui n’est guère stabilisée. Elle sert de trop aux élites néolibérales à profil classiste pour mépriser le peuple . Et puis peuple est - on le sait - très polysémique alors de quel peuple parle-t-on ? Peuple-nation, peuple-citoyen, peuple-classe, peuple-race, etc ? L’appel au peuple n’est pas mauvais en soi tout dépend du pourquoi faire ? Appeler à défendre dans la rue les intérêts du peuple-classe à propos des retraites par une intersyndicale parisienne ou se mettre derrière un chef pour des élections sont deux choses bien différentes.

C - Fascisation : Retour du césarisme ou du fascisme ?
Il ne faut pas confondre un état relativement stable avec un processus fait de dynamiques contradictoires ou une est forte. Ainsi fascisme n’est pas fascisation, lequel processus ne va pas forcément jusqu’au fascisme ou une dictature conservatrice avérée. De même démocratie (laquelle ?) n’est pas démocratisation ni même un processus autocratique inverse.
Si on définit provisoirement le césarisme comme une démocratie autoritaire et conservatrice alors on peut dire qu’elle participe à un processus inverse de la démocratisation que l’on nomme fascisation. Le processus autoritaire peut s’arrêter à un césarisme moderne. C’est ce qu’explique une revue récente - Le Grand Continent - : Face à la montée des autoritaires, on a peur de voir ressurgir de nouveaux Hitler. Il faut plutôt se méfier des nouveaux Bonaparte. Derrière la référence à un fascisme latent se cache un autre phénomène : le retour du césarisme. (3)

II - RETOUR DU CESARISME.

De Trump, Poutine et Erdogan peux-t-on passer à Sarkozy et Macron, par delà des styles différents ? Certains mécanismes juridico-intitutionnels permettent un autoritarisme présidentiel au-dessus des élus du peuple.

A - Des phénomènes de caporalisation à la présidentialisation du régime
Le cumul des mandats verticaux (cumul des années) et horizontaux (cumul des postes) peuvent produire à gauche comme à droite des phénomènes de caporalisation ou de caste - ce qui est mauvais pour la démocratie car cela creuse l’écart entre des élus devenus professionnels de la politique et ile peuple des citoyens. Avec la caporalisation des partis politiques nous sommes à l’antichambre du césarisme moderne qui suppose une forte présidentialisation des institutions ou du régime politique en place.
Ordinairement le césarisme moderne est porté par les droites conservatrices et cela constitue une anti-chambre possible à un césarisme d’extrême-droite.

B - France : De Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron

Article « De Sarkozy à Macron, la radicalisation néolibérale » sur Médiapart avec un entretien de Fabien Escalona et Romaric Gaudin avec David Mulhmann (6 octobre 23) : « L’auteur - David Muhlmann - considère que le dernier quinquennat représente une forme de « dictature de classe ». Non pas parce qu’Emmanuel Macron aurait été élu par la bourgeoisie seule, mais parce que sa politique constitue une « autonomisation du pouvoir financier et des décisions stratégiques d’entreprise ». Autrement dit, les politiques économiques sont prises dans l’intérêt du capital, indépendamment de tout autre. Ce durcissement se traduit par un autoritarisme particulier, qui remplace le « césarisme » classique reposant sur des politiques sociales, mais ne se confond pas avec le fascisme. Selon l’auteur, le recours trop facile au passé empêcherait d’identifier les ressorts originaux d’un autoritarisme qui évolue dans le cadre des institutions existantes et de l’apparence de la démocratie libérale. »

Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne sont pas sur un mode de gouvernance comparable à Trump, Poutine et Erdogan cités comme de nouveaux César (4) . Mais une tendance autoritaire est là : une forme de mépris du peuple via une démocratie minimale plus qu’un appel au peuple. Il y aurait donc deux formes modernes de césarisme. Par ailleurs, plus que de césarisme sans adjectif - terme qui pourrait qualifier un style d’intervention -, il s’agit d’évoquer en deux mots un « césarisme démocratique » dans la mesure ou les éléments de la démocratie représentative y perdurent avec des éléments d’une gouvernance autoritaire. On constate en effet chez Macron un usage répété et problématique de l’article 49-3 (avec d’autres articles de la Constitution), usage qui permet un commandement autoritaire de la République sans tenir compte de la représentation nationale au Parlement, ni de l’ampleur des manifestations populaires durant le premier semestre 2023 .

III - CRITIQUE DU CESARISME MODERNE.

Sous deux aspects complémentaires.

A - Césarisme et République néolibérale
Ce césarisme se combine avec une conception néolibérale de l’économie qui accroit les inégalités sociales entre les riches et le reste de la population et qui marque aussi une dérive ploutocratique des institutions. La caste des élus professionnel du Parlement est majoritairement issue des professions aisées de la population et elle continue de s’enrichir durant ses mandats.
Le césarisme moderne s’appuie aussi sur une police répressive largement fécondée par des éléments d’extrême-droite qui pratiquent le contrôle au faciès et qui en plus ont le tir facile.
La République néolibérale est, il faut le dire, de moins en moins républicaine car de moins en moins sociale. Et, autre aspect, la prise en charge de l’écologie traine des pieds.

B - Césarisme ou un autoritarisme de classe
Une démocratie césariste dispose certes d’un mode de suffrage démocratique mais elle forge aussi un Etat répressif de classe de plus en plus au profit des classes dominantes, ou pour le dire autrement un Etat national-classiste qui creuse des inégalités sociales contre le peuple, comprenez le peuple-classe sous le 1%, la « sous-bourgeoisie » aisée (deux déciles supérieurs) n’étant pas ici assimilable à la bourgeoisie ou à l’oligarchie des milliardaires.
L’Etat national-classiste s’éloigne au fil du temps de l’Etat social qui s’est historiquement construit en 1945-47 avec des services publics au service des usagers et des besoins sociaux, une sécurité sociale, des nationalisations, etc... Etat social qui n’est cependant pas un Etat socialiste, le mode de production capitaliste étant encore dominant quoique réduit.
L’Etat-national classiste est le produit historique de la thatchérisation du monde depuis les années Reagan-Thatcher (1979). C’est François Mitterrand qui a mis en oeuvre en France (en 1983) cette « casse de l’Etat social » (Michel Husson) sur deux mandats présidentiels et ce avec une politique néolibérale qui voit - pour résumer - la montée de trois processus : les privatisations, les marchandisations, la financiarisation. Ces dynamiques ont produit une fragilisation des statuts stabilisés du salariat. La précarité s’est installée et développée pendant que la finance prédatrice enrichissait de plus en plus les riches. La financiarisation est un facteur de classisme, de politique de renforcement des inégalités sociales au profit du 1%.

Sarkozy puis Macron sont nos deux « Bonaparte » du néolibéralisme en France. Ils portent une certaine fascisation qui risque de porter la caste d’extrême-droite aux postes de commande.

Cette théorie critique néo-marxiste des superstructures politiques et institutionnelles est à poursuivre et consolider (5) sans dogmatisme donc sous les feux de la critique. De la critique de la critique on débouche sur plus de vérité, dont on sait qu’elle est révolutionnaire.

Christian Delarue

1) Pour une autre démocratie, une autre constitution

http://amitie-entre-les-peuples.org/Les-rebondissements-de-la-discussion-sur-la-Constitution?var_mode=calcul

https://bellaciao.org/Pour-une-autre-democratie-une-autre-Constitution

2) dans son Chapitre 8 - Le retour du césarisme démocratique - de l’ouvrage Citoyenneté , République et Démocratie en France (2014), pages 173 à 206.

3) lire ici sur GC :https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/13/cesarisme-fascisme/

4) Trump, Poutine, Erdogan : le désir d’autorité a un précédent Jules César par Christian-Georges Schwentzel
https://www.slate.fr/story/134945/trump-poutine-erdogan-cesar-xxi-siecle

5) Essai et hypothèses théoriques du simple au complexe

http://krismondial.blogg.org/essai-et-hypotheses-theoriques-du-simple-au-complexe-a214867557