Accueil > Antisexisme - Féminisme > Sexisme politico-religieux > Contre tous les intégrismes > Critique du Clouscard de « Néo-fascisme et idéologie du désir : Les (…)

Critique du Clouscard de « Néo-fascisme et idéologie du désir : Les Tartuffes de la révolution » ( 1973)

lundi 24 juillet 2023, par Amitié entre les peuples

Critique du Clouscard de « Néo-fascisme et idéologie du désir : Les Tartuffes de la révolution » ( 1973)

Michel Clouscard, né en 1928 (et mort en 2009) avait 40 ans en 1968 . Il a partagé sans suffocation la pesante culture rigoriste de toute l’époque fécondée par ce qui pourrait apparaitre comme une forte idéologie intégriste religieuse dominée par un catholicisme austère et pudibond le tout sans trop subir une sorte d’étouffement. En effet, au lieu de critiquer la soumission et l’aliénation aux diktats de la religion de l’époque et ce jusqu’aux années 68 ou presque et, en conséquence, de soutenir le féminisme de libération de cette époque, disons de 47 à 67 voire 72, il en fait critique.

Alors cette critique ne se lit qu’en creux. Elle est implicite, masquée sous le vecteur de « l’idéologie transgressive » qu’il critique. Le gros défaut - selon lui - de cette idéologie transgressive tient à sa capacité de soutenir aussi - second point - ce qu’il a appelé une « consommation d’émancipation transgressive » , laquelle aurait permis - point 3 - d’éviter la crise du capitalisme grâce à « de formidables nouveaux profits » mais aussi de par « la neutralisation de la lutte des classes » qu’elle entraine par dérivation . On voit bien jusqu’ici la chaine argumentative même si évidemment il force le trait de la récupération capitaliste d’une libération réelle qu’il tait voire qu’il ignore . Autrement dit, le socialisme pourrait fabriquer des sextoys (ce dont il ne parle pas) qu’il en serait pas moins socialiste. Tout comme il existe de nos jours une « récupération capitalisme » de l’éthique végane qui n’est nullement centrale car elle ne concerne qu’une fraction du monde vegan et par ailleurs ne signifie en rien qu’une trajectoire eco-socialiste n’est pas possible.

En somme, avec Michel Clouscard, à la religion d’un « surmoi » sévère (soit le catholicisme dominant d’avant 68-72), fort compatible avec un certain capitalisme, se serait substitué un opium libidinal d’un « çà » instinctif débridé, compatible lui avec un nouveau capitalisme, tout comme aujourd’hui un islam intégriste au moeurs hyper-patriarcales est parfaitement compatible avec le capitalisme financier post-1979.

Là ou on suit encore moins l’auteur c’est que de cet opium du désir et du plaisir serait sorti rien moins qu’ « une transition vers une anthropologie néo-fasciste » théorisée en 1973 dans son ouvrage : Néo-fascisme et idéologie du désir : Les Tartuffes de la révolution, 1973 . Nous sommes là, à peine 5 ans après 1968 et sous couvert de néo-fascisme du désir il voudrait non pas revenir en arrière mais faire advenir le socialisme. Soit ! D’autres marxistes et féministes aussi à l’époque. Mais quel socialisme ? Un socialisme austère ou tout artifice est banni comme vecteur de productivisme ? On pourrait le croire.
Ce qu’il faut noter historiquement en terme d’anthropologie néo-fasciste produite c’est plutôt sur le terrains du « surmoi » sévère et non du « çà » débridé (si on veux bien reprendre ce modèle), l’émergence d’une version autoritaire de l’islam en Iran en 1979. Cet intégrisme -qui va s’étendre sous des formes diverses (l’islam a des courants) - va faire la jonction entre un capitalisme néolibéral naissant (Reagan et Thatcher) et diktats sexyphobes doublés de sexoséparatisme (femmes à la maison). Plus de 40 ans plus tard, cette peste brune intégriste est toujours active de façon transnationale.

A cette époque, les dictatures à base religieuse, austère au plan des moeurs (« surmoi » sévère), en Espagne (Franco) et au Portugal (Salazar) - qu’il avait sous les yeux - s’éteignent au lieu de perdurer. Ce n’était pas dommage ! Il ne faisait pas bon - par exemple - d’y pratiquer le nudisme - une pratique transgressive pour les esprits conservateurs -, ou de s’afficher homosexuel et encore moins lesbienne. Lesbienne, surtout pas ! Et il n’y avait évidemment pas que ces seules contraintes. Ce type de dictature conservatrice à base religieuse étouffait aussi la vie des autres jeunes et moins jeunes à dominante hétérosexuelle.

Christian Delarue