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Montée du religieux et athées habermassiens de gauche. C Delarue

samedi 25 décembre 2010, par Amitié entre les peuples

Montée du religieux et athées habermassiens de gauche.

Dialectique historique : Déchristianisation, sécularisation, laïcisation, puis rechristianisation, islamisation, intégrisme... Et les athées ?

Il n’est pas rare de rencontrer des athées fiers de se déclarer tel pour dans un second temps prendre fait et cause non pas pour tel ou tel Dieu mais pour telle ou telle religion, religion par ailleurs nullement menacée d’extinction bien au contraire. On pourrait les appeler des « athées habermassiens ». Cela pourrait surprendre de voir Jurgen Habermas en soutien de la religion . Détrompez-vous et prenez connaissance d’un de ses derniers ouvrages ( 1) composé un peu de bric et de broc :et d’une étude de Jean-Claude Monod intitulée « Habermas et la dialectique de la sécularisation » [08-12-2008]

http://www.laviedesidees.fr/Habermas-et-la-dialectique-de-la.html

1) La dialectique de la sécularisation de Habermas

C’est un thème important pour comprendre la laïcisation progressive de l’Europe mais aussi la question du « Choc des civilisations ». Jürgen Habermas prévient : « Qui veut éviter une guerre des cultures doit se remettre en mémoire la dialectique inachevée du propre processus de sécularisation de l’Occident » [1]. Jean-Claude Monod souligne lui que « l’idée d’une dialectique de sécularisation visait à mettre en lumière un processus biface : l’instance politique-étatique et les instances religieuses-ecclésiales se sont transformées les unes et les autres à l’épreuve du pluralisme, de la tolérance et de la sécularisation ». Ces trois derniers éléments doivent être alors bien implantés dans la société.

2) Les réactions à la déchristianisation et à la sécularisation.

Cette dialectique « invitait à concevoir les intégrismes et plus sobrement les « retours du religieux » comme des réactions au processus de sécularisation ». Cette tendance d’affirmation « fétichiste » du religieux concerne toutes les religions, pas que l’islam. La postcolonialité - et le retour de ce qui jadis a du être interdit - dans cette perspective serait une explication seconde. Il semble difficile de faire la part entre ces deux sortes de facteurs.

3) Le nouvel Habermas « bisounours du religieux ».

Jurgen Habermas plaide toujours pour un dialogue critique et autocritique entre la philosophie et ce qu’il nomme tantôt « la religion », tantôt « l’héritage religieux », tantôt les « traditions religieuses », tantôt les ressources normatives des religions. Mais l’accent se porte d’avantage aujourd’hui, dans le propos de Habermas, sur cette part d’autocritique attendue de la rationalité philosophique — et c’est sur ce point que ce livre peut faire débat. L’un des principaux défis contemporains de la démocratie semble être en effet, pour Habermas, d’éveiller chez ses citoyens « laïcs » ou « séculiers », à l’égard des traditions religieuses, une « disposition à apprendre » (p. 165-166).

Arguments évoqués : La marchandisation du monde et son corolaire, le« déficit de sensibilité à la vie diminuée ».

4) Critique des arguments évoqués.

* La marchandisation, l’appropriation privée, la financiarisation sont des processus liés au mode de production capitaliste source d’aliénations, de dominations d’oppressions, d’exploitations. Cela justifie-t-il de valoriser une éthique religieuse ? J Habermas évoque lui le christianisme mais d’autres défendraient d’autres religions.

* L’anti-marchandisation a aussi ses maximalistes ses « intégristes » (avec les guillemets svp) qui refusent les fêtes de Noël pour leur aspect hyper commercial. Ils refusent de façon austère et rigide tout les bijoux de fantaisies sur les femmes comme les guirlandes sur les sapins de Noel. Ce radicalisme ne débouchent cependant pas sur des appels à la violence contre les femmes. C’est une grosse différence avec les islamistes radicaux qui eux agressent souvent verbalement voire physiquement les femmes en jupe.

* Le « déficit de sensibilité à la vie diminuée » d’Habermas semble bien se ramener à un déficit de compassion caritative ce qui ne manque pas se susciter critique. Si l’on comprend l’argument comme déficit de sensibilité aux injustices, aux oppressions et aux inégalités il importe alors de se tourner vers les conditions sociales d’existence qui poussent tout à la fois à l’acceptation d’un monde hobbesien de lutte de tous contre tous avec ses inégalités et ses dominations et un refus de ce monde vers une société civilisée. Pas de société civilisée sans égalité et conditions de vie décente pour tous. Mais là la théorie critique de l’Ecole de Frankfort de Marcuse, Fromm, Habermas ancien, et le marxisme sont mieux à même de nous ouvrir des perspectives. C’est un point de vue personnel.

Christian DELARUE

1) Jürgen Habermas, Entre naturalisme et religion. Les défis de la démocratie, traduit de l’allemand par Christian Bouchindhomme et Alexandre Dupeyrix, Paris, Gallimard, 2008, 380 p. 22, 50€.