Accueil > Antisexisme - Féminisme > Sexisme politico-religieux > Islam radical : sexisme / hypersexisme > L’islamisme comme colonialisme intérieur dans le contexte de la « double (…)

L’islamisme comme colonialisme intérieur dans le contexte de la « double impasse » - Christian Delarue

mardi 11 juillet 2023, par Amitié entre les peuples

L’islamisme comme colonialisme intérieur

L’intégrisme religieux comme colonisation endogène des sociétés - 2021

L’islamisme comme colonialisme intérieur dans le contexte de la « double impasse » : un contre-mouvement mondialisé inscrit dans la durée.

Dans cette « double impasse » (Sophie Bessis - 1), les droites nient l’impasse du capitalisme et de l’impérialisme pour accuser le seul islamisme voir l’islam et tous les musulmans pour la frange raciste et des gauches (pas toutes) nient les nuisances des intégrismes religieux qui montent sur la planète pour ne cibler que le capitalisme financier. On devrait évoquer des islamismes car il y a pluralité.

Cadre général : Deux orientations régressives.

Au sein de chaque individu (avec des caractères différents ) comme au sein de chaque société (avec sa culture dominante), on est en présence de deux types et deux dynamiques contraires qui s’affrontent : celles d’un « SURMOI » soit d’une instance ultra-normative et autoritaire, très lourde en interdits contre les femmes et la sexualité et source d’un hyper-patriarcat (avec sexyphobie et sexoséparatisme) ET celles d’un « CA » soit une instance de ultra-libéralisme tant en moeurs qu’en économie, aux pulsions débridées sans souci de l’autre et source de capitalo-patriarcat un mixte de capitalisme et de patriarcat. Mais on ne saurait en rester à ce schéma, aussi abstrait, emprunté à Freud (sous forme de métaphore), de recherche d’un hypothétique équilibre - le MOI - entre forces contraires nuisibles. Car les deux instances sont à repousser.

La « double impasse » - turbo-capitalisme avec marchandisation généralisée et financiarisation de tout d’un côté et intégrismes religieux dont les fondamentalismes musulmans d’un autre côté - relève bien du réel au plan mondial. Contre ces deux tendances régressives lourdes et transnationales l’idée d’une double émancipation est donc bien à poursuivre. Toujours à entreprendre après Bandung 1955 et encore après les « printemps arabes » de 2011 ! Et des mouvements progressistes apparaissent périodiquement. Les formes en sont inconnues, variables, fonction des situations concrètes.

Passons à l’islamisme et ses variantes plus ou moins radicales (dont la matrice historique sont les Frères Musulmans - 1928) pour islamiser les sociétés.

On ne peut traiter la question de l’islamisme ou de l’islam radical - distinct de l’islam - sans la replacer dans un contexte historique variable mais marqué par l’impact de l’impérialisme et du colonialisme. Ainsi que je l’exprimais, il y a quelques années, dans la contribution «  Altermondialisme et laïcité, des recours face à l’islamisme radical et aux populismes  » (2) il faut prendre en compte « les rapports de décomposition-recomposition des anciens rapports de domination impérialiste » mais sans oublier la perspective historique.

Il faudrait donc reprendre et vérifier la pertinence pour certains pays dominés (pas tous) la séquence historique suivante sur plusieurs décennies : Impérialisme, reflux du socialisme et de son espérance, montée des intégrismes religieux, rejet des intégrismes par les populations qui en ont souffert !

Le colonialisme intérieur (du monde vécu) se manifeste avec la montée des intégrismes et notamment de l’islamisme radical sur un mode endogène, c’est à dire produit au sein des pays sortis du colonialisme direct mais toujours dominés et même souvent par des secteurs de la société civile de ces pays (cf décennie noire en Algérie). Le colonialisme français a amené avec lui antérieurement en Afrique la Bible et la religion catholique (dans son expression la plus conservatrice - pas la théologie de la libération) mais pas l’islam.

L’islam radical est certes endogène mais il vient tout à la fois de la défaite des pays non-alignés ( Bandung 1955) et plus largement encore de la perspective du socialisme pour l’Afrique et les Suds en général. Plus récemment, dans le même ordre d’idées, il faut ajouter les réponses contre-révolutionnaires, toutes classes dominantes confondues, tant d’Ouest que d’Est, contre les « printemps arabes » en 2011, des forces populaires d’émancipation qui tendaient à démocratiser et laïciser les sociétés doublement soumises au capitalisme d’une part et aux intégrismes religieux d’autre part . Il y a toujours, selon nous, un potentiel doublement critique contre ce qui a été nommé la « double impasse » par Sophie Bessis.

L’expression « colonialisme intérieur » peut ici surprendre car son sens est modifié : il s’agit de montrer sous ce terme l’influence puissante et envahissante d’un courant idéologique venu de l’intérieur et d’en-bas pour dominer un pays par des pratiques réactionnaires violentes, sexoséparatistes, ultra-patriarcales. Ce sont alors les populations du pays qui en ont souffert d’abord et cette souffrance-là n’est pas venue d’une puissance extérieure, impériale ou coloniale comme la France.

Mais ce colonialisme interne ne vient pas du néant, ou parce que ces peuples seraient par essence mauvais (racisme civilisationnel), il procède d’une séquence historique dont le dernier terme est le reflux de l’espérance du socialisme laïque.

Quant à l’impérialisme, il faut prendre en compte ce qu’on appelle la « structure de l’impérialisme » (schema) et sa formule (« il y a du sud au nord et du nord au sud ») ou l’on évite le communautarisme national globalisant pour introduire les rapports sociaux et les classes sociales : l’impérialisme c’est le fait des classes dominantes et dirigeantes des pays les plus puissants au plan économique et militaire : de nombreuses entreprises multinationales sont impliquées avec l’appui des armées surpuissantes. ! Dans les pays dominés il y a des bourgeoisies compradores, très accommodantes de l’impérialisme. Elles sont aussi dominantes économiquement et politiquement en interne . Dans tous les cas les peuples sont hors sujet quasiment partout : ils n’exigent aucune entreprise impériale ! Les « médias mainstream » sont eux en collusion avec des dirigeants économiques et politiques.

Le fait que les peuples des Suds n’aient pu trouver via des forces organisées une alternative de progrès économique et social de type socialisme n’est pas pour rien dans la montée des idéologies religieuses obscurantistes et réactionnaires (différentes en Amérique latine qu’en Asie ou en Afrique).

Ce « colonialisme de l’intérieur » n’est évidemment pas sans opposition là ou il s’est répandu. Il a provoqué des rejets variables des forces progressistes, soucieuses de défendre les droits humains à égalité pour les hommes et les femmes loin de tout hyperpatriarcat intégriste .

Christian Delarue

1) Sophie Bessis in La double impasse. L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2014, 230 p.

Entre les fondamentalismes de la religion et du marché, y a-t-il place pour une nouvelle modernité ? - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=WcrEAW2oUmo

2) in Ouvrage collectif dirigé par Martine Boudet « Urgence antiraciste - pour une démocratie inclusive » Ed du croquant 2017

Autre ref :
L’intégrisme économique de l’extrême-droite économique -
http://amitie-entre-les-peuples.org/L-integrisme-economique-de-l-extreme-droite-economique

Addendum

COLONISATION et ISLAM THEOCRATIQUE

Dans « Le premier âge du capitalisme », tome 1 portant sur « L’expansion européenne » d’Alain BHIR on apprend, aux pages 354 et suivantes, que les mouvements religieux de l’islam de la seconde moitié du 17 eme siècle n’ont eu du succès qu’ à cause des ripostes qu’ils portaient face à l’impérialisme européen particulièrement violent et qui lui n’hésitait pas à pratiquer la traite.

Ce succès des mouvements religieux ne signifie nullement que les populations de l’espace sénégambien approuvaient la charia et souhaitaient un Etat théocratique. Simplement, en présence de deux maux, ils ont choisi le moindre et ce fut un soutien de circonstance à Nasir-al Din et son djihad.

En fait, à cette époque Thanatos (mépris de la vie et de son développement) régnait en maître des deux côtés du conflit colonial. Face à la barbarie de l’Europe colonisatrice et esclavagiste on avait la barbarie de la composante fortement réactionnaire de l’islam que l’on peut nommer intégriste . Ce que l’histoire ne dit pas ici ce sont de chaque côté les possibles refus de porter violence : refus du colonialisme d’un côté et refus de l’intégrisme religieux hyper-patriarcal de l’autre. Notre option intellectuelle consiste à penser que partout dans le monde existe des hommes et des femmes en opposition aussi bien contre les violences du capitalisme et de son impérialisme que contre les violences des intégrismes religieux !

Il faut noter que l’islam réactionnaire nuisible aux femmes existe depuis fort longtemps et qu’il pesait de tout son poids contre les populations qui y résistaient sans offrir alors de façon conséquente et massive ni un athéisme construit avec un contenu progressiste ni un corpus de croyance en Dieu maintenu mais à contenu nettement plus égalitaire entre hommes et femmes, plus ouvert à l’égard de l’homosexualité masculine ou féminine et beaucoup plus débarrassé d’une attitude psycho-rigide et répressive à l’égard de la sexualité.

http://krismondial.blogg.org/colonisation-et-islam-theocratique-a210081996