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Islam et démocratie

vendredi 27 juin 2008, par Amitié entre les peuples

Islam et démocratie : Nicolas Sarkozy a-t-il livré le fond de sa pensée en affirmant « qu’il y a trop de musulmans en Europe » et en décrivant « de façon apocalyptique le choc des civilisations », comme l’a rapporté le journaliste de Libération Jean Quatremer.

Ces propos sont-ils exacts ? Méritent-ils d’être contextualisés ? Le fait de savoir si ces propos ont été tenus, à l’évidence, n’est pas indifférent. Mais l’essentiel me paraît être que cette analyse, objectivement, est très partagée. Récemment encore, le Cardinal Vingt-Trois, lors de la dernière conférence épiscopale, encourageait à aller à l’encontre des musulmans « sans avoir peur ».

Donc, il faut en parler. Et la question se déplace : quelle part pour les clichés, quelle part pour la réalité ? Je voudrais rappeler quelques points.


Un monde musulman divers et diversifié

Dans ces analyses inquiétantes, le monde musulman est présenté comme un bloc qui s’apprête à tout envahir. La réalité est que le monde musulman est divers et diversifié. Des différences fondamentales existent entre les chiites, les sunites et d’autres tendances comme le wahhabisme. En matière diplomatique, politique ou sociale, les différences l’emportent sur les ressemblances et les rivalités s’expriment en pleine lumière. Ces constatations s’appliquent tout autant aux musulmans de France : les difficultés de fonctionnement du Conseil Français du Culte Musulman sont dues d’abord à l’extrême diversité des groupes qui le composent, et à leurs rivalités. Le monde musulman est davantage marqué par ses rivalités que par son unité.

L’islam, première victime de l’islamisme

Ensuite c’est la confusion, si volontiers entretenue, entre l’islam et l’islamisme, comme s’il s’agissait des deux émergences publiques d’un même phénomène. En réalité, l’actualité internationale démontre que les musulmans sont les premières victimes de l’islamisme. Si l’on veut bien regarder le réel, la position la plus courageuse est celle des musulmans démocrates dans les pays dits musulmans, mais aussi en Europe ou aux Etats-Unis : ils démontrent au quotidien que ni leur foi, ni leur pratique religieuse ne sont altérées par le respect profond de la démocratie.

Loi et commandement religieux

Enfin, ce qui sous-tend ces analyses, c’est qu’un musulman fera toujours prévaloir le commandement religieux sur la loi. Nous-y voilà ! La problématique est à l’évidence beaucoup plus complexe, et ce qui marque la spécificité de l’islam suppose des analyses très circonstanciées. Car la question, qui concerne toutes les religions, est celle du partage entre les choix personnels et les croyances d’une part, la vie commune et les nécessités de l’ordre public d’autre part.

Ainsi, c’est tronquer le débat que de dire : voici deux domaines concurrents, lequel des deux l’emporte ? En réalité, il y a des domaines différents dans lesquels domine pour l’un la spiritualité, pour l’autre la loi. Ce n’est pas un problème de nature mais de frontière, et ce pour les quelques points où ces deux domaines viennent bord à bord. Lorsqu’a été votée la loi d’avril 2005 interdisant le port du voile dans les écoles, l’une des questions posées était de savoir si les musulmans respecteraient la loi. Question sans objet ! Ils ont dénoncé cette loi, mais l’ont respecté et ont engagé des recours en puisant dans les arguments du droit. De même, regardons ce qui se passe au Pakistan, pays musulman s’il en est, dans lequel est enclenchée une véritable bataille du droit. Tous ou presque sont musulmans, mais tous s’affrontent et cherchent à organiser la société à partir du droit. L’élément déclencheur a été l’organisation de la campagne électorale, puis le rôle du Président de la Cour Suprême. A suivi le militantisme des avocats, puis l’utilisation de l’état d’urgence …. Ce conflit politique et juridique a-t-il une véritable spécificité parce qu’il s’inscrit dans un pays musulman ?

La Turquie et l’Europe

Le droit n’a pas à se mêler de tout, et sa prise en compte n’est qu’un élément de résolution des problématiques sociales. Mais l’apport du droit dans le phénomène religieux est d’une importance capitale.

De ce point de vue, ce qui se passe au Conseil de l’Europe avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est très éclairant. Le Conseil de l’Europe réunit 47 Etats, dont la Turquie. Tous ces pays sont soumis au texte de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et en particulier à l’article 9 qui définit et protège la liberté de religion. A partir de ce fonds commun, les pays organisent leur vie religieuse avec plus grande diversité. Et ceux qui cherchent à défendre la liberté de religion, ou qui en regrettent les excès, agissent tous sur la base du même texte et en appellent au droit pour trancher.

Ainsi, un pays très musulman comme la Turquie reconnaît l’autorité de l’article 9 de la Convention , et donc la complémentarité entre le commandement religieux et la loi publique : la religion, dans le cadre de l’ordre légal. Maintes situations conduisent à discuter de la mise en œuvre, mais le principe est acquis. Pourquoi nier ces avancées ?


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