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Constituante et dynamique socialiste en Tunisie C Delarue

jeudi 20 octobre 2011, par Amitié entre les peuples

Constituante et dynamique socialiste en Tunisie.

Depuis le début de l’année 2011, les regards des travailleurs
socialistes ou communistes de nombreux pays sont fixés sur la « révolution tunisienne ».

Travailler à imposer la référence au socialisme dans une Constitution supposerait un mouvement du peuple-classe si puissant, si fort qu’il serait en capacité d’être le noyau dur de la nation tunisienne. Une nation vraiment révolutionnaire. Est-ce le cas ?

Il faut répéter à certains marxistes (ceux qui méprisent le droit, la juridicité et l’Etat de droit) qu’une référence juridique au sein d’une Constitution n’est pas rien car le droit étatique règle - sauf la part laissé au marché et aux contrats - la grande partie des rapports sociaux tant dans la société civile que dans les appareils d’Etat. Et on ne changent pas si facilement ce type de dispositions.

 La révolution socialiste est-elle possible en Tunisie ?

La dynamique existe mais elle est freinée et même contre-carrée. Au sein du peuple-classe tunisien il y a certes des forces plus offensives que d’autres pour exiger un très fort contenu « social » en plus d’un profond changement démocratique avec les droits qui les institutionnalisent. De façon générale c’est sous l’exigence populaire de droits sociaux articulés à des nationalisations de grosses entreprises que s’avance l’exigence du socialisme. L’appropriation sociale autogestionnaire est à mettre en place dans la foulée de ce mouvement d’expropriation du capital. Pour que l’Etat dépérisse il faut l’avoir construit. Et ce qui doit s’éteindre d’abord c’est l’Etat pro-finance « sauveur des banques » privées et des grands actionnaires.

Ceux qui repoussent une telle perspective socialiste sont les partis conservateurs religieux et les partis de droite pro-capitalistes mais aussi les partis de gauche (dont le PCOT) candidats au pouvoir. Je souhaite me tromper. Quel est la dialectique des masses et des partis ? Qui porte les exigences les plus avantageuses pour les travailleurs et paysans et qui joue simplement le rôle d’un médiateur en vu d’un compromis ?

De ce fait, une contradiction apparaît car les travailleurs tunisiens sont probablement à ne pas vouloir se contenter d’élections démocratiques qui freinent la participation populaire et entérine une caste de dirigeants élus professionnalisés. Les indignés disent cela n’est-ce pas ! Mais les propositions politiques à traduire dans le droit sont minces à ce jour. Ces élections sont certes une conquête citoyenne et un progrès en Tunisie mais que l’on sait limité face aux oligarchies toujours présentes. Le temps des naïvetés semble être résolu ce qui ne signifie pas passivité. C’est bien là que les choses sont complexes, surtout vu de loin mais aussi pour celles et ceux qui ont, comme on dit parfois, « le nez dans le guidon ».

 Le peuple-classe tunisien entre espoir et désillusion.

L’heure est donc à la phase démocratico-constitutionnelle via une Constituante. Une nouvelle constitution devrait émerger dans quelques temps.

Sur le contenu, de nombreux tunisiens espèrent un réel changement mais la plupart des tunisiens ne se font pas d’illusion sur sa portée au regard des trahisons déjà patentes. Autrement dit, dans le cas présent, ils connaissent par avance le résultat du moins sur la perspective socialiste remise à plus tard. En effet, eu égard aux différentes manœuvres en cours, eu égard aux répressions policières contre l’UGTT, ils savent qu’il n’y aura peu d’Etat social à l’issue des élections. Ils savent aussi, de façon plus globale, et avec les échos des expériences populaires des démocraties représentatives existantes de part le monde, que le social ne suit pas nécessairement le démocratique. La tendance contemporaine est au rabougrissement des droits sociaux. Ils savent que le mouvement pro-gouvernance international actuel favorise les oligarchies nationales et transnationales et qu’il est donc foncièrement anti-démocratique et anti-social.

 Persévérer pour réussir !

Cela ne doit pas conduire au défaitisme mais au contraire à la vigilance de tous les instants. Plusieurs générations de tunisiens doivent adopter un niveau hors du commun de citoyenneté . Il importe que les médias fasse le travail de transmission des débats et des divers argumentaires. Le peuple-classe tunisien doit pouvoir les choisir en connaissance de cause. C’est un moment clé de leur histoire.

 Un rapport de force dans le droit.

Par aileurs, il est évident que des concessions devront être faites par la bourgeoisie tunisienne tant au plan démocratique et laïque qu’au plan social. Il faudra aussi lâcher des droits pour les femmes qui se sont montrées actives dans la révolution tunisienne. Dans ce cadre quelle Constitution va pouvoir rédiger la Constituante ? Ne pas marcher trop vite ! Telle est la formule de Hamma Hamami
responsable national du PCOT pour brider un possible développement
socialiste en Tunisie. Ce leader maoiste, prend bien soin de distinguer
démocratie sociale de la démocratie socialiste . "Nous voulons non
seulement une démocratie politique, mais aussi une démocratie sociale, parce que nous considérons que la révolution actuelle est une révolution démocratique et nationale, une révolution populaire qui doit préparer des changements fondamentaux pour toute la société tunisienne dans l’avenir" Un tel propos rassure la bourgeoisie nationale tunisienne. Si une telle distinction est entérinée par la Constituante il en sera fini pour longtemps du passage au socialisme.

 Un point d’histoire du mouvement ouvrier international mérite d’être rappelé ici.

On voit que ce leader du PCOT reproduit le dogmatisme de la III Internationale en matière d’étapisme : d’abord la révolution
démocratique-bourgeoise ensuite la révolution socialiste. Ce qui est une façon certaine de l’enterrer. Léon Trotsky, à qui l’on peut reprocher de nombreuses choses, avait néanmoins de bonnes raisons de penser que sans le pouvoir des travailleurs salariés et des paysans les tâches de la révolution démocratique ne serait pas assurée. Il est à craindre qu’elle soit bâclée et circonscrite en Tunisie. Il ajoutait en 1905 que le combat pour la Constituante est nécessaire mais n’est pas une fin en soi. Plus exactement, la Constituante doit être nourrie d’une forte activité des différentes classes dominées, cadres, employés et ouvriers. Elle doit transpirer la prise en main de tous les champs sociaux. Autrement dit, la Constituante ne saurait être un conclave de l’oligarchie politique.

Christian DELARUE