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APORIE / Quelle activité sexuelle sado-masochiste attentive à l’autre ?

samedi 15 septembre 2012, par Amitié entre les peuples

APORIE

Quelle activité sexuelle sado-masochiste attentive à l’autre ?

Pratiquer le sado-masochisme est autre chose que d’avoir des phantasmes sadiques ou masochistes. C’est une activité nuisible sauf entre personnes consentantes. Jusqu’où va le consentement ?

 Errances du sexe et attention à l’autre.

Il s’agit d’un chapitre (le VI p 121) de « Le sexe mène le monde » de Colette Chiland (1) qui use ici du terme errance pour ne pas employer perversion qui soulève trop de difficultés. Il faut, outre la connotation d’emblée dépréciative, distinguer entre perversion et perversité . Ici le problème se complique dans la mesure ou il n’y a pas de définition universellement valable de la perversion.

Les perversions sexuelles (2) - moins le fétichisme (3) ou l’homosexualité (normalisée) que l’exhibitionnisme (interdit) ou la pédophilie (interdite) ou le sadomasochisme - sont très souvent le fait des hommes mais quid des femmes ? Pour Estela Welldon la perversion chez la femme s’exprime à travers tout le corps (anorexie, boulimie, automutilation) et à travers l’abus de l’enfant. Toutes les « néosexualités » (Joyce McDouglas) peuvent être vues comme des perversions sexuelles pour ceux qui pensent que la sexualité se réduit au coït vaginal. Quand à la perversité elle se rattache au désir de détruire l’autre. Reste à savoir quand commence la destructivité (4). Enfin, dit-elle, il faut aussi distinguer entre fantasmes pervers et actes pervers.

Retenons que dans l’errance du sexe, il y a moins d’a priori normatif mais néanmoins l’idée que l’autre n’est pas respecté. Le respect en langage freudien adapté à la relation sexuelle se nomme « primat de la relation d’objet ». Autrement dit on ne se préoccupe pas que de son propre désir ou plaisir on reste aussi en quelque sorte « connecté » à celui de l’autre. Les niveaux d’attention peuvent varier dans la durée de l’activité sexuelle, notamment si les plaisirs sont successifs. Bref, on peut être plus ou moins centré sur l’autre et centré sur soi. Mais l’autre n’est jamais oublié.

Remarquons avant d’aborder le problème du sado-masochisme que l’errance du sexe concerne la prostitution. Dans la prostitution il n’y a pas partage mais échange de sexe sans tendresse contre de l’argent. Pour un partage sexuel intime et un accès commun au plaisir, certains individus doivent déconstruire des barrières de pudeur et de dégout acquises durant la jeunesse par une éducation trop rigide. Mais pour se prostituer il ne s’agit pas seulement de surmonter ces barrières de la pudeur et du dégout . Il faut aussi selon Kathleen Barry franchir toutes les étapes de la déshumanisation. Il faut se dissocier de soi, n’être que « trou ». Et là ce n’est plus un jeu éventuel, une excentricité comme une autre entre partenaires bien en relation. Il s’agit d’un mode de vie désincarné. Contre la mal-vie de la prostitution , mieux vaut encore proposer le recours à la masturbation ou aux poupées gonflables, qui est en quelque sort le godemiché des hommes qui ne veulent pas d’une relation attentive à l’autre.

 Sado-masochisme : quelle attention à la douleur de l’autre ?

On peut proposer des pratiques les plus diverses, les plus farfelues sans craindre la stigmatisation pour peu que chacun soit attentif à ce que l’autre « reste dans la relation ». Qu’est ce que cela peut bien signifier pour les partenaires (consentants) sado-masochistes ?

* Certains clients de prostituées recherchent des « satisfactions spécifiques » qu’ils ne trouvent pas dans leur couple : fellation parfois, coït anal surtout, plus encore les pratiques sadomasochistes. Ce n’est pas que le décorum (cuir et attachement) qui est refusé c’est le plaisir par la douleur. Là évidemment ce n’est plus du jeu. C’est du hors jeu. D’où le recours à la prostitution. D’autant que la poupée gonflable ne fait pas plus l’affaire.

* Posons la question de l’attention à l’autre hors du cadre prostitutionnel en restant sur l’activité sexuelle sadomasochiste. Elle est, à mon sens, la suivante : quel est le signe qui fait que l’autre n’est plus dans la relation ? Dans une relation sexuelle les partenaires sont dans un plaisir variable, montant ou descendant, allant jusqu’à la jouissance, mais pas dans la douleur. La douleur est en général cet impromptu non désiré qui stoppe l’activité sexuelle au moins momentanément. Si dans une relation non saso-masochiste un des partenaires en vient à se réjouir peu ou prou de la souffrance de l’autre alors une discordance surgit, voire en germe une forme d’ « errance du sexe ». Cela n’est pas forcément gravissime mais cela suscite légitimement questions et discussions.

Retour à l’activité sado-masochiste : ici la douleur n’est plus en principe un signal d’arrêt ou de réorientation de l’activité sexuelle. Quand remarque-t-on que l’autre ne joue plus aux sévices jouissifs et souffre pour de bon ? Doit-on distinguer les petites des grosses souffrances ? Ces questions peuvent paraître ridicules. Mais ce sont celles qui me viennent à l’esprit.

Du coup, on peut comprendre le recours à la prostitution : ce que l’on achète c’est le silence à la souffrance, mieux de savoir exprimer et supporter la souffrance. Le recours à la prostitution ne relève pas de ce registre. Il y a aussi le fait de « l’appétit polygame » lié à une offre présente. Il y a plus rarement maintenant le bordel militaire en campagne (BMC) ou le bordel des migrants célibataires.

Christian DELARUE

1) Le sexe mène le monde" de Colette Chiland Ed Calmann Lévy coll Le passé recomposé , fevrier 1999. 208 pages.

Le sexe désigne pour elle à la fois la sexualité, les relations sexuelles, et l’identité sexuée, le fait de se sentir appartenir à l’un ou l’autre sexe (le genre pour les Anglo-saxons). Elle indique d’emblée que la sexualité humaine est une psychosexualité qui a aussi un enracinement dans une réalité biologique. Autre point, elle développe le thème des deux courants de la sexualité : sensualité et tendresse , dit aussi « carte du tendre » (lovemaps de Money J).

2) La définition des perversions donnée par LAPLANCHE et PONTALIS apparaît comme très normative : « Déviation par rapport à l’acte sexuel normal , défini comme coït visant à obtenir l’orgasme par pénétration génitale avec une personne du sexe opposé ». Freud selon C Chiland envisageait que toute forme de coit pouvait prendre place à l’intérieur de la vie sexuelle d’un couple. Freud admettait donc le coit anal. Mais les jeux fétichistes qui paraissent souvent anodins ne devaient rester que des amuses-gueules en vu du coït.

On voit que les idées et les pratiques ont bien évoluées. La masturbation comme la sexualité orale ou l’homosexualité se sont relativement dégagées de l’opprobre qui les frappait. La libéralisation sexuelle a trait à ces pratiques qui ne sont plus interdites dans les régimes politiques libéraux. Cette ouverture d’esprit pour être réellement émancipatrice doit se faire aussi bien pour la femme que pour l’homme. A la condition d’égalité, il faut ajouter le partage. Aimer signifie « faire attention à » ou « prendre soin de », du plaisir de l’autre comme du sien . Idée de réciprocité donc. Ensuite, il faut aussi compter avec les ruses de l’aliénation car de nouveaux problèmes sont apparus.

3 ) Il y a un fétichisme anodin qui joue avec les artifices de séduction avec l’autre, sans oublier l’autre. Ce fétichisme se rattache aux néosexualités alors que le fétichisme qui met l’excitation sexuelle sur un artifice précis totalement isolé de tout individu et de toute relation (string, chaussure à talon, bas...) relève de l’errance sexuelle.

4) Agir sur les conditions productrices de l’agressivité et de destructivité des humains.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/130812/agir-sur-les-conditions-productrices-de-lagressivite-et-de-destru

Addendum :

Phénomène de foire... aux lopes | Rue89Lyon

http://www.rue89lyon.fr/2012/08/23/phenomene-foire-lopes/