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Le double déficit de la fiscalité : démocratie fiscale et justice fiscale. C Delarue

lundi 7 septembre 2009, par Amitié entre les peuples

Le double déficit de la fiscalité : démocratie fiscale et justice fiscale.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article633

Texte du 30 mars repris le 6 sept 09.

La question fiscale est très politique car elle porte sur la redistribution financière - qui est imposé au profit de qui ? (vers en-bas ou le contraire)- et sur le type de financement de l’économie (ou va l’argent prélevé ?), notamment financement des services publics et/ou aide aux entreprises privées (exemple : restructuration aidée du capital défaillant, aides à l’implantation sur les marchés extérieurs, etc.).
Rien qu’au regard de ces deux questions fiscales et budgétaires on saisit les raisons d’une forte conflictualité sociale et politique . On comprend aussi que la justice fiscale comme la démocratie fiscale sont toutes deux fort restreintes dans des sociétés capitalistes fortement divisées en classes et couches sociales(1) avec une bourgeoisie disposant de réseaux d’influence pour le maintien de son pouvoir financier et des privilèges économiques exorbitants . Tout est organisé pour créer de l’opacité, de la complexité, propre à décourager le regard citoyen critique.

A plan mondial ce double déficit est évident. Les paradis fiscaux sont injustes et antidémocratiques mais ils ne sont pas une fatalité, même si les peuples peinent à les anéantir. De ce fait pour Jean-Marie HARRIBEY il s’agit rien moins que d’enclencher une véritable insurrection, une insurrection fiscale. Si la multiplication des paradis fiscaux permet de pointer fortement un manque total de démocratie au plan mondial, la question se pose aussi au niveau national.

1 - La faible démocratie fiscale en France.

En France, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pose le principe du consentement à l’impôt (2). Les citoyens sont appelés à ce consentement non par un vote mais par une déclaration des revenus. Reste que le principe du consentement à l’impôt subit une application « molle » rendant le dit consentement très formel, très limité. Il convient donc d’aller plus loin.

Marc Leroy nous y invite puisqu’il termine son ouvrage (3) « La sociologie de l’impôt » par « la démocratie fiscale » (à construire). C’est effectivement une conclusion attendue au regard de ce qu’il développe. Un bref retour en arrière s’impose donc. « Toutes les constitutions démocratiques prévoient le consentement à l’impôt mais néglige la portée sociologique du principe » dit l’auteur (p121). Qu’est-ce à dire ?

* Les modalités du dévoiement de la démocratie.

« Dans le système censitaire, un lien discriminatoire est établi entre l’impôt et les droits politiques ; la démocratie moderne consacre le système plus juste de la délégation de la souveraineté fiscale aux représentant du peuple. Cependant, dans le contexte des finances modernes de l’Etat, la forme juridique du consentement fiscal parlementaire ne remplit plus à elle seule la légitime fonction de démocratie. Les enjeux politiques de la fiscalité sont en effet phagocyté par les analyses techniciennes des experts et des gestionnaires. Dès lors, les citoyens contribuables n’apparaissent que comme électeurs à satisfaire, groupe de pression à ménager... »

* Diagnostiquer le mal c’est dégager la solution.

« Les principes d’un système fiscal juste ne sont pas débattus dans leur logique d’ensemble, mais de manière fragmentée et instrumentale. La légitimité des politiques fiscales est peu questionnée globalement, sauf à travers la baisse électoraliste des impôts ». On pourrait croire que le citoyen ordinaire aspire à la baisse des impôts et que la tendance de masse serait l’évitement de l’impôt. Préjugé. Croire cela, c’est en rester à la surface du réel. C’est surtout prendre pour la vérité le discours des experts interprétant le sentiment populaire. C’est là prendre le discours des couchesles plus riches qui paient en principe plus lourdement des impôts pour l’opinion du peuple. Car à la vérité, « la sociologie de l’impôt accrédite la conception citoyenne de l’impôt-contribution ». Ce qui manque à sa réalisation c’est d’aller vers la transparence et la simplification des objectifs. Et c’est bien ce manque de transparence et de simplification des objectifs qui suscite un certain évitement de l’impôt. Bien sûr certaines couches sociales sont plus encline à l’évitement que d’autres mais cela n’est pas vraiment une nouveauté.

2 - Le lien avec l’injustice fiscale.

A ) Justice fiscale et égalité.

Les trois relations entre impôt et égalité témoignent de trois conceptions de la justice fiscale.

1 - L’égalité devant l’impôt. Elle suppose que chacun paie le même montant sans considération de situation personnelle de l’individu. Exemple , la capitation sous l’Ancien Régime.

2 - L’égalité entre rétributions et contributions conduit à ce que chacun paie un impôt en proportion de ce qu’il retire du système. Exemple : l’impôt unique sur la dépense à taux proportionnel.

3 - L’égalité par l’impôt. Elle suppose un impôt à taux progressif. Les riches sont plus fortement taxés. Exemple : l’impôt sur le revenu.
Aujourd’hui c’est le brouillage des grandes fonctions économiques de l’impôt qui empêche une appréciation correcte du système fiscal et donc une véritable démocratie fiscale et une meilleure justice fiscale. Cela se voit avec l’exemple de la CSG (C)

B) La justice fiscale entre universalisme et relativisme.

La justice n’est pas une donnée universelle avec un sens commun donné hors de tout contexte. C’est le contexte qui donne sens à une notion partagée de justice. Mais l’impasse des théories universalistes de l’impôt ne signifie pas repli sur des thèses relativistes ou aucune système n’est préférable à un autre. « Dans ses principes le système des quatre »vielles« révolutionnaires constitue un progrès par rapport à la fiscalité de la fin de l’Ancien Régime et le système Caillaux un progrès par rapport à l’évolution de la fiscalité révolutionnaire » écrit Marc Leroy (p 104 § La catégorisation fiscale de la société.). Pourtant la justice fiscale révolutionnaire a bien eu une portée générale dans sa conception (cf aux capacités contributives) tout en s’inscrivant dans un contexte historique, social et idéologique particulier , celui des abus de l’Ancien Régime vilipendé dans les cahiers de doléances et les révoltes fiscales. La pratique réelle a montrer des limites et des contradictions.

C) L’exemple de la Contribution sociale généralisée (CSG).

A son sujet on pourrait appliquer le principe : expliquez moi un impôt ou une taxe de façon claire et simple et je vous dirais s’il est démocratiquement accepté. On sait les français attaché à la Sécurité sociale et assez rétif à sa fiscalisation, c’est bien pourquoi la CSG n’est guère accepté. Ce n’est pas la seule raison. L’auteur explique : « La CSG présente de réelles qualités intrinsèques. Mais si on élargit l’analyse à la logique d’ensemble de la CSG, force est de constater qu’elle présente aussi des inconvénients sérieux. La CSG n’a pratiquement pas d’effet redistributif ; elle est compliquée car elle se décompose en divers procédés techniques distinct en fonction de la partie déductible ou non de l’impôt sur le revenu et du mode de recouvrement qui distingue les salaires des autres revenus ; elle ajoute au manque de transparence de la fiscalité en se superposant à l’impôt sur le revenu traditionnel, à la CRDS et aux divers prélèvement sociaux » (p 112).

*

Aujourd’hui plus qu’avant les écarts d’inégalités de revenus sont importants et critiqués. Ce qui met au centre du débat public la double exigence de justice fiscale et de démocratie fiscale. L’un ne va pas sans l’autre. Cela suppose un effort de clarification et de cohérence. A ce titre
Pierre Renan défend non seulement la cohérence fiscale mais aussi celle du discours à tenir car l’hypocrisie des dirigeants de droite et du centre gauche frise trop souvent le mensonge politique. Ainsi dit-il dans Politiser la question fiscale, « on ne peut pas à la fois refinancer les fonctions collectives et réduire la pression fiscale, lutter contre la pauvreté et accepter un décrochage des prestations sociales par rapport aux revenus du travail, favoriser l’emploi des moins qualifiés et adhérer au discours démagogique sur le »rabotage fiscal décourageant les meilleurs« , justifier le secret bancaire et se lamenter sur l’argent sale et ses effets dévastateurs ».

Il revient aux organes intermédiaires populaires que sont les associations, les syndicats et les partis de faire des propositions car la fiscalité n’est pas neutre. Elle est l’objet d’une lutte des plus riches disposant d’experts chargés tantôt de réduire la redistributivité vers le bas et le financement de l’économie non marchande, tantôt de masquer la fuite des capitaux.

A mon sens, face à la crise systémique, la fiscalité doit ici et en 2009 consolider le bloc social des prolétaires à moins de 3000 euros par mois tout en engageant une fiscalité « verte » efficace. Peu s’y sont attelés.

Christian Delarue

1) Insurrection fiscale. JM Harribey

2) L’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que : « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

3) Sociologie de l’impôt Marc Leroy PUF