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Sortir du consommationnisme V Gallais

mardi 20 septembre 2011, par Amitié entre les peuples

Sortir du consommationnisme

Le concept de consommation responsable, équitable, citoyenne ou durable, etc. est en vogue. Mais, dans un univers centré sur la consommation, que cela signifie-t-il ?

Aujourd’hui, de nombreux acteurs s’accordent pour constater les conséquences sanitaires et environnementales, socio-économiques, culturelles et sociétales du mode de développement occidental1 et de nos modes de consommation. C’est en effet une véritable idéologie qui constitue le moteur de l’économie moderne et souvent de notre imaginaire : produire et consommer toujours plus, marchandiser (vendre et acheter) ce qui était jadis auto-produit et consommé et/ou « échangé entre soi, célébrer les produits nouveaux et innovants, incluant toujours davantage de technologies et de services dans les produits proposés à la vente, et incitant à acheter et renouveler toujours davantage, en suscitant de nouveaux besoins.
Au cœur du problème, le consommationnisme
Au croisement de l’histoire des entreprises et du marché, le consommateur est né avec le développement du marketing et de la publicité, jusqu’à devenir élément central de la société, cible de la lutte incessante entre producteurs et intermédiaires d’une part, financiers et gestionnaires d’autre part. Avec pour résultat la formation des oligopoles de production et de distribution que nous connaissons aujourd’hui, et l’irrigation de la « philosophie » marketing dans toute la société (1).
Les coopératives de consommation, créées par le mouvement ouvrier au début du XIXe siècle, ont existé comme mode de résistance à l’essor du capitalisme industriel et comme levier de transformation sociale. Elles se sont cependant essoufflées, en perdant leurs valeurs dans la concurrence sur les prix et les mouvements de concentration, dans la course contre la distribution moderne, puis la grande distribution. Comme réponse plus récente au pouvoir des entreprises, le mouvement consumériste (= de défense des intérêts des consommateurs) s’est développé dans le contexte de la croissance et de la consommation de masse au XXe siècle. Initialement mouvement politique, il a accompagné des changements sociétaux majeurs et l’installation de l’utilitarisme comme principe de vie, en parfaite adéquation avec les politiques libérales : le système de production et de consommation de masse est devenu lieu central des valeurs et de la structure sociale. Le consumérisme2 exacerbé a contribué au déploiement du consommationnisme.

Consommationnisme ?

Par ce terme, nous entendons à la fois la propension d’une personne à considérer l’acquisition de marchandises comme constituant le but de ses efforts et les symboles de sa réussite, mais aussi le courant ou système de pensée instituant la consommation comme élément central de la vie humaine et prônant le développement de la consommation comme moteur économique et social. En résumé, l’idéologie de la « société de consommation ».

Le consommationnisme s’est développé indissociablement du productivisme, lesquels sont, combinés à la financiarisation de l’économie, largement responsables des dégâts environnementaux et sociaux auxquels nous devons faire face aujourd’hui.

Certes, de nouveaux modes de consommation et une répartition équitable des profits nécessitent également des décisions politiques, pour lesquelles les mobilisations citoyennes sont essentielles. Mais chacun peut et doit aussi agir au plan personnel.

Puisque nos achats font le chiffre d’affaires des entreprises et de leurs fournisseurs – et par conséquent leur(s) profit(s) –, le consommateur, par ses choix d’achat, pourra soutenir ou non les autres acteurs économiques, en privilégiant les produits et lieux d’achat correspondant à leur démarche éthique.

Puisque nos déchets constituent un problème écologique phénoménal et croissant, il revient à chacun d’évaluer la nécessité ou non d’acheter de nouveaux objets, de diminuer les emballages et d’éviter le gaspillage.

Puisque la consommation d’énergie et les pollutions posent des défis environnementaux insurmontables, il est possible à chacun d’agir en réduisant ses consommations directe et indirecte (dans la production et le transport des produits achetés).

Consommer responsable,
oui mais comment ?
En réaction à la dégradation de nos espaces de vie et au creusement des inégalités au niveau mondial, largement dus aux modes de production, de distribution et de consommation occidentaux, de nombreuses pratiques alternatives émergent aujourd’hui. Un certain nombre d’entre elles s’attachent à recomposer radicalement les rapports entre la production et la consommation, produisant de nouvelles valeurs. Tandis que de nombreux nouveaux produits relèvent du simple aménagement de façade ou du greenwashing (blanchiment vert ou écoblanchiment). Il est difficile de donner des solutions toutes faites et valables pour tous : un peu de réflexion et de compréhension par chacun est nécessaire.
La consommation responsable suppose pour chacun de reconsidérer son rapport à soi-même, à la nature et à la société. Il s’agit de faire éclater le statut de consommateur, de décloisonner les différents rôles que nous jouons (consommateur, usager, travailleur, contribuable, électeur…) pour agir à partir d’une vision globale.
Responsable mais pas coupable

halte au marketing !
Pour concevoir un service, un produit, une gamme de produits ou une marque, l’entreprise évalue les besoins (spontanés ou potentiels) des « consommateurs » et, sur cette base, la qualité à viser, le prix, les moyens de distribution et de promotion à mettre en œuvre pour obtenir les meilleures ventes. C’est ce qu’on appelle les 4 P en langage marketing : produit, prix, place, promotion.
Pour éviter justement les pièges du marketing et de la communication des entreprises, qui nous incitent à acheter toujours plus et à renouveler souvent nos équipements, nous pouvons cependant retourner ces éléments d’analyse et définir notre propre grille de consommation : dans nos décisions d’achat et d’usage, il s’agit non pas de simplement remplacer un produit par un autre, mais de reconsidérer nos besoins, pour définir de nouveaux critères de choix et acquérir de nouveaux réflexes, en prenant en compte les enjeux auxquels l’humanité est confrontée.

Le produit  : consommer des produits de saison pour l’alimentation, veiller à la qualité du produit ou service – qualité environnementale (y compris en termes de durée de vie, de consommation d’énergie) et sociale – en se renseignant sur la fiabilité des garanties apportées au long de la chaîne de fabrication et d’approvisionnement, ou en vérifiant par soi-même auprès des producteurs. Tout en restant vigilant sur les avis des agences de sécurité sanitaire, de normalisation et de défense du consommateur, lesquelles ont souvent aussi pour objet de garantir la concurrence et de faciliter le commerce
3. Le prix  : veiller à ce que l’élaboration du produit ou service rémunère correctement les travailleurs, qu’elle soit conforme aux réglementations, et notamment que la production ne soit pas délocalisée dans des pays où les réglementations sociales et environnementales sont plus laxistes qu’à proximité. Le part du transport n’incluant pas les coûts cachés (environnementaux et sociaux) qu’il génère, le prix plus bas d’articles fabriqués au bout du monde – ou résultant de l’assemblage de composants de diverses origines – justifie souvent, dans une pure logique économique, des fabrications lointaines.

La place – la distribution : veiller à ce que le magasin ou le réseau de distribution soit respectueux de l’environnement et de bonnes conditions sociales pour les salariés, de même pour le choix de ses fournisseurs. Privilégier les lieux d’achat au plus proche du lieu de consommation.

La promotion  : veiller à ne pas succomber aux messages publicitaires agressifs ou insidieux, ou aux sirènes du greenwashing, très en vogue à l’heure de l’économie verte ; vérifier que l’achat correspond à un besoin réel ; éviter autant que possible les achats spontanés, souvent générés par la publicité et/ou une mise en scène aguicheuse sur le lieu de vente, les stratagèmes commerciaux (promotions, crédit à la consommation, cartes de fidélité, etc.).

L’écoblanchiment

L’écoblanchiment, blanchiment écologique ou greenwashing, est un procédé de marketing utilisé par une organisation (entreprise, gouvernement…) dans le but de donner à l’opinion publique une image écologique responsable, alors que plus d’argent a été investi en publicité « verte » (la couleur verte symbolisant ici l’écologie) que pour de réelles actions en faveur de l’environnement. (www.wikipedia.org).
Réutiliser, recycler,
mais surtout réduire
Avant de passer à l’achat, nous recommandons de s’interroger sur les alternatives possibles (2) :
faire soi-même
réparer ou faire réparer
louer
emprunter
partager
échanger
réutiliser
acheter des produits recyclés ou d’occasion
choisir les produits dont les emballages sont le moins volumineux et le moins toxique possible
éviter le gaspillage (produits alimentaires, eau, énergie…)
trier ses déchets, pour le recyclage des matières.

Il est certainement difficile de subitement prendre en compte l’ensemble de ces dimensions en faisant ses courses quotidiennes. Il n’est donc pas étonnant qu’il faille du temps avant d’intégrer cette dimension complexe, avant d’acquérir de nouvelles habitudes et de nouveaux réflexes. Cela s’intègre généralement dans un nouveau mode de vie pour l’ensemble de la famille et dans une pensée à la fois globale et locale, qui fait l’objet de discussions et de recherche d’informations. Et qui souvent va de pair avec d’autres modes de participation citoyenne, au sein d’associations ou de groupements politiques, pour peser sur les décisions – y compris au niveau territorial, sur les réglementations, les incitations et les contraintes.

Consommer autrement – vivre autrement

Comme nous l’avons vu, le marketing exacerbe les désirs, fabrique les besoins du consommateur et organise l’obsolescence des produits, conditionnant une surconsommation phénoménale et inégalitaire ainsi qu’une marchandisation accrue (avec l’intégration de services autrefois auto-produits). La majorité des politiques et les industriels soutiennent cette vision de l’économie et de la société au nom de la croissance, pourtant aujourd’hui relativement déconnectée du bien-être pour tous.
Il est donc urgent de s’affranchir de ce mode de pensée encore dominant. Il s’agit certes de s’émanciper des rapports de domination économiques mais aussi des conditionnements idéologiques, pour (re)construire des liens de confiance et de coopération, et de prendre sa part dans l’organisation et le fonctionnement des structures et réseaux de gestion de la production et des échanges.
Un des freins à changer ses comportements et à consommer autrement est la conviction que cela revient plus cher. Mais, en réalité, avec un changement d’organisation et l’évolution des besoins, le budget global s’équilibre différemment. Souvent, il ne s’agit pas simplement de remplacer un produit par un autre. Ce que l’on achète plus cher pour rémunérer correctement le travail ou intégrer le coût environnemental sera compensé par une baisse des achats et par des choix différents : manger moins de viande mais des végétaux de meilleure qualité sanitaire et environnementale, éviter les renouvellements technologiques incessants, limiter les nouveaux objets et équipements, produire et échanger gratuitement plutôt que payer et se faire payer…
Cela soulève bien évidemment un certain nombre de questions qu’il nous appartient collectivement de résoudre, comme la reconversion inéluctable de certains emplois, l’évolution des formations, etc. De telles évolutions sont déjà engagées dans certains domaines. Beaucoup reste encore à inventer.

Avons-nous le choix ?

Aux contempteurs de la décroissance et autres effrayés des conséquences économiques d’une baisse de la consommation et de la croissance, nous répondons que les enjeux pour l’humanité et la vie sur Terre sont tels que nous n’avons d’autre choix que remettre en cause collectivement nos modes de vie et de consommation, et le modèle que nous offrons aux plus démunis. Pour assurer notre qualité de vie, celle de nos congénères sur cette chère petite planète et celle de nos enfants. A l’espèce humaine de trouver des solutions à ses propres excès ! A défaut de ressources naturelles infinies, inventons de nouveaux rêves pour trouver le bonheur ailleurs que dans l’illusoire paradis de l’abondance matérielle !
Alors, consommateur passif ou citoyen actif ?

Véronique Gallais.
Administratrice de Action Consommation et membre du conseil scientifique de Attac France.

Action Consommation
Action Consommation rassemble des citoyens soucieux de solidarité et de respect de l’environnement. Elle a pour but de sensibiliser les consommateurs à leur pouvoir et à leur responsabilité, dans leurs gestes d’achat ou de non-achat, dans les comportements de chacun et à travers l’interpellation des institutions et des entreprises. Ses analyses s’appuient notamment sur la remise en cause du consommationnisme.
Elle anime le Collectif français contre l’irradiation des aliments (www.irradation-aliments.org) et participe à différentes actions collectives, comme le réseau ETAL contre le lobbying et le Collectif des associations citoyennes contre l’affaiblissement programmé des associations et de la liberté associative (www.associations-citoyennes.net).

Action Consommation
21, rue Alexandre-Dumas
75011 Paris
Tél. : 01.48.05.86.81
Site : www.actionconsommation.org

1. Pour plus de détails sur cette partie, lire « Du marketing à la consommation responsable », Véronique Gallais, Ecologie & Politique, décembre 2009. Voir www.actionconsomation, saisir le titre ou Ecologie politique dans la fenêtre de recherche.
2. Pour plus de détails, lire « Consommer autrement », Alain Delacour et Véronique Gallais, Biocontact, n°189, mars 2009, et « Consommer durable – durablement », Véronique Gallais, Biocontact, n°NNN, mmm 2010. Voir www.actionconsommation, saisir Biocontact dans la fenêtre de recherche.

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