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Petite réflexion d’un « dominé » sur les dominations. C Delarue

vendredi 11 novembre 2011, par Amitié entre les peuples

Petite réflexion d’un « dominé » sur les dominations

Pour sortir des multiples dominations, il faut les sentir puis les voir et surtout en parler et en reparler entre dominés. Pour les voir, il faut des lunettes critiques qui permettent de voir derrière l’apparence des choses, pour en parler, il faut oser, tomber, se relever.

 La violence et le clivage

La domination à large échelle ne s’exerce pas in abstracto sans bénéficiaires ni sans victimes . Dire que la classe dominante en est bénéficiaire en est la suite logique. Sous le capitalisme dominant, on parlera de bourgeoisie. Sous d’autres formes de division sociale, un autre nom lui sera donné mais peu importe ici. Les bénéficiaires de la domination agissent pour maintenir l’ordre dominant qui leur donne richesse et privilèges.

Ils usent de la violence symbolique (annoncer l’austérité pour le peuple-classe sans même préciser - ce qui est souvent hypocrite - que des mesures seront prises pour atténuer auprès des plus fragiles le choc et la descente dans la misère), de la violence institutionnelle qui, via le droit et ceux qui l’instrumentalisent procède à l’accroissement de la précarité.

Lorsque cette action peut être vue comme concertée de façon explicite mais en secret on est en droit de parler de complot ou de conspiration. On parle de « théorie du complot » lorsque l’activité de domination est mise à jour par la simple systématicité des mesures adoptées par des individus occupant divers postes de pouvoir. On nomme alors des individus précis et des structures précises.

 Plusieurs types de domination

Il y a d’autres types ou formes de domination. Citons la domination de la nature qui atteint de nos jours un niveau critique et qui suscite un mouvement écologiste. La sortie du nucléaire se pose crument en 2011. D’autres sujets sont à l’ordre du jour pour enclencher un alterdéveloppement.

Quant à l’impérialisme direct (colonialisme) ou indirect (indépendance politique avec dispositifs de subordination) il mélange souvent domination économique, militaire ou policière avec du racisme, bien souvent un haut degré de racisme. Il y a aussi la domination masculine qui est venue se greffer sur le capitalisme. Les religions ont joué un rôle important dans la perpétuation du patriarcat dans le capitalisme montant. Le protestantisme n’a pas développé le même capitalisme que l’islam ou le catholicisme. Reste que le chef de famille avec toute la force de ses pouvoirs est quasiment partout devenu le petit patron avant que le capitalisme ne se dote pour les grosses entreprises de conseils de direction à très forte dominante masculine. Les appareils religieux ont été et restent l’affaire des hommes. L’islam qui n’a pas de hiérarchie voit aussi des hommes aux postes principaux. Le sexo-séparatisme d’en-haut redescend en temps de crise dans les familles, les femmes tendant massivement à retourner au foyer familial comme en Grèce.

 Complexification du capitalisme

Dans le marxisme, à propos de la domination, on trouve deux tendances dont l’une qui met l’accent sur les structures et une autre qui met l’accent sur les individus. Dans le premier courant, on cite L Althusser qui disait que « l’histoire est un procès sans sujet ». On a nommé ce développement très abstrait d’inspiration structuraliste « le courant froid du marxisme ». Dans l’autre versant - le courant chaud - la lutte des classes est mise en avant. L’histoire est à lire sous cet angle. Des individus aux activités les plus différentes mais occupant des positions sociales similaires dans les rapports sociaux de production forment une classe sociale exploiteuse. L’exploitation est une forme de domination. Ceux d’en haut sont les propriétaires des moyens de production. Les exploités sont contraints de vendre leur force de travail pour vivre.

Complexification du capitalisme : Certains travailleurs sont dominés plus que d’autres. L’encadrement privé ou public subit certes une domination de classe (grosse charge horaire de travail par exemple) mais il trouve deux moyens de l’atténuer : d’une part en recevant une rémunération relativement élevée d’autre part en disposant d’un pouvoir de contrôle sur les travailleurs de bases subordonnés. A ce titre ils sont aussi dominants. D’ailleurs il arrive souvent que le travailleur de base voit plus la domination du cadre intermédiaire que du staff de commandement dans les grosses structures.

Avec le développement du capitalisme, une complexification est apparue. Il faut compter avec les « top managers » des grandes structures de production qui sont avec les responsables politiques les acteurs de la domination de classe. Quand les dirigeants politiques passent du privé au public et vice-versa (pantouflage) puis au « politique », se forme une oligarchie qui fausse le jeu démocratique. La nommer aristocratie au lieu de ploutocratie ne trompe personne. Sous le néolibéralisme, les politiques favorables au peuple-classe s’effacent au profit de celles qui sont en soutien de la classe dominante. Avec la crise cela devient évident.

Jean-Marie Vincent a développé la notion de « dispositifs abstraits » pour évoquer ce qui surplombe les humains et notamment les travailleurs. Les théories du fétichisme et de la réification visent à ce que celui qui subit ce surplomb retrouve sa place qui est la sienne. Les choses (la technique, la législation des contraintes lourdes, le discours médiatique, les superchefs fétichisés, etc) doivent être rabaissées et les humains en quelque sorte repositionnés à leur juste place.

 Les vecteurs de la libération.

Au plan pratique, la libération de la domination multiforme passe par l’anti-classisme, l’anti-sexisme et l’antiracisme mais aussi par la démocratisation des instances prises par l’oligarchie et par la laïcité ainsi que par l’intégration de la dimension écologique .
Ce sont là les grands vecteurs de libération des différentes fractions de peuple dominé que sont les femmes, les discriminés, ceux qui subissent l’emprise du religieux, et plus globalement le peuple-classe face à la finance.

Christian DELARUE

NB Certaines idées me viennent de :

Boltanski Luc, De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation
Paris, Gallimard « NRF Essais », 2009

Note de Igor Martinache

http://sociologie.revues.org/117