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Objectification sexuelle forte mais avec respect humain maintenu. Aporie ? C Delarue

dimanche 19 juin 2016, par Amitié entre les peuples

Objectification sexuelle forte mais avec respect humain maintenu. Aporie ?

Pour qui connaît la théorie de l’objectification sexuelle - qui ne sera pas abordée ici pleinement mais seulement sous l’angle de traits - l’idée d’un maintien du respect humain semble non seulement une aporie mais aussi une duperie . Nous défendrons ici le contraire mais sous condition . Continuer de voir l’être humain générique en plus de l’être sexué c’est là le « double regard » (Christian Delarue - 1) issu de la prise en compte du principe de dignité humaine.

L’objectification sexuelle c’est en première analyse, avant d’approfondir, trouver l’autre sexy, voire très excitant(e) et le- la regarder avec très forte concupiscence (langage ancien plutôt religieux) ou avec une très forte charge désirante et libidinale (langage moderne). Allons plus loin brièvement avec ces « dix traits ».

I - Les dix traits de l’objectification sexuelle

voir par exemple : https://antisexisme.net/2013/08/13/objectivation-1-2/

On en trouve 7 de Martha NUSSBAUM et 3 de Rae LANGTON soit 10 en tout.

Martha NUSSBAUM a détaillé sept caractéristiques qui impliquent l’idée de traiter quelqu’un comme un objet.

 L’instrumentalisation : le fait de traiter quelqu’un comme un objet pour ses propres fins

 La passivité : le fait de traiter quelqu’un comme manquant d’agentivité (capacité à agir)

 Le déni d’autonomie : le fait de traiter quelqu’un comme manquant d’autonomie et d’autodétermination

 L’interchangeabilité : le fait de traiter quelqu’un comme étant interchangeable avec des objets

 Le déni de subjectivité : le fait de considérer que les expériences et les sentiments de la personne objectivée n’ont pas besoin d’être pris en compte.

 La possession : le fait de traiter quelqu’un comme étant quelque chose qu’autrui possède, et qui peut être vendue ou achetée.

 La violabilité : le fait de traiter quelqu’un comme n’ayant pas de limite à son intégrité.

Rae LANGTON en a par la suite rajouté trois :

 Réduction au corps : le fait d’identifier quelqu’un à son corps, ou à des parties corporelles.

 Réduction à l’apparence : le fait de traiter quelqu’un en fonction de son apparence physique principalement.

 Réduction au silence : le fait de traiter quelqu’un comme s’il/elle était silencieu-x-se ou incapable de parler.

II - Combinaison de la réduction objectivante et de la considération à la personne.

Objectification sexuelle forte mais avec respect humain maintenu : Est-ce une aporie ? Ou au contraire est-il vraiment possible d’assurer encore plus de dignité à l’autre parce que dans la pratique sexuelle il peut y avoir réduction à son apparence ?

Ces questions sont la suite de ma « théorie du double regard » (souci antiraciste initial contre les deux réductionnismes que sont le racisme et le sexisme). Un premier regard est visible et réducteur et l’autre regard, peut-être moins visible, est lui chargé d’estime, de dignité - et même d’admiration et d’attention à l’autre en cas d’amour naissant ou installé. J’envisage ici une distinction assez secondaire entre amour faible et amour fort.

Si on laisse de côté l’auto-objectification (de soi), toutes ces objectifications sexuelles par autrui sur soi sont très souvent (pas toujours) le fait de l’homme sur la femme mais toutes n’ont pas la même portèe, la même gravité.

A - L’homme sans aucun regard désirant de John STOLTENBERG.

Par rapport aux deux reproches de la position radicale exprimée par John STOLTENBERG (2) - violence fatale et défaut d’éthique - il semble possible d’avancer deux arguments :

 Préalable sur les deux niveaux de violences : la violence physique et le jugement verbalisé (exprimé publiquement et collectivement ).

L’objectification sexuelle ne mène pas fatalement à la violence physique d’appropriation car il peut y avoir d’une part « coupure » du fait d’un principe supérieur de non violence physique (sinon le viol serait constant, public, brutal et le pouvoir masculin total sans principe de civilisation) mais aussi d’autre part auto-limitation avec le cas de l’homme (ou de la femme car les femmes regardent et jugent aussi et dénigrent) qui certes voit instinctivement la femme sexy devant lui et qui est spontanément attiré mais qui refuse par éducation pro-féministe de se retourner pour « mater » et qui, de plus, refuse de juger le corps d’autrui (surtout avec d’autres hommes à des fins de dénigrement mais pas uniquement). Lire ici « Les mecs lourds » (3).

 Sur la non violence physique.

On sait que dans la rue il y a incertitude de ce « principe supérieur » de non violence qui n’est pas partagé par tous. Reste encore l’injure, l’insulte ou même le simple fait de porter un jugement sur le corps d’autrui - fut-il jugé positif - avec le harcèlement de rue.

Dans la relation sexuelle intime, il importe de savoir, d’une façon ou d’une autre, si l’autre - l’homme le plus souvent - va s’abstenir (ou non) en toute occasion d’une agression physique . Il faut donc connaître la conception de l’humanité de l’autre. Le plus long dans l’amour dit un auteur (?) ce n’est pas le partage des excitations et de la jouissance finale c’est surtout le dialogue, un dialogue qui indique une « prise intime de connaissance », soit un rapport de personne à personne (Robert MISRAHI 4).

 Le maintien de l’éthique.

Si l’objectification est un jeu consenti pour un plaisir partagé alors ce qui importe de savoir c’est toute l’importance de la dignité accordée à l’autre toujours là, acquise, souterraine mais là indéfectiblement. C’est là assurément un premier aspect éthique qui se redouble d’un autre qui est le principe d’égalité assuré en temps ordinaire, hors du jeu sexuel qui lui peut être dissymétrique . C’est aussi le fait de savoir que l’autre vous accorde une importance très grande - ce qui est alors le cas d’un grand amour mais moins le cas pour une rencontre d’un inconnu sans lendemain.

Tout dépend aussi du contexte et notamment du consentement (ou non) de l’une et du respect assuré de l’autre mais aussi de la possible réciprocité dans le plaisir pris (par l’une puis ensuite par l’autre) et de la possible conception d’égalité partagée (non seulement l’idée d’égalité fondamentale mais aussi la connaissance respectée des refus de l’un et de l’autre ) qu’ont les partenaires même si la complémentarité est ici fortement dominante, du moins au moment du partage du plaisir.

B - De la dignité humaine à la question de la reconnaissance et de la diversité textile.

Pas trop loin de la question de la dignité - voir aussi l’être humain générique (discipline de soi façon Erich Fromm dans l’Art d’aimer) - se trouve celle de la reconnaissance.

Au titre d’une distinction à faire pour ne pas amalgamer tous les hommes dans une même charge antisexiste rappelons ce propos : Pour l’homme, écrit Francisco Albéroni dans L’érotisme (p77) « la séduction n’est pas un motif de triomphe mais d’émerveillement. Elle engendre un sentiment de reconnaissance et non de supériorité ». Albéroni n’est pas Sade. Cet homme-là « cane » ! Il cède face à ce qui le submerge comme force de séduction. Et il remercie l’autre.

Les salutations et le respect minimal d’autrui viennent du « connaître et reconnaître autrui » et évidemment cela ne vaut pas que par « beau temps » quand tout est bien (c’est facile) mais aussi quand il y a « crise » ou « rupture » (c’est là que l’on voit les personnalités) - Renvoi ici à la philosophie de la reconnaissance de Paul Ricoeur (5).

Au plan non plus relationnel mais sociétal, il y a la possible promotion de la diversité textile non violente, sans stigmatisation aucune, allant de l’hypotextile (peu de vêtements) à l’hypertextile (femme voilée, jupe ultra-longue) qui va plus loin que la simple liberté textile qui peut ne pas de soucier de la réelle diversité.

Christian DELARUE

1) La théorie du « double regard » de C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-theorie-du-double-regard-de-C

2) in « Refuser d’être un homme - Pour en finir avec la virilité » - Ed Syllepse 2013 - page 103

3) in Qui est l’autre ? - Ed Colin 1999 - p 144
Lire par exemple : Libres extraits de « Qui est l’autre ? » (de Robert MISRAHI) CD 2005 | Le Club de Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/211214/libres-extraits-de-qui-est-l-autre-de-robert-misrahi-cd-2005

4) LES MECS LOURDS ou le paternalisme lubrique de N Henry (note C Delarue) -
http://amitie-entre-les-peuples.org/LES-MECS-LOURDS-ou-le-paternalisme

5) Note sur le « Parcours de la reconnaissance » de Paul Ricoeur - C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/Note-sur-le-Parcours-de-la