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Le peuple-classe, une notion « anarchiste » ?

dimanche 7 décembre 2008, par Amitié entre les peuples

Le peuple-classe, une notion « anarchiste » ?
Christian DELARUE

Oui et non. Mais explicitons la question tout d"abord. En l’espèce, au-delà de l’invective, l’auteur critiquait la notion de peuple-classe comme participant au rabaissement du fait démocratique.

Pour la définition du peuple-classe, je renvoie aux textes qui explicitent cette notion et notamment au texte fondateur "Pour une approche du peuple-classe’.

Le peuple-classe, une catégorie intermédiaire (ce lien renvoi aux autres textes)

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article463

 Une première réponse à la critique consiste à dire que la notion de peuple-classe que j’ai mis en valeur (1) laisse place à la notion de peuple-nation, laquelle possède bien tous les attributs politiques que le droit constitutionnel confère au peuple assimilé à la nation dans les Etats-nation. La notion de peuple sans adjectif permet de passer d’un régistre très englobant à un régistre plus étroit sans précision et sans effort intellectuel . Elle a le mérite de la souplesse et l’inconvénient du flou donc de la manipulation possible . Car il faut le dire encore : le peuple est surtout objet d’assujettisement, beaucoup plus que de volontés émancipatrices .

Rien de complexe à comprendre dans cette distinction peuple-classe/peuple-nation à mon sens. Et ces catégories, à l’articulation du social et du politique, me semblent opératoires à la fois pour les partisans et les détracteurs du peuple-classe, donc bien en-deçà d’une sollicitation maximaliste. A l’évidence, dans une compréhension dynamique et politique on peut y lire une portée collective-autogestionnaire, qui ne préjuge d’ailleurs me semble-t-il ni de sa forme ni de de sa base territoriale. Mais l’ usage possible de cette notion de peuple-classe ne s’inscrit pas nécessairement dans cette perspective.

 Venons-en à la réponse principale : Y-a-t-il une sous-estimation du fait citoyen dans la notion de peuple-classe ?

Le peuple-classe n’est que rarement une « communauté politique » que le peuple-nation mais il a vocation à le devenir. C’est là toute l’aspiration issue des mouvements d’émancipation du XX ème siècle. Reste que cette vocation qui est une conquête, une « guerre de classe » survient ou surgit en de rares périodes de l’histoire.

Une communauté politique digne de ce nom qui n’entérinerait pas la dépossession du peuple-classe fonctionnerait sous des modalités fort différentes de celle de la démocratie libérale qui connait un régime restreint de la participation citoyenne. Il s’agit ici de promouvoir l’alterdémocratie (2). Pour autant, les élections ne sont pas qu’une formalité mais ces dernières ne disent pas tout du peuple et de son ascension possible car les élections sont ambivalentes. Les procédures électives sont à la fois source d’émancipation mais de façon très contenue dans les systèmes existants et forme de dépossession hors de l’acte électoral , donc le reste du temps.

Cette ambivalence est bien réelle dans les démocraties libérales réellement existantes. On pourrait même soutenir que la dynamique démocratique y est enfermée par le carcan du système démocratique restreint . Elle butte contre le pouvoir de la bourgeoisie. Le peuple-classe sous le régime de la démocratie libérale est donc structurellement rabaissé, dominé, renvoyé soit dans ses foyers soit à l’usine ou au bureau et dans les deux cas loin des lieux de décision. Il n’est donc pas souverain, ou rarement, mais soumis.

Pour autant la « raison démocratique » n’est pas bradée et encore moins la question de la souveraineté du peuple-classe . Les moyens de son accès plein et entier à la démocratie passent, à mon avis, par son unification, une unification différente de celle fréquemment invoquée a propos du peuple-nation autour des élites couches d’appui de la bourgeoisie. Le front uni du peuple-classe ce n’est donc pas l’alliance de ce peuple avec la bourgeoisie au sein du peuple-nation ou tous les chats sont gris.

 Une lutte idéologique à mener.

Pour reprendre les grandes lignes des propos d’André Bellon et Anne-Cécile Robert (3) je dirais du peuple-classe qu’il « marque le retour du peuple » en vue son « expression autonome » alors que les élités et l’oligarchie néolibérale s’emploie à « cacher ce peuple que l’on ne saurait voir » . Ils veulent cacher le peuple-classe sous le voile d’un peuple-nation qui se montre accommodant pour ceux qui bradent la volonté populaire derrière celle de la bourgeoisie et de ses représentants. Et, quand le peuple est exhibé c’est pour le réduire aux couches sociales populaires entendez par là les ouvriers et les employés auquels on ajoute les chômeurs. Autrement dit dans cette conception le peuple est reconnu comme bas-peuple afin de mieux intégrer les couches moyennes - techniciens, cadres moyens, cadres supérieurs vers les sommets de la société dans le bloc hégémonique qui part du sommet ;
lequel bloc se délite du fait de l’écart énorme entre la couche de la bourgeoisie financière qui accumule les profits et les richesses alors que le niveau des couches moyennes supérieures ne cessent de décliner .

La notion de peuple-classe - produit d’une période spécifique du partage des richesses - élève le niveau de la barre des classes qui avait été très rabaissée il ya quelques années avec la notion inclus/exclus, notion améliorée mais non remise en cause radicalement par celle plus dynamique de « désafiliation du salariat ». On y reviendra.

Christian Delarue
ATTAC

1) Si Abraham LEON a employé le terme, ainsi que me l’a fait remarqué récemment Pierre Ruscassie, c’est dans un autre contexte et un autre sens (celui de « caste ») et pour un autre but (question de la permanence de « l’identité » juive à travers le temps). Et depuis, à ma connaissance, la notion n’a guère été mobilisée, encore moins hors du champs de « la question juive ». Il s’agit donc plus que d’une mise en valeur ou d’une réactualisation.

2) DEUX CONCEPTIONS DE "L’AUTRE DEMOCRATIE"

<http://amitie-entre-les-peuples.org...> -

De l’alterdémocratie « de complément » à ’alterdémocratie « globale » et alternative

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article218

3) in « Le peuple inattendu » Syllepse 2003 par André BELLON et Anne-Cécile ROBERT (avec une préface de Claude NICOLET)