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La révolte ouvrière en Bosnie – Comment reconstruire l’industrie en Europe ?

mardi 25 novembre 2014, par Amitié entre les peuples

Monika Karbowska

La révolte ouvrière en Bosnie – Comment reconstruire l’industrie en Europe ?

Tuzla, juin 2014 Il fait très chaud lorsque nous arrivons dans cette ville moyenne au Nord Est de la Bosnie. Comme presque toutes les villes de Bosnie, Tuzla est située dans une vallée très encaissée entourée de montagnes boisées. Ces montagnes cachent des hectares de sites industriels nichés dans le creux de la vallée : mines de charbon, de sel, la ressource naturelle historique la région, ainsi que des usines chimiques de transformation de ces ressources. Du temps de la Yougoslavie, comme dans tous les pays de régime communiste, ces villes moyennes ont été dotées d’usines et la population y a vécu son âge d’or dans les années 70.

Lepa Mljadenovic, militante féministe et pacifiste de la première heure vivant à Belgrade raconte– « En Yougoslavie, on allait à la mer Adriatique en été et skier en Bosnie en hiver. On ne se rendait pas compte que ce bonheur était éphémère et factice car alimenté par une dette vis à vis des banques occidentales ». La crise de la dette des années 80, les exigences de remboursement et la mort de Tito ont surpris une société nullement préparée à affronter la catastrophe qui tombait sur elle : la montée des nationalismes régionaux, la désagrégation politique, les manipulations par les grandes puissances occidentales qui soutiennaient activement le séparatisme de la Croatie et de la Slovénie entraînant ainsi la riposte de Milosevic et la terrible guerre civile nationaliste de 1992-1995.

Chaque ville et village de Bosnie a payé son lot à la folie meurtrière de la guerre, même Tuzla, ville riche d’une longue tradition de lutte de classes et de solidarité ouvrière. Tuzla n’a heureusement pas connu de nettoyage ethnique mais a eu ses victimes : 70 jeunes assassinés le 25 mai 1995 au lieu de rencontre de la Kapija par la grenade d’un sniper. Sur les hauteurs entourant la ville se trouve un parc ou le monument à la gloire des Partisans de Tito fait face aux tombes des innocents de 1995. En Bosnie on ressent encore la division profonde du pays, la douleur et la peur que cela ne recommence. Les villages à l’architecture typique de d’Europe de l’Est sont ornés qui d’une mosquée flambant neuve, qui d’une immense Eglise orthodoxe qui d’une Eglise à croix catholique rénovée.

C’est en passant d’un village à Eglise orthodoxe à un village à mosquée qu’on distingue en tant que voyageur la frontière de la République Serbska et de la Fédération Croato-musulmane. Les Serbes vivent sur le flanc Nord-Est du pays et leur entité forme un croissant entourant le reste du territoire. Il est facile d’imaginer ce qui pourrait se passer si le nationalisme reprenait sa folie.

Justement, en 2014, 20 ans après cette folie on peine à comprendre comment se fut-il possible qu’on meurt et qu’on tue pour un idéal nationaliste. La Bosnie, la Serbie, le Monténégro et le Kosovo ont tous un niveau de pauvreté similaire et un statut de seconde zone d’antichambre de l’Union Européenn, qu’ils aient été auteur ou victime des guerres des années 90. Même la Croatie et la Slovénie entrées dans l’UE essuient un taux de chômage fulgurant, la désindustrialisation et les conflits sociaux. Comment se fait-il qu’on en soit arrivés là ? Le nationalisme ne fait plus recette car il n’a résolu aucun problème mais en a amené de nouveaux. De plus la construction des Etats nationaux s’est traduite par une expropriation des travailleurs au profit d’une nouvelle classe politique soutenue en Bosnie par les puissances Occidentales. « Les puissances occidentales ont favorisé alors une nationalisation « ethnique » de la propriété des travailleurs yougoslaves et puis ont organisé une privatisation au profit des multinationales occidentales » - explique Andreja Zivkovic, militant du groupe marxiste Marks21 et auteur de nombreux travaux sur l’économie post-yougoslave et sur le projet d’une Fédération Balkanique.

Pendant vingt ans la promesse du rêve européen a tenu en haleine les travailleurs de Bosnie. Ils n’ont certes jamais oublié qu’en Yougoslavie ils étaient non seulement des propriétaires nominatifs mais aussi des gestionnaires réels de leur usines et que cela leur réussissait. A Tuzla leur niveau de vie était satisfaisant. Mais les travailleurs ont finalement fait confiance à l’idéologie néolibérale et individualiste si puissante dans les années 90. En Pologne les travailleurs ont cru aux paroles de Lech Walesa, leader du syndicat Solidarnosc, président de la République élu en 1990 et promoteur de la « privatisation populaire ». De même les citoyens de l’Ex Yougoslavie pensaient que la distribution d’actions aux travailleurs des usines publiques seraient finalement une autre forme d’autogestion plus moderne et compatible avec les technologies occidentales.
Vingt ans après ces illusions Tuzla ressemble à tant de petites villes décrépies de l’Europe de l’Est : le centre ville historique rénové par l’argent occidental est censé servir au tourisme comme à Sarajevo. Mais tout autour, la ville nouvelle autrefois si fière n’est qu’une suite d’immeubles délabrés et d’infrastructures dégradées. Tuzla a cependant eu la chance de conserver son université de 10 000 étudiants ce qui permet aux travailleurs licenciés de survivre sans devoir émigrer en Allemagne, destin de tout chômeur bosniaque. Les habitants sont en effet propriétaires des appartements et louent des chambres aux étudiants.

En 1920 Tuzla a été le théâtre d’une révolution ouvrière : les mineurs de charbon bosniaques prirent la défense de leur collègues slovènes licenciés. Ils ont fondé alors une éphèmère république bolchévique. Une imposante statue dans un square délabré rappelle toujours la geste du travailleur de Tuzla.

Le 5 février 2014 Tuzla donnait le signal d’une nouvelle révolte ouvrière en Bosnie. Des jeunes brûlèrent un bâtiment public pour protester contre le gouvernement cantonal corrompu. La police riposta et des émeutes secouèrent la petite ville. Mais voici que les ouvriers du complexe chimique DITA qui protestaient en vain depuis plusieurs années contre les privatisations se sont joint au mouvement en lui apportant les traditions ouvrières de Tuzla : ils ont convaincu les jeunes de ne pas brûler les bâtiments publics parce qu’ils sont le bien commun des citoyens. Ils les ont aussi convaincu de soutenir les grèves contre les privatisations. Les jeunes dialoguèrent avec les policiers municipaux qui se sont avérés être leur cousins ou leur camarades d’école réticents à tirer sur leur famille et leur amis. Le gouvernement fédéral décida donc de remplacer la police locale par la police fédérale. Le véritable gouverneur de la Bosnie, Haut Représentant de l’ONU, autrichien, et le Délégué Spécial de l’UE menacèrent de donner de la troupe européenne, démontrant par là le véritable statut de l’Etat bosniaque – colonie de l’Union Européenne. Alors des mouvements de protestation éclatèrent dans 10 autres villes de Bosnie dont à Sarajevo. Même la République Serbska a été touchée avec des manifestations à Bajna Luka. Les manifestants exigeaient le départ des élites corrompues et la réforme du système politique hérité du cessez le feu de Dayton et imposé par les puissances occidentales, décentralisé à l’extrême et générateur de corruption à tous les échelons (municipal, cantonal et fédéral).

Tout comme en Bulgarie suite aux mouvements massifs contre la corruption en 2013, de nouvelles élections risquaient de finir en fraude électorale encore une fois faute de vrais changements dans la structure du pouvoir. Comment sortir de l’impasse ? Déjà des nervis nationalistes, adeptes de la Bosnie « pure » (sans les Serbes) pointaient aux manifestations. C’est alors que les militants de la gauche bosniaque, issus du mouvement étudiant de 2009 et organisés dans plusieurs groupes dont le mouvement Lijevi, ont eu l’idée d’organiser des Assemblées populaires, dites Plénums, dans les centres culturels publics existant encore dans chaque ville de Bosnie. Ces Assemblée Populaires ont réuni de plusieurs centaines à plusieurs milliers de personnes et ont permis aux citoyens de laisser libre cours à leur parole longtemps étouffée, à leur colère, et aussi de formuler leur revendications. La gestion des Plénums était une tâche difficile assumée souvent par des femmes militantes, enseignantes à l’Université locale. Selon l’une d’elle, Jasmina Husanovic, « Le temps de parole donné n’était que de 2 minutes. En deux minutes aucun nationaliste ni aucun ultralibéral n’a pu retourner la salle à son profit, même si on a tout entendu comme promesses et comme bêtises ».

Les femmes ont donc joué un énorme rôle dans ce renouveau du mouvement ouvrier et social à l’Est. Nous suivons l’un d’elle, Eminka Busuladjic, fondatrice du nouveau syndicat Solidarnost. Eminka a commencé il y a 30 ans dans la production à la chaîne de l’usine DITA. Elle a gravit les échelons et actuellement elle est responsable de la recherche et développement. Elle a subit des pressions pour arrêter le syndicalisme. Mais elle ne lâche pas prise. C’est son usine et c’est sa vie.

MK : « Eminka pouvez vous nous présenter DITA ainsi que les luttes que vous avez menées jusqu’à présent ? »

EN : « DITA Industrija Deterdženata Tuzla, était un des plus grand complexe chimique de Yougoslavie. DITA produisait des détergents liquides et en poudre qui servaient de matières premières à des produits de nettoyages industriels, domestiques, et aussi des cosmétiques. DITA était un leader dans ce domaine en Yougoslavie, connu, très présent sur le marché domestique. Elle avait un accès propre au chemin de fer et des magasins d’usine ainsi qu’un grand centre de vente à Belgrade. Gérée en système d’autogestion yougoslave l’entreprise a été nationalisée lors de la création de la Bosnie puis privatisée en 1998 au profit de « gangsters » qui l’ont endettée à hauteur de 99 millions de Deutsche Mark et ruinée. Avant la privatisation DITA comptait 1000 salariés et 400 « volontaires ». Tous ont été licenciés et il ne reste actuellement que 118 travailleurs dont 75-80 ont participé aux protestations.

Lorsque la privatisation a commencé les travailleurs ne se rendaient pas compte que cela menait à la fermeture de l’entreprise. Le directeur de l’époque avait été élu « manager de l’année » et promettait monts et merveilles. Il insinuait que l’usine n’était pas productive car l’électricité ainsi que les matières premières seraient trop chères. Lors de la privatisation 272 personnes ont acheté des actions mais sur les 272, 7 détenaient plus de 45% et c’étaient les cadres de l’administration. Les ouvriers ont du prendre des crédits pour acheter des actions – de 1000 à 10 000 KM de crédits sur des salaires de 2000 KM avec des mensualités de 500 KM. 

Le directeur devait investir l’argent des actions mais il n’a rien fait – le capital des ouvriers a été détourné. . Il n’y a jamais réellement eu de contrôle de gestion de l’entreprise parce que la comptabilité publique a été abolie en 1998 et c’est pour cela que c’était si facile de détruire l’entreprise. Depuis l’investissement est nul et les machines sont détériorées de jour en jour. Or dans la chimie l’équipement est tellement lourd et son entretien tellement important qu’un manque d’entretien signale fortement l’envie d’arrêter la production qu’il ne sera pas facile de reprendre plus tard. DITA est sur cette voie après l’arrêt de plusieurs de ses lignes de production.

En 2005 une syndicaliste entre à la direction – en tant que propriétaires d’actions les ouvriers peuvent siéger au Conseil d’Administration. Elle connaît bien la production mais pas la politique. Elle met la pression pour trouver des partenaires stratégiques mais rien ne vient. Se retirant de la direction et comprenant que les dés sont pipés elle refuse de vendre ses actions car c’est le seul moyen de pression sur la direction. C’est là que les ouvriers comprennent enfin que la liquidation de l’entreprise est imminente. Ils savent que DITA a obtenu de grand crédits parce que le directeur local de Hipobank était au conseil d’Administration mais rien n’a été investi parce que les ouvriers ne l’ont pas controlé.

Les ouvriers ont alors payé une avocate mais pendant 1 an cette avocate ne leur a rien dit sur la marche de l’entreprise et notamment que l’usine était en faillite. Probablement elle a été achetée par la direction tout comme certains travailleurs s’opposant à la grève. La stratégie de la direction était de leur faire croire que les ouvriers seront payés une fois que la liquidation de l’entreprise sera prononcée en poussant ainsi les ouvriers à vouloir la destruction de leur outil de travail afin de vendre les actifs et de se payer ainsi. Cela n’a rien avoir avec de la production et montre le degré de financiarisation de toute l’économie. L’objectif était de liquider la production et de placer l’argent dans des paradis fiscaux.

MK : « Pouvez vous nous dire comment se sont déroulé les luttes récentes des travailleurs de DITA et votre participation au mouvement des Plénums de février dernier ?

EB : « Comprenant à force de licenciement successifs que la privatisation est une destruction, les travailleurs restant à DITA commmencent une grève et occupent les entrées de l’entreprise du 4 aout 2011 au 19 mars 2012. Le gouvernement cantonal promet le rachat par le groupe serbe Bohemia. Deux mois de salaires ont été payés mais pendant ce temps là l’équipement et des produits de la valeurs de 2 millions de KM a été vendu et c’était bien le but de la maneuvre. En novembre et décembre 2013 les ouvrier/res se sont révolté/es définitivement et ont bloqués les entrées et sorties de l’usine. La direction a expulsé les travailleurs du site par des vigiles privés. La lutte a pris l’aspect d’un face à face devant l’entrée de l’usine : les ouvriers répondaient aux vigiles qu’ils ne partiraient pas parce qu’ils sont des actionnaires de l’usine. La prise de conscience que la direction cherchait à fermer l’usine est venue alors. Il devient évident que les crédits accordés à l’entreprise n’ont jamais été réinvestis dans la production. De plus la direction sous-loue une partie de l’usine et l’argent part sur le compte de LORA la filiale dont les directeurs de DITA sont aussi actionnaires.

Nous nous rassemblions tous les mercredis pour protester. Le 29 janvier 2014 nous avons encore protesté devant le gouvernement cantonal. C’est alors que le groupe marxiste Lijevi nous a rejoint et a médiatisé notre lutte par des photos, des films et des articles. en faisant des photos, écrivant des articles. Puis le mouvement de protestation a démarré massivement le 5 février. Les policiers ont gazé les ouvriers et les jeunes qui manifestaient. La répression policière a finalement unie les deux composantes de la lutte, ouvriers et jeunes.

10 000 personnes manifestaient devant le bâtiment du gouvernement du canton. Finalement le gouvernement a commencé la négociation. Par la suite le président du canton a démissionné. mais la situation de DITA n’a pas été résolue. Le canton a racheté l’entreprise symboliquement pour 1 Mark mais pas question de l’effacement de la dette odieuse de l’entreprise que les ouvriers réclament n’a pas été abordée.
Le syndicat de la Fédération de Chimie ne nous soutenait pas. Nous avons donc compris que c’est au niveau local qu’il faut agir, avoir le soutien des habitants de la ville, des voisins. Pour cela l’expérience des Plénums, Assemblée de centaines puis de milliers d’habitants, de débats libres qui ont eu lieu au Centre Culturel a été une énorme école de démocratie pour nous et de reconstruction de liens au niveau local.

Le 7 février j’ai participé au premier Plénum grâce à ma rencontre avec un militant de Lijevi. J’y ai parlé de notre lutte à DITA et c’est ainsi que l’unité entre les ouvriers et les autres manifestants se fait. Au premier Plénum il y a 25 personnes. 7 personnes sont alors arrêtés par la police. Nous les avons alors accompagnés au tribunal. Le risque que la police tire à balles réelles était grand. Les syndicalistes dont nous étions sont venus pour empêcher les policiers de tirer sur les manifestants. Au Plénums nous avons fondé des groupes de travail avec des économistes pour exiger une révision de la privatisation. Ce sont les jeunes de Lijevi qui nous aident. Les Plénums exigent « mettez les ouvriers en premiers » ! Les ouvriers veulent développer la production et éviter les autres privatisations. Surtout que la question des dettes de l’entreprise vis à vis des banques se pose.

MK « Comment la création de votre syndicat peut-elle changer la donne » ?

EB : « C’est un acte politique. Une agence de privatisation qui a signé le contrat avec DITA et LORA mais les engagements qui n’ont pas été tenus. On peut donc gagner l’annulation des contrats devant la justice. Le mouvement des Plénum a beaucoup changé les choses car il a mis la pression sur les tribunaux qui ont commencé à condamner les privatisations mafieuses et la destruction de l’outil de production.
Actuellement la direction organise des syndicats « jaunes » ou elle appellent des gens qui n’ont pas protesté pour diviser les travailleurs. C’est pour contrer cela que les ouvriers de DITA ont crée le syndicat Solidarnost. Pour continuer à mettre la pression et pour lutter contre la criminalisation du mouvement des Plénums : des personnes sont toujours poursuivies pour « dégradations », « sabotage » et « atteinte à la propriété privée » depuis le mouvement !De plus les syndicats sont très fragmentés. C’est pour cela que la lutte des Plénums a pour but d’unifier les syndicats pour un front commun.
Solidarnost est un syndicat ouvert à tous. On peut en être membre sans être un travailleurs de DITA. Cela élargit la base et constitue une école de lutte. Nous souhaitons que les chômeurs, les retraités et les étudiants rejoignent la lutte. Par exemple les retraités de l’industrie ont été un soutien précieux ainsi les syndicalistes de l’électricité et de la santé. Avant la guerre les syndicats étaient forts mais après ils ont été décriés, détruits. Je suis membre du syndicat Solidarnost mais aussi du comité de grève. J’ai été accusée par la direction de mensonge et de manipulation. Il se peut que je dois poursuivie par le tribunal. Je suis aussi accusée par les sous-traitants de les empêcher de travailler sur le site. Je pense que ces sous-traitants ne font rien de bon pour l’usine. De toute façon ils n’ont pas le droit de m’interdire d’entrer sur le site car je suis actionnaire ! »

MK : « Quel avenir souhaitez vous pour votre usine et que peuvent faire les militants européens pour vous soutenir » ?

EB : » « Actuellement très peu de produits de DITA sont sur le marché. Avec toutes ces destructions opérées pendant toutes ces années ce sera difficile de reconquérir le marché mais on peut le faire avec de la qualité. On peut redémarrer assez vite la production de détergents liquide mais pour les poudre, sans parler des cosmétiques cela exige des investissements importants, un partenaire stratégique et une nouvelle ambition. Ainsi nous sommes pressés de voir le gouvernement annuler la dette odieuse de l’entreprise – les 50 millions prêté par Hipobank qui ont disparu frauduleusement des comptes. Chaque jour détériore davantage les machines. Nous n’avons pas de temps à perdre. Les 2/3 de la production est arrêtée et une partie des bâtiments est loués à des entreprises sous-traitantes qui y déposent des produits chimiques non-identifiés sans rien produire. Pourquoi est-ce aux ouvriers de payer la corruption et l’absence de gestion de la direction ? Les ouvriers ne relâcherons pas la pression : nous occupons l’usine et exigeons qu’une enquête indépendante sur la privatisation mafieuse soit menée et la privatisation annulée.

En ce qui concerne ce que peuvent faire les militants européens, la gauche européenne peut nous aider en envoyer des militants médiatiser notre lutte et notre travail. Les gouvernements d’Europe et de l’UE doivent faire pression sur la Bosnie pour arrêter les privatisations mafieuses et annuler les anciens contrats de privatisation. Sinon le seul avenir est l’émigration. Nous voulons que la région revive, nous voulons vivre de notre travail et pour cela les ouvriers doivent contrôler la production.

Actuellement (en juin) la situation a été bloquée par les inondations. Il y a eu des changements de gouvernement à la tête du canton, mais les manoeuvres de gouvernement sont surtout destinées à diviser les ouvriers. Il faut continuer la lutte contre le gouvernement de Sarajevo. Les syndicalistes de Tuzla ont besoin de soutien, de médiatisation et de la solidarité des travailleurs d’Europe. Le plus important est le comité des travailleurs du Plénums. On doit travailler à créer de la confiance entre les ouvriers. Une nouvelle révolte se prépare. »

MK : « Est-ce que DITA emploie des femmes et est-ce qu’elles participent à lutte » ?
Eminka rit :« Les femmes sont les plus propres, plus dangereuses et plus endurantes ! Les hommes peuvent boire et mettre la lutte en danger, les femmes non !
La revendication de révision de la privatisation est révolutionnaire. Pour les ouvriers de Tuzla la privatisation n’est rien d’autre qu’un acte criminel finalement, tous comme pour les travailleurs de Walbrzych en Pologne qui dénoncent la destruction de leur villes par les fermetures et les privatisations et l’accaparement de leurs bien par des oligarques illégitimes. Il ne s’agit pas seulement stopper un acte criminel mais de l’annuler donc de renationaliser ! L’émergeance de cette exigence est une avancée énorme en Europe de l’Est. Le passé yougoslave que les travailleurs finalement n’ont jamais renié revient sous avec le rêve d’une nouvelle solidarité, un pays ou les travailleurs auraient de nouveau le respect qui leur est du et pourquoi pas le pouvoir.

Dans le modèle de lutte des travailleurs-actionnaires on retrouve l’expérience des luttes de Jugoremedije, entreprise pharmaceutique de Zrenjanin en Serbie ou les travailleurs serbes se sentent propriétaires réellement de l’entreprise et s’organisent en syndicats pour peser sur la production. Ils et elles refusent justement de vendre leurs action. Pour les travailleurs de quasiment tous les pays de l’Est la « privatisations populaire » n’a été qu’une vaste spoliation car ayant perdu leur salaire et leur place sociale avec la privatisation les travailleurs ont vendu leurs actions aux multinationales ou aux oligarques locaux pour juste survivre. Ainsi ils ont tout perdu. Les Yougoslaves avaient plus d’’expérience d’une autogestion concrètent et ont pu lutter pour ne pas se faire spolier.

Pour Unilever, l’allemand Henkel, et l’américain Johnson et Johnson la privatisation mafieuse des entreprises locales des pays de l’Est est pain béni. En effet, la production de shampoing et de savon voir de produits de beauté (L’Oréal !) est tellement lucrative à l’unité que c’est le marché qui a été le plus vite couvert et saturé par les produits occidentaux dès 1990 alors même que tous les pays de l’Est, de la Pologne à la Bosnie en passant par les fameux cosmétiques à la Rose bulgare possédaient leur propre industrie chimique et cosmétique. Comme par hasard alors que tous le monde doit se laver, ce sont les multinationales occidentales qui depuis 20 ans fournissent le savon et le shampoing avec un bénéfice considérable. On a juste laissé aux entreprise locale les détergents industriels bien plus difficile à vendre.