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Alger, capitale des révolutionnaires du monde entier 1962 - 1974

dimanche 4 juin 2017, par Amitié entre les peuples

Alger la rouge, capitale des révolutionnaires du monde entier 1962 - 1974

Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=40W46qbqT3o

Que cette phase assez glorieuse malgré ses faiblesses - dont on va résumer les traits de façon synthétique - n’ait pas pu durer n’est pas simplement du à l’idéologie du FLN passé au gouvernement, aux luttes internes entre les élites algériennes et aux difficultés énormes de construire un pays dévasté et appauvri après la guerre de libération. Il y a aussi le fait que les forces impérialistes n’ont fait aucun cadeau à l’Algérie indépendante.

Mais revenons au FLN, celui de 62 à 73 (installation et reconstruction) puis 73 à 78 (16 ans d’anti-impérialisme depuis 62) puis évolution lente jusqu’à nos jours ou il n’est plus ce qu’il a été. Le peuple-classe algérien subit aujourd’hui un capitalisme spécifique et une emprise des diktats de la Triade. Les révoltes populaires de janvier 2011 ont débouché sur plus de pluralisme mais guère plus.

I - Un populisme socialiste international

Sous ce titre sont évoqués deux éléments forts plutôt positifs (mais avec des faiblesses) des élites algériennes des années d’indépendance (juste avant et juste après 1962) : La révolution et l’anti-impérialisme et la révolution et le socialisme .

1 - L’idéologie du FLN en Algérie post 62 est, surtout dans les premières années très REVOLUTIONNAIRE et très ANTI-IMPERIALISTE avec un fort soutien des peuples en lutte et de leur représentant partout dans le monde . On y parle plus du peuple (au sens de peuple-classe) que du prolétariat, ce qui visait pour l’essentiel les ouvriers et paysans, mais aussi une minorité de cadres. Les élites socialistes remarquaient d’ailleurs la faiblesse de l’encadrement pour diriger les grandes entreprises (autogestion aux petites entreprises) et construire le pays délabré et appauvri. On peut donc, si on veut employer un terme récent, qualifier ce régime de socialisme populiste de gauche pour ces raisons mais aussi parce que le nouveau gouvernement favorisait les luttes contre le colonialisme, le racisme (et sans doute beaucoup moins celles contre le sexisme ou le patriarcat, et pas plus celles pour la laïcité ). C’est tout le mérite de ce film de le montrer.

On voit aussi qu’il y a aussi un fort anti-israélisme depuis 67 (avec « à bas bruit » une dérive antisémite ensuite qu’il ne faut certes pas généraliser mais ne pas nier non plus) .

2 - Il y a aussi la référence au SOCIALISME spécifique avec des réformes agraires pour les paysans. Ce socialisme possède à la fois une composante centralisée-autoritaire (justifié par le contexte ) mais aussi, avec Ben Bella (1), des efforts pour favoriser l’autogestion dans les petites unités (et ce sous l’influence du trotskyste Pablo) . Ce socialisme permet à l’époque, des liens et des alliances avec la Yougoslavie de Tito, le Cuba de Castro, etc. Ce nom d’Alger la Rouge reflète un fait réel : Alger est bien, à cette époque-là, la « capitale des révolutionnaires du monde entier » ce qui est assez peu commun et assez peu connu en France (sauf des trotskistes et des anti-impérialistes). L’idéologie socialiste a aussi évidemment une dimension interne qui donne force à un fort souci de stopper la misère atroce des algériens de l’époque ainsi que la très faible instruction de la majorité des algériens. Il y a bien eu une politique de développement socialiste en Algérie qui a eu ses mérites et ses défauts.

II - Le volet identitaire de ce populisme

Ces références révolutionnaires et socialistes ont des limites. Cela vient - comme indiqué ci-dessus - de la faiblesse des références sociales et de la force de celles dites culturelles mais plutôt sur la face sombre. La culture a deux faces : une lumineuse et émancipatrice, l’autre sombre et aliénante.

1 - LE NATIONALISME. L’idéologie socialiste liée à l’anti-impérialiste est souvent accompagnée, ici comme ailleurs, à une forte idéologie nationaliste . On retrouve plus tard ce lien en Amérique latine là ou le socialisme a pu gagner (trois pays : Vénézuela, Equateur, Bolivie) aussi contre l’impérialisme des Etats unis et prend aussi une tournure nationaliste, qui ne signifie pas xénophobie et qui n’empêche pas l’ouverture internationaliste mais qui freine la prise en charge démocratique par en-bas. On a en quelque sorte un socialisme d’en-haut, des élites et des cadres qui bénéficient du développement autocentré plus que d’un socialisme d’en-bas ou les classes modestes s’élèvent aussi par plus d’instruction et de meilleurs salaires.

2 - LA CULTURE . Ce nationalisme est particulier car objet d’un DOUBLE ELARGISSEMENT IDENTITAIRE et communautaire celui de d’une part l’ARABISME ou du nationalisme arabe et celui d’autre part de l’ISLAM et de l’oumma, dernier aspect idéologique souterrain d’abord mais nettement plus décisif ensuite . La formule identitaire (venue des oulémas très influents à l’époque) est « L’islam est notre religion, l’arabe est notre langue et l’Algérie est notre pays. »

On comprends qu’un tel triptyque à l’universalisme limité puisse réduire la place à des valeurs d’ouverture, de liberté, d’égalité des humains et permettre la reproduction des traditions réactionnaires qui renforcent le patriarcat, le sexisme et même le racisme. Comment vivre dans une Algérie qui s’accroche à cette triade en étant athée, peu arabophone, et de culture libertaire ?

III - Fin du socialisme et poids du culturel : Face lumineuse et-ou face sombre ?

Avec le Président Chadli (2) - qui succède au Président Boumédienne en décembre 1978 (pour 14 ans) jusqu’en 1992 - l’Algérie va peu à peu abandonner non seulement le peu de référence du socialisme autogestionnaire façon Yougoslave (çà c’était déjà fait) mais aussi le socialisme autoritaire pour embrasser le capitalisme dans sa néolibérale montante. Il ouvre l’Algérie aux marchés économiques internationaux. Mais il conserve la bureaucratie et l’armée pour la répression (cf Evènements de 1988). Dette, politiques anti-sociale, austérité, répression... Cela va se poursuivre après lui . C’est alors la religion qui devient la force d’appui des couches sociales pauvres et modestes de ce pays. Mais pas forcément - on le sait - sous la forme « théologie de la libération » comme en Amérique latine... La religion comme force sociale a, comme Janus, deux faces : une d’émancipation (plus rare), une d’aliénation (hélas plus courante).

L’idéologie religieuse islamique a pu donner plus tard - on le sait hélas - des dérives dictatoriales fortes avec le Front Islamique de Salut - FIS (3). Ce n’est donc pas sa composante progressiste - avec par exemple une école mixte quand la République française coloniale n’en avait pas (eh oui - et les jeunes filles n’étaient pas toutes voilées ) - qui s’est renforcée mais l’islam radical mondialisé des années post 90. Il a sévit contre les intellectuels et les journalistes, contre les athées et les homosexuels, contre les femmes qui luttent pour la liberté et l’égalité entre hommes et femmes.

C’est pourquoi la solidarité internationale de gauche a changé d’aspect ces années-là - accent mis plus sur le plan sociétal (la question des droits et libertés) que sur le plan social (inégalités des richesses) - dans les années 90 puisque dans une ville comme Rennes un collectif mixte à la « gauche de gauche » (4) a soutenu les forces progressistes en Algérie contre le FIS.

Par la suite, plus tard encore, la question de la laïcité n’a été que faiblement posée par les mouvements des jeunesses progressistes, ceux et celles qui veulent encore plus de liberté (droit de manifester, etc) et d’égalité et ce à la suite du mouvement populaire au sud dit « Printemps arabe » qui a émergé en janvier 2011 en Algérie mais pour déboucher in fine que sur des augmentations de salaires pour certaines professions (5). La question du droit des femmes est aussi posé face au maintien des forces réactionnaires et de l’intégrisme religieux musulman.

Ouverture progressiste

Il existe en Algérie, on le voit avec les mouvements sociaux (le mouvement altermondialiste y est très faible) , une volonté
 d’en finir avec le long règne d’Abdelaziz Boutéflika, un vieux membre du FLN qui a connu jadis ses heures de gloire avant de devenir un apparatchik (certes élu en 99 et réélu depuis plusieurs fois ensuite) de 80 ans en 2017 (qui n’arriverait plus à accomplir ses fonctions) et qui fut aussi - sa face sombre - un homme corrompu (à lire sa bio wikipedia) ;
 de repousser la bourgeoisie compradores, l’oligarchie, les affairistes corrompus et les financiers internationaux qui sapent le bien public et l’intérêt général au profit de leurs intérêts particuliers, de leur accumulation financière
 de construire : - un Etat de droit posant la laïcité, le respect des droits humains et l’égalité hommes-femmes, - un Etat démocratique et ce en lien avec un Etat social qui garde le meilleur des conquêtes sociales de la période révolutionnaire post-coloniale (cf film)

Lire aussi d’Hocine BELLOUFI : Comment contribuer, en Algérie, à une nouvelle vague de transformation réussie de l’ordre international - Europe Solidaire Sans Frontières
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article29948

Christian DELARUE

1) On se souvient d’Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie qui est décédé à 96 ans, en 2012, soit l’année du cinquantième anniversaire de l’indépendance de son pays. Mais il y a eu aussi le Président Chadli a mourir la même annèe 2012 (à 83 ans) mais quelques mois plus tard.

2) Extrait

Le bilan du régime Chadli a un passif si abominable qu’il n’est pas évaluable.

1- Abandon de la planification (comme instrument de mise en ordre et de prospective de notre économie) ;
2- déficit commercial ;
3- déficit budgétaire ;
4- fuite considérable de capitaux (notamment via les « PAP » Programmes Anti-Pénurie) ;
5- endettement – dont on se demande à ce jour où sont passées les sommes empruntées - à l’origine de la crise économique à la suite du contre-choc pétrolier après 1986 ;
6- chute de l’investissement public (inutile de parler d’investissement privé local ou étranger qu’on attend toujours) ;
7- perte de souveraineté au bénéfice d’organismes financiers internationaux ;
8- une économie informelle qui a atteint des proportions considérables (le « bazar » que condamnent, tout en l’entretenant, les clowns que nous avons à la tête du pays) ;
9- déboumédienisation forcenée qui a étêté les entreprises nationales et les administrations publiques ;
10- perte grave du sens de l’État et de l’intérêt public ;
11- dégradation de l’image du pays d’abord auprès de ses propres concitoyens et vis-à-vis de l’étranger.

http://www.hoggar.org/index.php?option=com_content&view=article&id=3384:lalgerie-de-chadli&catid=178:djeha&Itemid=36

3) Le FIS centre son idéologie sur le respect strict des valeurs de l’Islam. Selon lui, la législation doit se soumettre aux impératifs de la Chari’a dans tous les domaines. Le concept de démocratie est assimilé à l’athéisme, et la légalisation des partis « qui prônent la contradiction avec l’islam » est condamnée.

in Il y a 20 ans en Algérie, la montée en puissance du FIS - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/Il-y-a-20-ans-en-Algerie-la-montee

4) Contre le FIS et le GIA, ici, dans les années 1992 - 1997 .
http://amitie-entre-les-peuples.org/Contre-le-FIS-et-le-GIA-ici-dans-les-annees-1992-1997

5) « Quand les protestataires s’auto-limitent. Le cas des mobilisations étudiantes de 2011 en Algérie. » Layla BAAMARA

ou Algérie : Les manifestations contre la cherté de la vie s’étendent à plusieurs villes - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=ti65Jjakcn4mais quelques annèes plus tôt (en 2009) les revendications étaient plus globales mais nettement moins massivesReportage France24 - marche du 5 oct 2009 à Alger - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=VXy9sSOlN8U