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Pour une analyse de l’oppression religieuse ! IRESMO

vendredi 27 décembre 2013, par Amitié entre les peuples

Pour une analyse de l’oppression religieuse !
Actualité · 2012

ll me semble que l’un des points faibles des analyses féministes intersectionnelles de ces dernières années réside dans leur défaut de critique radicale des religions.

La religion comme principe d’espérance

Que les affaires du voile et de la burqa soient des instrumentalisations politiques à des fins ou aux effets racistes, voici, je crois une affirmation que l’on peut partager. De même, il ne m’appartient pas ici d’attribuer des certificats de féminisme aux unes et autres, et par exemple de savoir si les féministes islamiques[1] seraient moins ou autant féministes que les autres, qui se revendiquent de l’étiquette féministe.

Il me semble que la critique des religions ne se situe pas au niveau du féminisme, mais possède sa propre autonomie. Ce qui, comme pour le capitalisme ou le racisme, n’empêche pas de croiser ce problème avec les rapports sociaux de sexe. Ce qui signifie que l’oppression religieuse peut avoir des effets sur les rapports sociaux de sexe.

La notion de religion est une notion complexe et il faut distinguer plusieurs dimensions. Il faudra ainsi nous demander si, par delà la diversité des croyances dites religieuses et des contextes, il est possible de déterminer une oppression religieuse.

Tout d’abord, c’est un fait que les religions ont pu jouer un rôle dans les mouvements d’émancipation. On peut songer par exemple à la théologie de la libération. Il y a en effet, pour reprendre une expression d’Ernst Bloch, un principe d’espérance dans les religions, une foi qu’un autre monde est possible. Cette dimension est présente dans les religions, mais pas uniquement. On la retrouve de manière générale par exemple en politique dans l’utopie.

La religion comme liant social

Mais ce n’est pas la seule dimension de la notion de religion. Les religions ne sont pas un fait individuel, mais collectif. Selon une étymologie discutée, la religion est ce qui relie. Elle produit des communautés dans lesquelles les individus sont unis par des valeurs communes, des rites, des règles de vie... En cela, la religion est encore proche de l’idéologie politique. La communauté religieuse et la communauté politique partagent nombre de traits communs. De ce point de vue, elles sont peu dissociables. Le religieux peut ainsi prendre aisément la fonction du politique.

Néanmoins, si en tant que liant social, la religion ne se distingue pas du fait politique, en revanche, cela nous conduit à prendre nos distances avec deux types d’analyse de la religion.

La première est l’analyse libérale de la religion : la religion serait un fait de la conscience individuelle. La seconde analyse de la religion est la conception postmoderne : la religion est un bricolage individuel, c’est-à-dire que chacun se bricole sa propre religion.

Il me semble que ces deux conceptions ont le défaut tout d’abord de reposer sur une conception atomistique de la société et non sur une analyse holiste, voire matérialiste. La religion n’est plus un fait social, mais un fait individuel. Or ces analyses me semblent confondre des philosophies personnelles avec les religions.

Un symbole religieux n’a pas qu’une signification subjective qui serait celle qui lui donne son porteur ou sa porteuse. Il agit comme un marqueur social. Penser autrement, c’est sombrer dans un pur subjectivisme idéaliste dans lequel seules comptent les auto-catégorisations des acteurs et non plus la contrainte des catégories sociales qui s’imposent à eux qu’ils le veuillent ou non. Je peux porter une croix uniquement parce que c’est un souvenir de famille, il n’empêche que le reste de la société pensera que je suis chrétienne.

La religion comme transcendance

Ce n’est pas dans la dimension d’espérance ou communautaire des religions, à mon avis, que réside leur dimension oppressive. A vrai dire, toute vie sociale suppose des règles sociales collectives et donc constitue une communauté.

La dimension oppressive des religions se situe à un autre niveau. Toutes les formes de ce qu’il convient d’appeler religion ont non seulement la caractéristique de mettre en place des règles collectives, mais ces règles ne trouvent pas leurs sources dans le social ou dans la volonté politique du demos (du peuple ou des travailleurs selon les versions), mais dans un ordre extérieur sacré absolument transcendant - Dieu - ou une forme de transcendance dans l’immanence - s’il s’agit d’une cosmologie animiste.

Ainsi, les religions considèrent que certaines règles sont établies et ne doivent pas être remises en causes parce qu’elle proviennent de puissances spirituelles personnifiées qui leurs confèrent un caractère sacré.

Les religions sont donc des facteurs d’oppression parce qu’elles font croire aux êtres humains que les règles politiques ne sont pas instituées par les êtres humains ou plus généralement d’origines sociales. C’est la critique qu’effectue Castoriadis des religions : elles masquent à travers des symboles imaginaires le caractère institué de l’ordre politique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des significations imaginaires dans la démocratie, mais les êtres humains savent que celles-ci ne sont fondées en droit ni sur la nature, ni sur une transcendance religieuse. C’est ce qui distingue selon lui une société autonome, d’une société hétéronome.

Or c’est bien pour cela que le pouvoir politique tente de se fonder sur une origine religieuse pour justifier le pouvoir comme n’étant pas institué par un pouvoir humain, mais ayant une valeur supérieure.

La constitution de l’Etat moderne républicain ou libéral marque une évolution de ce point de vue puisqu’une fois remise en cause la théorie de la monarchie de droit divin, c’est le vote, donc le pouvoir démocratique, qui institue le représentant politique. Néanmoins, par une fiction, une fois qu’il est élu ou que la loi républicaine est votée, elle est présentée comme transcendante. Le pouvoir politique dans l’Etat moderne se maintient par la fiction d’une transcendance théologique.

Conclusion :

Les religions sont donc toujours oppressives dès lors que l’on entend par religion toute idéologie qui justifie le droit qui régit les communautés, non comme des institutions sociales, mais comme ayant une origine spirituelle sacrée.
En outre, elles ne sont pas qu’une idéologie, mais elles prennent souvent la forme d’un rapport social spécifique. En effet, certains hommes se présentent comme les représentants de ces entités spirituelles sacrés et sont chargés de faire respecter leurs règles en les justifiant idéologiquement, voire par la contrainte physique. Il s’agit donc bien d’un rapport social de domination. Ce rapport a en outre un socle matériel puisque ces religieux contrôlent des fonds économiques qu’ils tirent de leurs fidèles.

[1] S’il y a des féministes chrétiens (ce que personne ne semble contester : voir par exemple le Portail des chrétiennes féministes :https://sites.google.com/site/chretiennesfeministes/), il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de féminismes islamistes (Ali Zahara,Féminismes islamiques, Paris, La Fabrique, 2012).

http://iresmo.jimdo.com/2012/12/02/pour-une-analyse-de-l-oppression-religieuse/