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« La séduction est païenne, l’amour est chrétien ». C Delarue

lundi 28 décembre 2009, par Amitié entre les peuples

« La séduction est païenne, l’amour est chrétien »

La formule est de Jean Baudriard dans « Les stratégies fatales » (Figures Grasset 1983 - p145)

Adresse amicale d’un païen à Camille Loty MALEBRANCHE

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« La dialectique n’est rien d’autre que la saisie de la relation, alors que la culture occidentale a, le plus souvent, pensé en terme d’être et d’essence, et en termes dualistes, c’est à dire opposant ce qui n’a de sens qu’uni intimement par une complémentarité : divin et humain, mais aussi âme et corps, esprit et matière, être et non être »(1) . Ainsi la rencontre amoureuse réunit réciproquement l’humain et le divin . C’est elle qui va prendre figure de grâce, d’élévation et de transcendance . Voilà ce qui est de l’ordre du divin pour le matérialiste, pour le païen. Or dans la pensée occidentale l’amour est opposée à la passion. Et le « tomber amoureux » ne prends sa pleine valeur que s’il n’est plus un chute.

On sait ce qu’est l’amour . Il y a overdose d’explications et d’auteurs même hors des théologies . Mais on sait assez peu ce qu’est la séduction, si ce n’est un jeu dévalorisé au regard de la haute valeur de l’amour. Il faut dire que la séduction n’est pas étudiée, elle est agissante. Elle est aussi instrumentalisée par les médias.

Mais quid de la séduction entre les être humains, homosexuel ou hétérosexuel ? Les païens savent que la séduction est un piment nécessaire de la vie. Le piment se délivre en traces plus ou moins importantes dans les bons plats ; il ne remplace pas l’aliment principal. Lequel pourrait d’ailleurs être l’amour, mais l’amour charnel dégagé du fatras des divers diktats de l’austérité pudibonde des religions (2).

Quelle rencontre charnelle ? Quelques balises.

Ce gout assumé pour la rencontre charnelle et ses plaisirs du corps ne constitue pas pour autant :

* une acceptation de la vision pornographique du monde car si les pratiques et les fantasmes peuvent être communs et transverses entre le porno et le réel , autrement dit se recouper partiellement, il y a une différence de nature entre l’un et l’autre. Le réel de la rencontre fait intervenir le souci de l’autre. Plus ou moins sans doute. Ici on se souvient alors qu’aimer c’est« faire attention à » dans une relation de consentements réciproques. C’est tout le thème dit de la « carte du tendre » qu’il faudrait ici développer.

* ni une acceptation des dérives pédophiles (la libération post 68). L’érotisme ne saurait être une forme d’émancipation humaine si elle accepte de telles dérives.

* ni de l’hypersexualisation caractérisée par des modifications « structurelles » du corps, c’est à dire permanentes, via la chirurgie . Sont démocratisés les usages des divers artifices de séduction selon la situation et sur le mode du : « Quand je veux, comme je veux ».

* ni de la prostitution lorsque la rencontre ne se fait pas. Car le propre de l’ordre civilisé en la matière est que la rencontre soit aléatoire et fondée sur le consentement et la séduction et pas sur l’achat du corps.

Séduction, comme élément de la rencontre.

Il y a certes la « séduction de l’esprit », celui des échanges de fond avec les jeux de l’humour . Cela conduit plus à l’admiration. Mais le corps a son mot à dire. Nous sommes aussi des êtres charnels. L’admiration et la séduction ne sont pas nécessairement contradictoires.

La séduction dans l’ordre des rapports sexués est aussi un art du montrer-cacher ou les religions poussent au cacher contre le montrer à l’inverse de la pornographie qui cache peu et montre tout. Puisqu’il faut cacher, la séduction use nécessairement des artifices conventionnels de l’époque. Il y a toute une gamme entre le string et la burka.

Parlons de ces séductions intermédiaires évolutives chez une même personne. Le voile islamique voudrait cacher le cou, les colliers, les boucles d’oreille et surtout les décoltés. Il voudrait interdire le féminin et le mode de séduction y afférent . Il pourrait ici faire cause commune avec un certain féminisme celui qui stigmatise ce féminin. C’est me semble-t-il mal comprendre le féminisme, qui ne prend pas pour objet le féminin - terme ignoré de son vocabulaire - mais les rapports de domination et d’oppression sexiste. Le féminisme porte le regard dans le travail et hors du travail sur les dominations et violences reconduites à l’encontre des femmes. Le rouge à lèvre n’est pas son objet social . D’ailleurs le féminisme authentique (tel que les féministes ont pu me l’apprendre) porte son regard non pas sur les femmes réelles mais sur les représentation médiatiques et sur le regard des hommes.

Hors des artifices vestimentaires, le modelage du corps lui-même entre en jeu puisque l’obésité et le rachitisme sont deux modes contraires quasi naturels de cacher les formes du corps. La femme reste femme et l’homme homme mais les corps ont disparu comme forme proprement humaine. Avez vous déjà vu les photos féministes montrant des femmes hyper-obèses ? On ne les reconnait plus comme femme mais elle sont des humains à qui l’on doit le respect, le respect afférent à la dignité humaine .

Il en va de même pour les femmes sous burka : on sait qu’il s’agit de femmes mais rien d’apparent ne l’indique. Le système religieux patriarcal nous le dit. Même remarque : la critique va au voile intégral et à la logique sectaire qui l’impose mais le respect est du à la personne.

Entre Oreslan qui éructe une violence machiste incroyable et tous les intégrismes religieux il y a une alliance mortifère de non respect qui pousse les femmes au séparatisme et au repli familial. Si l’on veut bien intégrer le fait massif qu’ avec la crise économique actuelle ce sont les femmes qui subissent le chômage, la précarité et les bas-salaires dans quasiment tous les pays de la planète alors on comprend qu’il y a là une injustice première qui grandie. Ajoutons que ce retour au foyer non seulement diminue leur autonomie mais qu’en plus il justifie un non partage des tâches domestiques. Ajoutons encore le viol et le tabassage des femmes et l’on mesure alors toute la charge d’oppression d’un sexe sur l’autre. Nous avons donc une montée de l’inégalité de genre - proprement sexiste - qui est transversale non seulement aux différentes couches sociales mais aussi aux différents pays.

Les hommes qui ont connu dans l’égalité et la réciprocité de belles relations avec des femmes économiquement autonomes et libres dans les rapports de genre sont à même de comprendre qu’une profonde régression est en cours. Il est vrai que certains préfèrent les femmes dépendantes et soumises afin d’en disposer comme une propriété. Les intégristes religieux iront critiquer les païens pour leur gout superficiel des artifices en les assimilant par exagération manifeste au plébiscite du top-modèle ou pire encore des prostituées (le terme étant exprimé sur le mode vulgaire et bien méprisant : « putain »). Les mêmes se retourneront néanmoins pour regarder avec insistance et lubricité une femme occidentale en jupe et en hypocrite avéré demanderont dans le même élan qu’elle se couvre sous peine de mort (le geste du couteau tranchant la gorge) au lieu d’apprendre à gérer leurs pulsions. Difficile d’avoir de l’estime pour ces hypocrites, qui peuvent à la fois voiler leurs épouses et se faire clients de prostituées.

Pour changer le monde la compagnie de musulmans libérés de ces carcans est nécessaire. Ils existent mais ce n’est pas eux qui s’expriment sur les médias transnationaux. Dans la vraie vie, les choses bougent aussi. La mondialisation marchande a des effets paradoxaux. Ceux soulignés par Jean Baudrillard dans « Les stratégies fatales ». Mais la portée libératrice ne dure qu’un temps ! En seconde phase il faut enclencher une libération totale.

Christian Delarue

1) Appel aux vivants de Roger Garaudy qui n’est pas un théologien de la libération mais qui a voulu un « dialogue des civilisations ». Son mélange de Marx et du divin relève d’un « monstre épistémologique » beaucoup moins attrayant que celui de Jean-Marie Brohm et du freudo-marxisme. Opinion toute personnelle.

2) Le retour de la pudibonderie est le produit d’une situation complexe qui met en jeu plusieurs facteurs dont
1 - la chute relative du féminisme
2 - l’épuisement du souffle de libération sexuelle des années 68 (qui avait aussi son ambivalence sexiste, c’est certain)
3 - la montée de la pudibonderie WASP, de la pruderie venues de l’Amérique du nord
4 - la montée de la respectabilité corporelle de l’islam et des musulmans depuis 20 ans environ.
5 - la sur-érotisation du corps notamment féminin par les médias.
6 - la perception que l’on a de son corps propre

Addendum :

A propos de Jean Baudrillard.

Sortir des distractions fatales et des libérations extatiques.

Ce J Baudrillard là, celui des « Stratégies fatales » (1983) ne saurait être ni altermondialiste ni écosocialiste.

Extrait : « Quand je parle de l’objet et de ses stratégies fatales, je parle des hommes et de leur stratégie inhumaines. Par exemple, l’être humain peut chercher dans les vacances un ennui plus profond que celui de tous les jours - un ennui redoublé, parce que fait de tous les éléments du bonheur et de la distraction. Le point important, c’est la prédestination des vacances à l’ennui, le pressentiment amer et triomphal de ne pas y échapper. Comment penser que les gens vont désavouer leur vie quotidienne en lui cherchant une alternative ? Ils vont au contraire en faire un destin : la redoubler dans les apparences du contraire, s’y enfoncer jusqu’à l’extase, en sceller la monotonie par une monotonie plus grande. La surbanalité est l’équivalent de la fatalité. Si on ne comprends pas cela, on ne comprend rien à cet abrutissement collectif, alors qu’il est un acte grandiose de dépassement. Je ne plaisante pas : les gens ne cherchent pas à s’amuser, ils cherchent une distraction fatale. Peu importe l’ennui, l’essentiel, c’est le surcroît d’ennui, le surcroît, c’est le salut, c’est l’extase. Ça peut être l’approfondissement extatique de n’importe quoi. Ca peut être le surcroît d’oppression ou d’abjection qui joue comme extase libératrice de la marchandise. Il n’y a que cette solution là au problème de la »servitude volontaire« , et il n’y a d’ailleurs de libération que celle-là : dans l’approfondissement des conditions négatives. Toutes les formes qui tendent à faire resplendir une liberté miraculeuse ne sont qu’homélies révolutionnaires. La logique libératrice n’est qu’au fond entendue que de quelques-uns, pour l’essentiel c’est la logique fatale qui l’emporte » (p 263 et 264).

Liberté miraculeuse ? Homélies révolutionnaires ? Quel pessimisme fatal ! Le monde risque de basculer dans la misère. Rappelez moi qui a dit grosso modo « quand le nord s’appauvrit le sud meurt ». Il faut sortir des logiques fatales celles de la valeur d’échange pour choisir celles de la valeur d’usage.

Reste à comprendre ce qui sert de base à un projet minimaliste. Retournons au tout début de l’ouvrage qui explicite le projet de l’auteur.

Extrait : « L’univers n’est pas dialectique - il est voué aux extrêmes, non à l’équilibre. Voué à l’antagonisme radical, non à la réconciliation ni à la synthèse. Tel est le principe du Mal, et il s’exprime dans le malin génie de l’objet, il s’exprime dans la forme extatique de l’objet pur, dans sa stratégie victorieuse de celle du sujet. Nous obtiendrons des formes subtiles de radicalisation des qualités secrètes, et combattrons l’obscénité avec ses propres armes. Au plus vrai que le vrai nous opposerons le plus faux que le faux. Nous n’opposerons pas le beau et le laid, nous chercherons le plus laid que le laid : le monstrueux. Nous n’opposerons pas le visible au caché, nous chercherons le plus caché que le caché : le secret. Nous ne chercherons pas le changement et n’opposerons pas le fixe et le mobile, nous chercherons le plus mobile que le mobile : la métamorphose... Nous ne distinguerons pas le vrai du faux, nous chercherons le plus faux que le faux : l’illusion et l’apparence... Dans cette montée aux extrêmes, peut-être faut-il cumuler les effets de l’obscénité et ceux de la séduction. Nous chercherons quelque chose de plus rapide que la communication : le défi, le duel. .../... Mais aussi, contre l’accélération des réseaux et des circuits, nous chercherons la lenteur - pas la lenteur nostalgique de l’esprit, mais l’immobilité insoluble, le plus lent que le lent : l’inertie et le silence. L’inertie insoluble par l’effort, le silence insoluble par le dialogue. Il y a un secret là-aussi ».

Programme minimaliste qui n’empêche nullement la montée possible en temps de crise du « monstrueux »