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Classisme, domination de classe et Lucien SEVE . Christian Delarue

vendredi 12 janvier 2024, par Amitié entre les peuples

Classisme, domination de classe et Lucien SEVE .

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Le classisme s’universalise . (Christian Delarue)

Le classisme non réduit à de la pauvrophobie, ni à du mépris de classe, ni à de la discrimination de classe mais à une vaste domination de classe, elle même non réduite à l’exploitation de la force de travail dans les entreprises s’universalise avec ce qu’on a appelé la « thatchérisation du monde » (versus syndicat) ou le néolibéralisme (versus économie critique).

Les sociétés contemporaines ne sont pas seulement des sociétés d’individus isolés dans une masse sans appartenance car il existe, outre les nations qui produisent de l’ identité composite et des communautés non homogènes, des sociétés à clivage de classes et donc du classisme. Le classisme est ici de la domination de classe, soit du fait du système capitaliste dominant sur la planète soit du fait, dans quelques nations, d’une bureaucratie de parti unique dans les sociétés de contre-révolution stalinienne tant en URSS post 1924 (mort de Lénine) qu’en Chine ou en Corée du nord .

Evoquant des sociétés de classes, c’est surtout des classes sociales dominantes qu’il importe de parler car les termes de « lutte de classe » montrent ordinairement des résistances des classes sociales dominées, des ouvriers et employés d’en-bas, de tout secteur, avec parfois des cadres comme lors des manifestations contre la retraite Macron des 5 premiers mois de 2023.

Les sociétés de classes sociales ne sont pas seulement stratifiée en couches sociales hiérarchisées selon divers critères (revenus, patrimoine, etc ) mais clivées entre la ou les classe(s) possédante(s) – donc dominantes – et classes travailleuses non possédantes – donc dominées. La bourgeoisie n’est telle que sa domination classiste multiforme contre les prolétaires qui vendent leur force de travail et au-delà d’eux contre le peuple-classe, les 99% sous le 1%.

I - Citons maintenant Lucien SEVE et son texte « La classe dominante : éléments de définition » dans Cause commune - La revue
( https://www.causecommune-larevue.fr/la_classe_dominante_elements_de_definition )

Comme l’écrit Lucien SEVE, « aujourd’hui, plus encore qu’hier, la domination de classe tend à s’exercer dans tous les domaines de la vie sociale. Elle est en premier domination économique : la classe qui possède comme bien privé les moyens de production sociale pouvant imposer ses conditions à celle qui produit sans posséder – c’est ce qu’on vit journellement avec les licenciements boursiers, le management toyotiste, l’ubérisation sauvage. Elle se redouble en domination politique, c’est-à-dire en influence dirigeante dans l’État et ses stratégies, plus largement dans tous les moyens de pouvoir, de la justice à l’école – ce qu’on vit par exemple avec le dépeçage du code du travail selon les exigences du MEDEF et l’élection d’un président de la République formé par la grande banque. Et elle se complète d’une domination idéologique, qui va de la possession des grands moyens d’information et d’expression des idées à l’imposition de ses façons de penser comme norme sociale – un exemple criant en est l’officialisation de la formule « le coût du travail », qui substitue le langage de la comptabilité d’entreprise à la vérité des faits : le travail étant au contraire l’unique source sociale de la richesse, et spécialement celle des capitalistes ».

 Classe dominante en soi et pour soi, pas les classes sociales dominées.

De Lucien SEVE toujours (même texte) : « L’existence même d’une classe dominante comme la bourgeoisie capitaliste n’est possible que parce qu’existe en face une classe sans propriété sur les moyens de production, exploitée, dominée – la classe ouvrière –, mais les hommes et les femmes qui la composent n’en sont pas spontanément des membres conscients – c’est seulement une classe en soi, comme le prolétariat l’était aux débuts du XIXe siècle en Europe, et l’est encore dans maints pays peu développés. Prendre conscience de cette situation commune d’exploité, comprendre qu’elle n’est pas un immuable fait de nature mais un stade de l’histoire, s’organiser pour se battre et y mettre fin, élève la classe en soi en classe pour soi, acteur conscient du devenir humain. Cette longue métamorphose a été l’œuvre du mouvement ouvrier depuis deux siècles, à quoi a énormément contribué Marx en tirant au clair dans Le Capital (1867) le processus de l’exploitation capitaliste et en montrant qu’il est possible et nécessaire de sortir du capitalisme pour édifier une société sans classes, communiste ».

 Penser le peuple-classe comme ensemble des classes sociales dominées sous le 1%.

Un désaccord léger apparait avec Lucien SEVE qui vise un certain « populisme de gauche », mais pas un « populisme marxiste des 99% » qui n’ignore pas la ou les classe(s) dominante(s). Il écrit : "une pensée dite « post marxiste » conclut qu’à l’analyse en termes de classes devrait se substituer une pensée du peuple où la visée communiste, supposée disqualifiée par l’histoire, serait à remplacer par un socialisme lui-même post-révolutionnaire, « populiste de gauche » (par exemple : Chantal Mouffe et Iñigo Errejón, Construire un peuple, éd. du Cerf, 2017 ; Jean-Luc Mélenchon, L’ère du peuple, Pluriel, 2016).

Sont ici sous-estimées deux choses dit L Sève : « que les dominants, eux, sont plus que jamais une agressive classe pour soi (Cf. cette déclaration du milliardaire états-unien Warren Buffett en 2005 : « Oui, il y a une guerre des classes, et c’est ma classe qui est en train de la gagner »), et que si, en face, l’état des choses est complexe, l’exploitation capitaliste y est plus que jamais féroce, de sorte qu’en sortir pour de bon est une nécessité urgente. L’analyse en termes de classes n’est donc pas à minorer mais au contraire à étendre. Car la malfaisance du capitalisme ne se résume plus à l’exploitation du travail – qui demeure –, elle concerne sous maints rapports le peuple entier, menace l’existence même d’une planète habitable et d’une humanité civilisée. »

Cependant, n’allons pas trop vite car avant de menacer un « peuple entier » c’est surtout chaque peuple-classe de chaque nation qui subit le classisme. Et même « l’humanité-classe des 99% ».

Là il convient de se souvenir de Lénine, celui des « classes dominantes qui n’en veulent plus ... », Lénine décédé il y a 100 ans en janvier 1924.

II - Passage par LENINE

Un méta-discours est ici obligé : Il ne s’agit pas ici en citant Lénine de soutenir un marxisme de « parti unique de la classe », ni de s’opposer à une « démocratie conseilliste » au profit d’ un Politburo tout puissant. On sait que Staline suivra avec une « obsession totalitaire » la pente autoritaire - provisoire et due aux circonstances selon nous - d’un Lenine .

Citons Lénine :
« Pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. »
in « La maladie infantile du communisme »

Une précision importante ici porte sur le « milieu » : « Une situation prérévolutionnaire éclate lorsque ceux d’en haut ne peuvent plus, ceux d’en bas ne veulent plus, et ceux du milieu basculent avec ceux d’en bas. »
Très sérieusement, à écouter Lénine dans ce propos ci-dessus on trouve donc des situations politiques ou le « milieu » - quelqu’en soit le format - peut donc cesser d’être en quelque sorte le « relai de la classe dominante » et basculer du côté de ceux et celles d’en-bas pour l’émancipation sociale, pour former un peuple-classe dressé contre la bourgeoisie, d’ici et d’ailleurs, pour mettre à-bas sa domination de classe et imposer une autre démocratie que celle actuelle en dérive césariste, un nouveau socialisme de type éco-socialiste.

Reste la question du processus révolutionnaire : Il ne s’agit pas d’ériger la révolution d’octobre 17 en modèle partout. « Déjà Trotsky soulignait la différence entre la révolution russe, marquée par une crise d’effondrement de l’État, et l’Allemagne. Pour ce dernier pays, à cause des traditions du mouvement ouvrier et de l’État, il envisageait un processus de crise prolongée — notamment à travers le développement d’expériences de contrôle ouvrier — et non l’émergence rapide d’un double pouvoir. » (Antoine Artous in Démocratie et émancipation sociale)

 Conclusion laissée à Lucien SEVE :

« D’où les apparences mystificatrices (des populistes comme Mélenchon) selon lesquelles suffiraient désormais les luttes électorales. Rien ne fera l’économie d’une stratégie de conquête du pouvoir par les forces populaires pour construire une société sans classes, c’est-à-dire une révolution. Mais beaucoup a changé dans ce qu’il y a lieu d’entendre et de faire sous ce nom. »

Christian Delarue

Lucien SEVE
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