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Altermarxisme : vers un écosocialisme

lundi 20 mai 2024, par Amitié entre les peuples

Altermarxisme : vers un écosocialisme

D’où je parle : Ce n’est là, ni un texte de parti politique ni un texte de spécialiste mais un article d’un militant associatif parfois obligé de lire et intervenir depuis son « champs » - le syndicalisme de classe - et sur un « sujet » : l’évolution du marxisme .

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Depuis la sortie en 2007 du livre Altermarxisme - Un autre marxisme pour un autre monde de Jacques Bidet et Gérard Duménil (PUF 2007) une perspective alternative se pense de plus en plus : l’écosocialisme. Altermarxisme commençait par citer Wittgentstein : « ce dont on ne peut rien dire, mieux vaut le taire ». Et de ce fait, on s’en tenait à la formule « un autre monde est nécessaire et possible », voir pour les plus timides « un monde juste un peu meilleur que celui-ci » est possible. Ce qui n’offrait guère de perspective(s) forte(s). L’horizon restait bouché.

Si l’on évoque au plan syndical - cf livre de Sophie Binet SG de CGT plus son passage récent (mai 24) sur A l’Air libre de Médiapart (1) - le CNR de l’après-guerre ce n’est pas pour reprendre tel quel l’honorable triptyque « service public, sécurité sociale, nationalisation » (et d’autres points). Il y a un autre contexte qui oblige à fournir un autre contenu.

La crise sociale et la crise écologique sont au coeur de la dynamique transnationale du capital. L’écologie était peu prise en compte en 1945. Mais aujourd’hui, il n’est plus possible d’oublier cet aspect. Les deux crises vont ensemble. Le syndicalisme comme l’altermondialisme sont donc de plus en plus contraints d’offrir une réponse d’ensemble et coordonnée aux deux crises qui n’en font qu’une.

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S’y ajoute une crise démocratique car la tendance est régressive là aussi . Un texte d’ATTAC évoquait avec Macron le passage à une « démocratie césariste » (2). En Europe les autoritarismes sont grandissants. l’Union européenne montre une gouvernance de type oligarchique qui sert plus les classes dominantes que les peuples. Il s’agit, pour nous, de démocratiser toutes les institutions.

Le contenu du programme ou d’un projet ou d’une orientation doit aussi aider à montrer une possible et nécessaire sortie du capitalisme à production trop hautement carbonée. Le capitalisme comme mode de production et sous divers autres aspects, relève surtout en effet d’une production de valeur d’échange haut carbone. Une telle sortie se comprend - c’est à approfondir - dans le sens d’ aller vers un socialisme à production de valeur d’usage bas carbone. C’est en pointillé la perspective d’ un écosocialisme.

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L’alternative de l’écosocialisme est aussi multidimensionnelle (dite « arc-en-ciel » en reprenant Aurélie Trouvé) car il combine plusieurs libérations plus que les trois que je cite souvent à savoir « anti-classiste, antisexiste, antiraciste » ce triple « contre » se combinant à un triple « pour » soit avec « du social, de l’écologie et du démocratique » et ce à un niveau élevé qui percute tout autant la domination de classe bi-polaire du 1% complètement addicte aux dividendes qu’une potentielle domination bureaucratique de parti façon Russie ou Chine : référence ici à une domination mixte de type « caste-classe ».

Altermarxisme posait le capitalisme comme exploitation, aliénation et domination (page 55) . Domination s’entend au pluriel du fait du capitalo-patriarcat. Il n’y a pas que le classisme comme mal qui recouvre les trois dominations citées (exploitation, aliénation et domination ) étroitement liées à une domination de classe , classe dominante à deux pôles (page 146 sur les deux pôles), il y a aussi les formes de racisme, de colonialisme, de sexisme, d’homophobie, de patriarcat.

S’agissant des dominés du classisme la notion de peuple-classe a été avancée à l’issue du fameux « nous sommes les 99% » (et même avant) . Ce large spectre des classes populaires va des subalternes et autres « sous-smic » jusqu’aux cadres intermédiaires hors du 1% et juste sous le 1% (qui selon moi sont en position ambivalente dans le système ). Le peuple-classe entendu comme classes populaires au sens large, les 99%, peut constituer le champs ou le cercle d’une politique d’alliance des diverses classes sociales dominées. On peut d’ailleurs estimer, au plan pratique, que les syndicats ont, en 2023 (le premier semestre) porté une politique d’alliance de classes sociales d’en-bas (au sens large) contre la retraite Macron. Les mobilisations furent très large, allant au-delà des salariés du privé et du public, des chômeurs aux travailleurs-ses indépendant-es.

Au plan international et même mondial, une géopolitique altermarxiste des peuples 99% s’oppose à la géopolitique impérialiste des classes dominantes. Au niveau mondial, j’ai pu dire jadis qu’une petite caste oligarchique dominait une vaste humanité-classe. Je ne le dis plus car ce positionnement ignorait les Etats et il est donc, malgré tous les éléments alors fournis, trop erroné pour continuer d’être proposé valablement. Je le dis ici non par masochisme mais car d’autres répètent parfois cette vision amputée du monde.

Sans doute, dans l’analyse concrète, l’impérialisme de l’Ouest (USA et OTAN) n’est pas identique à celui de l’Est, la Russie de Poutine et sa « Grande Russie » ne ressemble pas à la Chine qui veille à son emprise dans sa zone d’influence. Mais les USA font de même sur l’Amérique centrale et du sud. La France, second couteau, du viel impérialisme reste active en Afrique et coloniale à Mayotte, en Kanaky et à Papeete . La Kanaky subit un colonialisme spécifique dit de peuplement. Ce territoire colonisé est donc très inégalitaire, tout à la fois classiste et raciste.

Au plan écologique, à l’anthropocène qui vise les individus sans distinguer selon leur place dans les rapports sociaux ni leur niveau de richesse (1% dépensent beaucoup) s’ajoute un entreprisocène depuis la montée en puissance, au milieu du XIX siècle des grandes entreprises nationales puis des firmes multinationales (FMN) ou si vous préférez des sociétés transnationales (STN). Cet entreprisocène (3) est en lien avec le développement du capitalisme productiviste. On parle alors aussi de capitalocène. Mais entreprisocène cible les entreprises comme machine à produire des biens hors considérations sociales et écologiques.

Seules les coopératives peuvent faire exception et s’extraire de l’entreprisocène mais c’est un enjeu qui fait donc l’objet d’une lutte. Adrien Couret de Tous sociétaires ! (Autrement 2022) réussira son pari mutualiste plus aisément dans un capitalisme très nettement bridé que dans la situation actuelle d’un monde ou l’on valorise le concurrentialisme. La mutualité s’est à ce jour plus laissée phagocyter par la logique capitaliste - qui n’est pas la sienne certes - qu’elle n’a exporté un modèle solidaire dans un monde de brutes sans foi ni loi ou l’homme est un loup pour l’homme.

Christian Delarue

1) Il est minuit moins le quart
https://www.youtube.com/watch?v=bQGEDKDK3oc

2) Référence à la démocratie césariste in
https://france.attac.org/nos-idees/etendre-et-approfondir-la-democratie/article/pour-une-autre-democratie-une-autre-constitution

3) Le livre « VORTEX Faire face à l’Anthropocène » de L Testot et N Wallenhorst (ed Payot 2023) évoque plusieurs termes complétant le terme générique anthropocène (ensemble des activités humaines responsable sans hiérarchie : le riche à l’égale du pauvre) : le capitalocène (capitalisme), l’éconocène (le poids de l’économie,, l’entreprisocène, industrialocène (entreprises de l’industrie) et d’autres (occidentalocène comme sphère géographique), etc etc (415 pages). J’ai choisi - et je suis cité dans ce livre -, sans être le seul a en user, le terme « entreprisocène ». Nous pourrions dire aussi « capitalo-entreprisocène » comme dynamique mixte forte inclue dans l’Anthropocène global.