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Pourquoi s’opposer au prochain sommet de l’OTAN - N. Andersson

vendredi 6 mars 2009, par Amitié entre les peuples

Pourquoi s’opposer au prochain sommet de l’OTAN à Strasbourg ?

NB : L’exposé à Rennes le 3 mars 2009 était accompagné d’un diaporama ici absent.

Nous sommes dans un monde globalisé, concurrentiel, antagonique, traversé par des crises profondes : financière, sociale et humaine, écologique, énergétique, alimentaire, de l’eau, migratoire, qui se conjuguent est dans ce monde en crise la guerre reste le moyen classique (clausewitzien) de résoudre les contradictions politiques, économiques, sociales, de territoire et civilisationnelles.

Un monde dans lequel des Directoires confortent l’hégémonie des grandes puissances. Ces Directoires sont dans le domaine politique, le Conseil de sécurité, le G8 ou le G20, dans les domaines économiques et financiers, la Banque Mondiale, le FMI ou l’OMC, dans le domaine militaire, l’OTAN.

L’intention est de montrer les logiques de la politique de défense et sécuritaire dans lesquelles le monde, le continent européen et la France sont engagés avec au niveau global, le système de défense des États-Unis, au niveau euro-atlantique, l’OTAN et enfin au niveau, national ce que signifie pour la France son retour dans le système de commandement intégré de l’OTAN.

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Abordons en premier lieu le niveau global. Les Etats-Unis s’ils se trouvent dans une situation de crise économique et financière profonde, restent, et de loin, la plus forte puissance militaire au monde. Puissance militaire qui a comme fondement la doctrine Brzezinski, ancien Conseiller à la sécurité nationale du Président Carter, un proche d’Obama. En quoi consiste cette doctrine, formulée par Brzezinski dans son livre « Le Grand échiquier » ? : « L’Eurasie constitue l’axe du monde. Une puissance qui dominerait l’Eurasie exercerait une influence prééminente sur deux des trois régions les plus productives du monde, l’Europe occidentale et l’Asie orientale. Un coup d’œil sur une planisphère suggère que tout pays dominant en Eurasie contrôlerait presque automatiquement le Moyen-Orient et l’Afrique… L’évolution des équilibres de puissance sur l’immense espace eurasiatique sera d’un impact déterminant sur la suprématie globale de l’Amérique. » Doctrine qui souligne l’importance stratégique du continent européen.

Jetons un regard sur le dispositif militaire mis en place pour servir cette politique. Au tournant du XXIe siècle, le Pentagone a achevé, au sein du Commandement Interarmées de Combat (Unified Combattant Command ; COCOM) la division de la planète en six « aires de responsabilité » militaires attribuées à des grands commandements. Rien n’éclaire mieux la vision hégémonique de l’hyper puissance que l’énumération de ces six « aires de responsabilité », qui couvrent l’ensemble de la planète. (PowerPoint 1)

Le premier, le Commandement Nord (NORTHCOM), couvre le continent nord-américain, les États-Unis, le Canada, le Mexique, l’Alaska et une zone jusqu’à 500 miles marins des côtes du continent.

Le deuxième, le Commandement Sud (SOUTHCOM), permanence de la doctrine Monroe, couvre l’Amérique centrale, les Caraïbes, et l’ensemble du continent sud-américain. Il contrôle le Golfe du Mexique, les eaux territoriales du continent et une partie de l’Océan Atlantique.

Le troisième le Commandement Europe (EUCOM ) dont l’aire de responsabilité ne se limite pas à l’Europe communautaire mais inclut les Balkans, l’Ukraine, la Biélorussie, le Caucase et la Russie jusqu’à Vladivostok, nous intéresse plus particulièrement. L’EUCOM a une particularité par rapport aux autres « aires de commandement » en raison de ses liens particuliers avec l’OTAN qu’il intègre de fait dans le système des six aires de commandement.

Intégration hiérarchique, si l’on sait que le commandant des forces interarmes des États-Unis en Europe (EUCOM) est également le Commandant suprême des forces de l’OTAN et que le commandant des forces interarmes des États-Unis est le Commandant suprême pour la logistique de l’OTAN. Ainsi les deux commandants suprêmes de l’OTAN, tous deux étatsuniens, sont dans le même temps commandant des forces états-uniennes aux États-Unis et en Europe. (PowerPoint 2)

Le quatrième, est le Commandement Centre (CENTCOM ) qui couvre l’Égypte, la Péninsule arabique, la Syrie, le Liban, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et jusqu’au Pakistan, auxquels il faut ajouter les ex Républiques d’Asie centrale : Turkménistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Kirghizistan et Kazakhstan. C’est le CENTCOM qui conduit les opérations en Irak et, en partenariat avec l’OTAN, en Afghanistan.

Cinquième commandement, le Commandement Pacifique (PACOM ). Le PACOM englobe l’Inde et sa périphérie, la Péninsule indochinoise, l’Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Chine, Taïwan, la Mongolie, les deux Corées, le Japon, l’Océanie, les îles du Pacifique. Sa zone maritime s’étend de la côte Ouest du continent américain à la côte est de l’Afrique et de l’Arctique à l’Antarctique. Le PACOM peut être considéré comme l’aire cruciale de l’ensemble du dispositif en raison de l’espace géographique qu’il couvre, que 60% de la population mondiale vit dans cette zone et que s’y côtoient les six armées les plus nombreuses en effectifs dans le monde, celles des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie, de l’Inde, de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Une zone qui représente l’épicentre des enjeux et confrontations du XXIe siècle.

Une sixième zone de commandement, l’AFRICOM, nouvellement créé et opérationnel depuis cette année, couvre le continent africain, sauf l’Égypte. La création de cette zone est un signe que l’Afrique est devenue un enjeu stratégique propre, notamment en raison de deux nouvelles donnes, l’influence grandissante de l’Islam radical, notamment salafiste, et la pénétration chinoise dans le continent africain. Cette sixième zone dont le siège provisoire est en Allemagne, sera installée, après le refus de plusieurs pays africains, dont l’Algérie, au Maroc mais ses bases militaires, essentiellement aériennes sont implantées en Italie.

Ces six aires de responsabilité géographique représentent un système global, qui recouvre le monde entier et coordonne toutes les activités militaires et sécuritaires des Etats-Unis. Ainsi, selon le rapport du Département de la défense des Etats-Unis pour l’année 2007, le Pentagone dispose de 823 bases dans le monde, auxquelles il faut ajouter des bases secrètes, les bases de l’OTAN et la puissance de frappe des IIe Flotte (Océan Atlantique), IIIe Flotte (Est et Centre du Pacifique), Ve Flotte (Océan Indien), VIe flotte (Méditerranée) et VIIe flotte (Asie-Pacifique).

Ceci montre qu’il n’est aujourd’hui aucun domaine où les États-Unis disposent d’une suprématie plus grande que dans celui militaire, mais aussi que l’OTAN est une pièce essentielle de ce dispositif et que les pays européens membres de l’OTAN ne peuvent prétendre et d’ailleurs pour la plupart d’entre eux ne prétendent pas à une pleine autonomie de défense qu’elle soit européenne ou nationale. Le choix de l’OTAN relève pour les dirigeants européens d’une option idéologique atlantiste.

Il ne s’agit pas là « d’un antiaméricanisme primaire », toute grande puissance potentielle à des visées hégémoniques régionales ou mondiales qui représentent une menace pour les autres peuples, il en fut ainsi avec les empires coloniaux anglais et français, il en est ainsi avec la super puissance étatsunienne et la montée de nouvelles puissances ne représente pas de risques moindres.

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Abordons maintenant plus précisément la question de l’OTAN. Chapeautée par l’EUCOM (commandement européen), depuis les années 90, deux lignes directrices prévalent dans ses plans stratégiques : la première, la pénétration de l’OTAN à l’Est, jusqu’aux frontières de la Russie, la seconde, sa transformation d’une organisation militaire régionale, euroatlantique, ce qu’elle était à son origine en 1949, en une organisation militaire globale, prête à intervenir partout dans le monde.

Les guerres dans les Balkans vont, dans un premier temps, justifier la pérennité de l’OTAN, dont le maintien a fait l’objet de discussions après la chute du Mur, mais sa pérennité a été affirmée dès le sommet de Rome en 1991. Après l’implosion de l’Union soviétique, les Etats-Unis et les occidentaux s’étant attribué la mission d’imposer au monde l’ordre économique néo-libéral cela a amené l’abandon par le Conseil de la défense des USA de l’option dite de « défense pure » et l’adoption, dès 1993, de l’option « prévention » qui va se concrétiser dans le « concept stratégique pour le XXIe siècle » de l’OTAN en 2000 et lors des sommets suivants en planifiant une projection tous azimuts des forces de l’OTAN, où que ce soit dans le monde, et en intégrant la théorie de la guerre préventive dont la guerre d’Irak est une parfaite application.

Le « concept stratégique pour le XXIe siècle », vise à faire de l’OTAN une organisation militaire globalisée dans le cadre du Nouvel Ordre Mondial d’autant plus nécessaire pour Washington qu’en raison de la crise économique et des échecs rencontrés dans les guerres en Irak et en Afghanistan, une participation plus active des atlantistes européens dans le cadre de l’OTAN est devenue une absolue nécessité.

L’élargissement de l’implantation de l’OTAN s’est opéré dès les années 90 sur le continent européen et hors zone euro-atlantique. Sur le continent européen la « course vers l’Est » a été un objectif commun aux administrations Bush père, Clinton et Bush fils. L’avancée de l’OTAN en Europe centrale, orientale et Balkanique fut d’ailleurs facilitée par les gouvernements de ces pays, quémandeurs du parapluie des États-Unis, ce qui permit à Washington de réaliser son objectif stratégique de rattacher plus étroitement cette zone dans l’aire de responsabilité du Commandement Europe du Pentagone, de favoriser une meilleure coordination avec les forces armées de ces pays, de participer à l’élaboration de leur dispositif de défense, d’y installer des bases militaires et d’accélérer leur intégration à l’OTAN. Washington apparaissant ainsi plus proche que ne l’est l’Europe, ainsi pour les pays de l’Europe centrale, orientale et balkanique eur adhésion à l’OTAN a toujours précédée leur intégration dans l’Union européenne.

Le problème posé par la guerre en Géorgie et les tensions avec l’Ukraine découle directement de la politique d’élargissement vers l’est de l’OTAN. Ainsi, le processus d’adhésion de nouveaux membres à l’OTAN a été un point essentiel du Sommet de Bucarest en avril 2008. L’intégration de l’Albanie et de la Croatie fut facilement adoptée, celle de la Macédoine a été entravée par l’intransigeance d’Athènes, faisant référence à un toponyme grec ancien (Makedonia), mais cela ne bride en rien les liens de ce pays avec l’OTAN.

Il en est tout autrement pour l’Ukraine et la Géorgie. On comprend d’emblée que leur intégration à l’OTAN, signifiant une nouvelle avancée aux frontières de la Russie revêt une importance stratégique. Si les Etats-Unis ont déjà organisé des manœuvres militaires communes avec les forces armées ukrainiennes et géorgiennes, si l’on croise des experts militaires états-uniens dans les ministères à Kiev et Tbilissi, Washington ne dispose pas de la même latitude que dans un pays membre de l’OTAN pour y déployer ses activités. Que cet élargissement ait été reporté en raison de l’opposition d’une dizaine de pays, dont la France et l’Allemagne, n’est pas un fait mineur ; signifie-t-il une volonté d’indépendance des gouvernements européens au sein de l’OTAN ? Il faut plus y voir une réalité objective qui tient à la géopolitique et aux besoins énergétiques de l’Europe en gaz et pétrole, qui commande d’éviter d’exacerber les tensions avec la Russie fermement opposée à une nouvelle avancée de l’OTAN à ses frontières.

Mais il ne s’agit que d’un report du processus d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, la Déclaration de Bucarest est claire à ce sujet : les négociations se poursuivent et il est affirmé de façon péremptoire : « les décisions concernant l’élargissement (de l’OTAN) sont du seul ressort de l’OTAN ». Toutefois, en période de crise systémique de l’économie de marché, la raison n’est pas absente et l’Allemagne comme la France maintiennent pour l’instant leur position de refus de l’entrée de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’Alliance atlantique.

Pour autant, le dispositif de l’OTAN ne se confine pas aux pays membres de l’Alliance Atlantique. La Déclaration de Bucarest le rappelle, depuis les années 90, « elle cherche à établir de plus en plus de partenariats mondiaux avec des pays de même sensibilité », tissant ainsi une toile de relations avec la volonté de transformer l’Alliance atlantique en une organisation militaire mondialisée. Ce réseau de relations politiques et militaires, trop souvent ignoré, mérite attention.

Le principal de ces partenariats et le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) créé en 1997 qui se conjugue avec le programme du Partenariat pour la paix (PpP), créé en 1994, dont le but est de favoriser une coopération bilatérale entre les pays membres. La CPEA regroupe les 26 États membres de l’OTAN et 24 États partenaires qui sont les pays de l’Europe occidentale et les pays de l’ex-Union Soviétique, y compris la Russie ainsi que les pays d’Asie centrale, non membres de l’OTAN. La Déclaration finale du sommet de Bucarest ne manque pas de souligner « les contributions importantes fournies par nos Partenaires du CPEA aux opérations de l’Alliance. », c’est-à-dire dans les guerres en cours en Afghanistan et Irak.

Viennent s’ajouter deux partenariats, celui OTAN-Russie et celui OTAN-Ukraine, l’un et l’autre conclus en 1997. Leur objectif, outre celui d’étendre la couverture géographique de l’Alliance atlantique est d’améliorer « l’aptitude des forces de l’Alliance et des Partenaires à opérer ensemble lors des opérations PpP (du Partenariat pour la paix) dirigées par l’OTAN » et d’engager plus avant la Russie et l’Ukraine dans le Plan, adopté en 2002, d’action contre le terrorisme, ainsi la Russie met des bases aériennes à disposition de l’OTAN dans la guerre en Afghanistan et participe à l’opération antiterroriste Active Endeavour en Méditerranée. C’est ce partenariat que la Russie a menacé de rompre suite à la guerre de Géorgie et à l’installation de fusées missiles antimissiles en Pologne et République tchèque.

Les plans de l’OTAN ne se confinent pas à la zone euro-atlantique mais ils sont globaux, d’autres partenariats en témoignent. Le Dialogue méditerranéen, lancé en 1994, et l’Initiative de Coopération d’Istanbul (ICI), depuis 2004. Ces deux partenariats revêtent une importance particulière en ce qu’ils permettent à l’OTAN de créer des liens spécifiques, hors zone, avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Dans le cadre du Dialogue méditerranéen sont réunis la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie et Israël, qui participent à des réunions communes jusqu’au niveau des ministres des affaires étrangères dans le cadre de l’OTAN.

Autre partenariat, l’Initiative de Coopération d’Istanbul, qui comprend le Bahrein, le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes unis et remplit, dans sa zone géographique, une fonction similaire, notamment en matière de formation et d’entraînement militaire. La Déclaration finale de Bucarest remercie d’ailleurs « nos partenaires du Dialogue méditerranéen et de l’ICI pour les diverses contributions qu’ils apportent à nos opérations et à nos missions » militaires.

Toutefois, l’objectif des Atlantistes est plus ambitieux, ce dont témoigne la Déclaration de Bucarest : « L’Alliance attache un grand prix aux relations diverses qu’elle développe avec d’autres partenaires dans le monde. Les objectifs que nous poursuivons dans ces relations sont notamment le soutien des opérations, la coopération en matière de sécurité, et le rapprochement des positions au service d’intérêts de sécurité et de valeurs démocratiques partagés.... Nous nous réjouissons en particulier de la contribution importante qu’apportent l’Australie, la Corée du Sud, le Japon, la Nouvelle-Zélande et Singapour aux efforts menés sous la direction de l’OTAN en Afghanistan. »

On touche là au grand dessein de l’administration étatsunienne et des atlantistes européens qui est de rompre les amarres euro-atlantiques de l’Alliance. Je cite à ce propos une interview récente de John Bolton qui fut ambassadeur des États-Unis à l’ONU : « On pourrait, suivre la suggestion de l’ex-premier ministre espagnol José Maria Aznar de faire de l’OTAN une organisation globale qui comprendrait aussi le Japon, l’Australie, Israël, Singapour et éventuellement d’autres pays. » C’est la clairement affirmée la volonté de faire de l’OTAN la force de frappe pour défendre, par des interventions militaires, de l’économie de marché. C’est là affirmée, la finalité de la stratégie du XXIe siècle de l’OTAN dans laquelle Paris entre de pleins pieds.

Doctrine exprimée dès 2004 par le Secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, lors du Sommet de Riga : « l’Alliance doit avoir vocation à exporter la sécurité tous azimuts, là où cela sera nécessaire. » La décision prise lors du sommet de Riga en 2006 que l’OTAN soit en mesure de mener deux opérations simultanées de grande envergure, comptant 60 000 hommes chacune et six opérations moyennes de 30 000 hommes, soit un engagement opérationnel simultané de 300 000 hommes, s’inscrit dans l’application de cet objectif. Pour juger de l’ambition et de l’importance de ce projet, rappelons que les forces états-uniennes et internationales engagées en Irak et en Afghanistan sont aujourd’hui un peu supérieures à 200 000 hommes.

Pour bien entendre ce que cela signifie, écoutons Daniel Fried, qui fut Secrétaire d’État adjoint américain aux affaires européennes et eurasiennes qui a déclaré le 17 avril 2007 : « Depuis la guerre froide et son rôle régional dans les années 1990, l’OTAN s’est transformée en une organisation transatlantique effectuant des missions globales, de portée globale avec des partenaires globaux. C’est en Afghanistan que cette transformation est la plus évidente. Elle a dépassé définitivement le débat »in-area/out-of-area« qui avait duré si longtemps dans les années 1990. Tout appartient potentiellement à la zone de l’OTAN… L’OTAN est en train de développer les capacités et les perspectives politiques nécessaires pour s’attaquer aux problèmes et aux éventualités qui surviennent dans le monde entier. » On ne peut être plus claire, Les États-Unis et les atlantistes européens veulent faire de l’OTAN, le gendarme du monde pour défendre les intérêts impérialistes et l’économie néo-libérale y compris par la guerre.

Quel est le coût de cette politique interventionniste de guerres préventives ? Une étude internationale très sérieuse menée par le Groupe de prévoyance stratégique (Strategic Foresight Group) sur la base de 97 paramètres (pertes humaines, conséquences sur l’eau, le climat, l’agriculture, en passant par les libertés d’expression, de religions ou de la presse, l’éducation, la croissance démographique, le chômage, l’émigration, la hausse des loyers ou du prix du pétrole), estime que depuis 1991, les guerres au Moyen Orient ont coûté plus de douze mille milliards de $, soit plus de 15 fois le plan d’Obama pour sauver l’économie des États-Unis !

Qui sont les principales victimes des guerres ? Lors de la guerre 14-18, 20% des morts étaient des civils, 40% lors de la guerre 39-45, dans les guerres actuelles, 60% des victimes sont des civiles. C’est à ces conséquences que nous nous opposons en dénonçant le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et en nous opposant plus largement à l’OTAN elle-même.

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C’est dans ce dispositif global que s’inscrit la réintégration de la France, non pas dans l’OTAN, qu’elle n’a jamais quittée, mais dans son commandement intégré, c’est à cette logique stratégique que répond Le livre blanc 2008 sur la défense et la sécurité nationale.

La stratégie développée dans le Livre blanc, déplace l’espace traditionnel de la défense du territoire, il ne s’agit plus d’une défense nationale dans le cadre étatique mais d’une défense intégrée dans un cadre global. La menace principale n’est plus aux frontières, les risques d’invasion étant peu probables, mais que le pays soit une cible de caractère terroriste.

Il en découle que la défense du territoire national relève plus à l’avenir d’une intervention des forces sécuritaires (police, gendarmerie. direction centrale du renseignement intérieur). Le champ prioritaire d’intervention militaire n’est donc plus l’hexagone - une des raisons de la réduction du réseau de casernes sur le territoire français -, mais il se projette dans une zone allant de l’Ouest de l’Afrique à l’Océan Indien et le champ du renseignement se voit lui aussi déplacé de l’Afrique vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan), région considérée comme la problématique principale de risques de tensions interétatiques majeures. Il vient naturellement s’ajouter à cette problématique, des zones d’instabilité comme les Balkans et plus encore le Caucase. C’est là une vision globale (mondiale) et non nationale ou même européenne de la défense dont aucun autre État européen ne contrôle les possibles débordements.

Cette orientation stratégique a plusieurs conséquences, stratégiques mais aussi industrielles. L’intensité des guerres en cours en Irak, en Afghanistan et au Proche-Orient, les conflits régionaux et les guerres civiles sur tous les continents, la mise en place planétaire d’importants dispositifs de lutte antiterroriste et sécuritaire renforcent plus encore l’emprise du système militaro-industriel sur les politiques gouvernementales pour imposer ses choix industriels.

L’industrie d’armement impose l’option « high-tech » comme politique de défense et sécuritaire. Ceci a trois conséquences importantes, la première de faire prévaloir le concept de guerres menées avec des armes d’une force destructive et meurtrière maximum, la deuxième, économiques, ces armes sont très rapidement obsolètes et l’achat de nouveaux armements représente des dépenses exponentielles, la troisième, cela déplace les centres de décisions sur les questions de défense, des politiques et des militaires vers le complexe militaro-industriel.

Cette priorité accordée à l’armement ressort clairement de la loi de programmation militaire de 2009 à 2014. Pour l’année 2009, il a été adopté un budget de plus de 32 milliards d’€, en augmentation de 5,2%. Mais, sur ces 32 milliards, 17 milliards représentent des dépenses d’armement, soit une augmentation de 10,7%. !

S’ajoutent les conséquences directes de l’option technologique. Le Rapport de prospective géostratégique du Ministère de la Défense publié en 2008 fait clairement apparaître ce que cela a de nocif pour les gens et pour l’écologie et s’interroge sur les obstacles rencontrés : « Un certain nombre de contraintes liées au facteur humain pourront limiter les applications engendrées par le progrès technique ou scientifique : motifs éthiques, parfois exprimés par des contraintes de nature juridique ; motifs de santé publique, exacerbés aujourd’hui par la notion de » principe de précaution «  ; contraintes liées au développement durable… La tendance éthique ou sanitaire s’est d’ores et déjà traduite par un certain nombre d’interdiction ou d’auto-limitation d’usage (mines antipersonnel, sous-munitions). Elle aura pour conséquence potentielle : la priorité donnée aux applications limitant les dommages humains. »

Les menaces que représente le tout technologique en matière d’armement, qu’il s’agisse d’éthique, de santé publique ou du développement durable, sont évidentes. C’est une option qui s’oppose radicalement au projet d’une autre société et qui nie les principes au fondement des Nations unies et des Conventions de Genève sur le droit humanitaire.

En raison de ce qui précède, il y a des raisons d’être préoccupé par le retour de la France dans l’OTAN. Quels sont les arguments avancés par Hervé Morin, ministre de la défense, pour justifier ce choix ? Ils sont au nombre de trois. Premièrement « la France est de fait dans l’OTAN, elle en est un bon élève, mais nous n’en tirons pas tous les bénéfices, notamment en termes d’influence et dans les postes de commandement ». Hervé Morin est allé jusqu’à dire : « nous sommes les harkis de l’OTAN ». Deuxièmement, « il nous est plus difficile d’orienter utilement la transformation de l’OTAN, et ainsi de répondre au nouveau contexte stratégique, dans la situation actuelle ». Troisièmement, « nous avons moins d’influence sur les opérations militaires que mène l’OTAN sur des théâtres où nous sommes engagés ensemble. »

La France bon élève de l’OTAN : elle l’est sans aucun doute, que ce soit comme troisième contributeur de troupes (au niveau de l’Allemagne et de l’Italie), en prenant part aux opérations militaires en Afghanistan, de stabilisation au Kosovo, en Bosnie et en Macédoine ou de formation des forces de sécurité en Irak. Bon élève, elle l’est, en participant à la Force de réaction rapide, elle l’est en contribuant pour 11% aux dépenses totales de l’OTAN (chiffre indiqué dans son intervention par Hervé Morin). Mais, en restant hors du commandement intégré de l’OTAN, elle se voit écartée de la haute hiérarchie militaire et dotée d’un quota d’officiers supérieurs limité.

Qu’en est-il en réalité. Le retour dans la structure militaire intégrée permettrait-il « d’orienter utilement la transformation de l’OTAN » et « d’influencer les opérations militaires que mène l’OTAN » ? La hiérarchie des structures militaires de l’OTAN relève d’un rapport de forces qui ne laisse pas place aux compromis. Depuis sa création, en 1949, le commandant suprême des forces de l’OTAN a toujours été étatsunien. Il en est de même, depuis que le poste existe en 2002, pour le commandant suprême à la transformation. Si l’on excepte celui du commandant interarmes pour l’Europe du Nord, qui revient à l’Allemagne, seuls des postes de commandants adjoints sont accessibles à des Européens (Allemand, Anglais ou Italien).

Précisons, que non seulement les États-Unis n’ont jamais accepté, depuis la Seconde Guerre mondiale, le partage du commandement suprême de l’OTAN, et qu’ils ont toujours refusé que leurs soldats soient placés sous un commandement qui ne soit pas étatsunien. Pour parler claire, l’attribution exclusive des postes de commandement supérieurs de l‘OTAN à des officiers étatsuniens, le refus que des soldats US soient sous commandement étranger, l’exigence, quand les États-Unis sont engagés que la direction des opérations militaires leur revienne, constituent des prérogatives sur lesquelles Washington n’a jamais fait de concessions et il est peu de chance qu’ils soient prêts à en faire.

Quel commandement important la France peut-elle obtenir ? (PowerPoint I) Une première tentative a été faite par Chirac de réintégration du commandement unifié de l’OTAN, en 1995, accompagnée d’une demande d’attribution à la France du commandement de la zone Méditerranée. Deux ans plus tard cette demande étant restée sans réponse, le gouvernement français décidait d’en rester au statu quo. Le Commandement Sud (siège à Naples) est un fief des Etats-Unis en raison de son importance stratégique avec le contrôle d’une zone considérée comme très sensible allant de l’Espagne aux portes du Moyen-Orient et incluant les Balkans.

En réintégrant pleinement l’OTAN, la France peut se voir attribuer des commandements adjoints. il semblerait que l’on s’achemine vers l’attribution à la France du commandement adjoint à la transformation. Poste qui n’a pas de responsabilités stratégiques sur les terrains d’opérations puisqu’il a pour responsabilité la prévision et la planification. Un deuxième poste serait celui de commandant interarmées adjoint à Lisbonne qui a pour responsabilité la zone Atlantique et dont le commandant est un amiral états-unien. Cela ouvrira d’autre part un plan de carrière à un plusieurs centaines d’officiers supérieurs, pour autant que le budget le permette.

Le changement d’administration à Washington ne peut sur ces questions modifier fondamentalement les choses. Certes Obama n’est pas Bush qui fut une caricature de l’impérialisme le plus vulgaire et le plus brutal. L’attitude de la nouvelle administration sera moins unilatérale mais comme le disait un politologue étatsuniens, Obama n’a pas été élu pour affaiblir les États-Unis et les questions de défense et de présence des États unis dans le monde sont des tendances lourdes de la politique extérieure de Washington qui ne connaissent pas de revirement selon que l’administration soit démocrate ou républicaine.

Cela amène à rappeler les raisons évoquées par la France lors de son retrait du commandement intégré de l’OTAN en 1966. Premièrement, l’impossibilité d’une réforme organisationnelle allant dans le sens « de moins d’intégration dans l’Alliance atlantique » de la défense française. Deuxièmement, l’impossibilité de mettre fin à l’hégémonie étatsunienne dans la définition des concepts stratégiques et dans l’attribution des postes de grands commandements. Troisièmement, l’impossibilité de faire prévaloir une stratégie, au sein de l’OTAN, qui prenne mieux en compte les intérêts européens. D’autres raisons tenaient au contexte politique du moment, par exemple le souhait que l’OTAN contribue à dépasser la logique de confrontation entre les deux blocs et la crainte d’être entraîné dans la guerre du Vietnam. On peut reprendre ces raisons une à une, chacune garde aujourd’hui toute sa pertinence.

Pour reprendre le constat d’un expert : l’entrée dans l’OTAN c’est se mettre dans une dépendance opérationnelle avec la menace d’entrainer la France et l’Europe dans des aventures militaires. Ce qui est d’ailleurs pris en compte dans la conception du Livre blanc de la défense qui envisage la possibilité de devoir participer à de « vraies guerres » (l’intervention en Afghanistan n’est pas considérée comme une « guerre » mais comme une mission ou une opération), avec le besoin d’intervenir simultanément sur plusieurs champs d’opérations durs dans des conflits interétatiques.

Ce risque est d’autant plus grand que la crise économique qui affaiblit grandement les États-Unis va amplifier l’échec du projet buschien d’hégémonie globale et qu’inéluctablement les exigences vont se faire de plus en plus pressantes pour que l’Europe s’engage plus activement dans les conflits en cours ou à venir.

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Plus que tout autre directoire, l’Alliance atlantique fonctionne hors de tout contrôle parlementaire et citoyen. Présentée comme une « arme de démocratisation massive » ! l’OTAN est l’organisation la moins démocratique qui soit. Les décisions du Shape, son commandement militaire, comme ceux du Conseil de l’Atlantique Nord, sa direction politique, responsable des plans de défense et des plans nucléaires, tout est couvert par le Secret Défense. Lieu d’un pouvoir souverain, soumis à une super puissance, l’Alliance atlantique agi à l’encontre de l’idée de démocratie et de l’établissement de relations internationales moins inégales auxquels chacun d’entre nous voudrait donner sens, elle est le fer de lance de l’ordre international néolibéral,

Nous voulons une France et une Europe indépendantes militairement, comme nous voulons une France et une Europe indépendantes politiquement, économiquement avec un projet social mais les gouvernants européens, coulés dans le moule de l’Atlantisme n’ont d’autres horizons que l’économie de marché sur lequel vient se greffer le discours idéologique du conflit des civilisations dans lequel la guerre reste le moyen de résoudre les contradictions.

Pour résoudre les crises et contradictions dans le monde le choix est entre la concertation, la solidarité ou la force et la violence armées. Nous faisons le choix de la concertation et de la solidarité qui est celui de la raison contre une politique dangereuse pouvant entraîner l’Europe et le Monde jusqu’à des aventures nucléaires. Ainsi, en janvier 2008, le général John Shalikashvili, ancien Chef d’Etat Major US et ex-commandant en chef de l’OTAN en Europe, le général Klaus Naumann, ancien chef des forces armées allemandes et ex-président du comité militaire de l’OTAN, le général Henk van den Breemen, ancien Chef d’Etat Major hollandais, l’amiral Jacques Lanxade, ancien Chef d’Etat Major en France, et Lord Inge, maréchal et ancien Chef d’Etat Major au Royaume-Uni ont adressé à l’OTAN « un manifeste pour une force nucléaire préventive », dans lequel on peut lire : « L’emploi en premier des armes nucléaires doit être conservé dans l’arsenal de l’escalade, comme l’instrument ultime pour prévenir l’emploi d’armes de destructions massives. »

Il faut, pour sortir de cette logique infernale, faire entendre et comprendre l’importance de s’opposer à la stratégie d’une OTAN globalisée, libérer la France et l’Europe de la tutelle de l’OTAN, s’opposer à l’installation de bases de missiles antimissiles sur notre continent qui font de celui-ci une cible, dénoncer la politique sécuritaire, qui se conjugue avec la politique de défense, pour imposer aux peuples l’ordre mondial néolibéral dont les conséquences avec la crise financière sont aujourd’hui toujours plus évidentes et brutales.

Nils Andersson

Membre du Conseil scientifique d’ATTAC