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Quel peuple mettre au cœur de la nation ? C Delarue

vendredi 2 mars 2012, par Amitié entre les peuples

Quel peuple mettre au cœur de la nation ?

Introduction pour ne pas laisser le peuple à ceux qui le méprisent.

Mon propos sera condensé et s’il pointe de nombreuses questions, il ne les développe pas, laissant ainsi place au débat.

 

Répondre à la question immédiatement c’est faire l’impasse d’une
introduction visant à montrer, fut-ce de façon problématique, que les
peuples pourraient aussi être mis au cœur de l’Europe et même - si l’on vise une perspective plus ambitieuse - de placer les peuples au cœur du monde. Première question : S’agit-il du peuple tout entier ou du peuple contre les élites ou du peuple résistant à l’oppression tant interne qu’externe ?

Les « peuples au cœur du monde » suppose une résistance et même une lutte offensive de conquête de nombreux droits pour faire reculer les Etats et les sociétés transnationales ainsi que les institutions mondiales au service du capitalisme libéralisé, financiarisé et mondialisé, du moins pour la finance. Sur ce recul ce serait une avancée de l’humanite-classe (1) qui serait en projet. Cela suppose de grandes avancées en solidarité entre les peuples-classe de nombreux pays.

Mettre les peuples au cœur de l’Europe c’est jeter aux orties plusieurs des grands textes fondateurs de lUnion européenne et notamment ses deux derniers textes en dates : Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union (TSCG) et le MES qui est tout sauf solidaire et démocratique (2).

L’autre présupposé, plus lisible cette fois-ci, est que le peuple n’est pas au cœur de la nation, qu’il serait donc marginalisé. Une minorité de 95 % de la population d’un Etat-nation.

I - QUEL PEUPLE EST MARGINALISE ?

 Si le peuple « demos » est composé de tous les citoyens mais aussi des résidents étrangers durablement installé sur tout le territoire alors
effectivement il manque une fraction de la population au "coeur de la
nation".

Mais même pour les citoyens appartenant à la communauté nationale avec validation de l’Etat (qui attribue une carte d’identité nationale et une carte d’électeur) leur pouvoir est faible. Ils sont régulièrement appelés à participer à des mécanismes de délégation de leur pouvoir démocratique et populaire. Mais le reste du temps ils sont dans un rapport d’éloignement des enjeux décisionnels. Et la distance démocratique se redouble d’une distance sociale et culturelle. Là aussi une large fraction de peuple vie avec des revenus modestes mais aussi - pour l’aspect culturel - sous l’influence d’une culture de masse marchandisée largement appauvrissante.

 Si le peuple « ethnos » est visé alors nous sommes plus prêt de la réponse positive. A moins que nous parlions des minorités nationales. En fait, la centralité du peuple-ethnos pose bien des questions. De quel ethnos s’agit-il ? Doit-on ignorer les cultures régionales ? Depuis avril 1991, il n’y a pas de peuple corse en France (décision du Conseil Constitutionnel) et donc pas de peuples minoritaires ailleurs, en Outre-mer par exemple.

A quelle culture nationale fait-on référence ? Celle de la République ou
celle des groupes identitaires évoquant la Gaulle et les gaulois ou d’autres entités bien antérieures à 1789. Cet ethnos est porteur de mythes et de domination à partir d’eux. Il porte une Nation beaucoup trop fermée et même xénophobe. Lire ici Suzanne Citron (3). Cet ethnos identitaire marginalise la « diversité » et les femmes dans certains secteurs de la vie sociale et politique.

Il y a aussi les exclusions . Le peuple de N Sarkozy comprend la finance mais pas les Roms, les musulmans, les jeunes des banlieues, ni même les fonctionnaires soit disant non productifs, non rentables et trop bien payés ! Après il s’étonne de se faire bousculer et enfermer !

Si c’est la République qui est surtout évoquée avec la défense de ses principes démocratiques, économiques et sociaux, alors des efforts sérieux de refondation sont en entreprendre. Car cette République laïque, à l’histoire malmenée par le colonialisme et par l’impérialisme, a subi ses trente dernières années, sous les coups du néolibéralisme et de l’orthodoxie concurrentialiste européenne une triple dégénérescence : celle de la démocratie, celle du social et celle du développement durable.

 Évoquons enfin, le peuple qui ne risque pas, encore moins aujourd’hui
qu’hier, d’être au cœur de la Nation alors que c’est en principe
l’objectif premier de la gauche (4). Ce peuple marginalisé c’est le
peuple-classe, ce que Jacques Bidet nomme la « classe fondamentale » (5).

II - SORTIR LE PEUPLE CLASSE DE LA MARGINALISATION

Faire « monter » le peuple-classe socialement (revenus, services publics, sécurité sociale, etc...) et démocratiquement suppose de faire reculer les forces sociales qui s’emploient à sa minoration et marginalisation.

 Par qui ce peuple-classe est-il marginalisé ?

Les médias nous le répètent, mais en le présentant comme une
fatalité et une abstraction ; ce sont les « marchés financiers ». Ils parlent même, avec ATTAC, le CADTM, la Fondation Copernic, AITEC et les syndicats de salariés de la dictature des marchés financiers ou plus simplement de la finance. Avec F Chesnais (6) la finance est un pouvoir de prédation et de casse de l’Etat social et nullement un outil de financement.

Il s’agit aussi si l’on y ajoute les grands élus, les « politiques » de l’oligarchie politico-financière. Cette ploutocratie s’est implantée, elle, au cœur de l’Etat et de la société et donc de la Nation. Ce sont les dirigeants des banques privées, des assurances privées, et d’autres institutions financières.

Qui dit capitalisme dominant dit classe dominante et là par définition c’est elle qui règne. Ici aussi, le peuple-classe est subordonné tant démocratiquement que socialement. Jacques Bidet (4) décrit la classe dominante comme bipolaire avec une fraction « marché » qui est la bourgeoisie et une fraction « organisation » qui sont les managers et grands dirigeants.

 Quelle dialectique des alliances et des fronts de classe ?

Eux, les grands managers, sont « gagnables » - si j’ai bien compris J Bidet - par des alliances. Mais de telles alliances ne se font pas sans luttes de longues durées. L’alliance à ce niveau est un sport de combat. C’est pourquoi commencer par gagner l’alliance des travailleurs prolétaires (7) avec les petites-bourgeoisies (8) me parait la tâche de l’heure pour former une « classe fondamentale » offensive.

Au plan de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, il me semble osciller entre les deux types d’alliance. Il est vrai qu’il y a besoin des deux pour réussir à « mettre le peuple au cœur de la nation » mais celle qui forme la « classe fondamentale » (J Bidet) est décisive. Il convient donc de combiner « la rue » (les grèves et les manifestations) et « les urnes » tout en exigeant une transformation profonde de la V ème République.

La « rue » relève plus des syndicats de travailleurs en lien avec les mouvements sociaux. Par contre les « urnes » et les autres mécanismes d’appropriation de la politique - consultations, pétitions, tirage au sort, etc... - par les citoyens relèvent plus des mouvements sociaux en lien avec les partis de gauche et écologistes. On trouve dans les grandes villes des collectifs divers en composition (partis, associations, syndicats) qui permettent d’avancer sur l’appropriation de la chose politique par les citoyens les plus engagés.

Enfin la lutte centrale pour former un peuple-classe offensif ne va pas sans lutte acharnée en faveur d’un développement soutenable tant au Sud qu’au Nord et en pensant aux générations futures (dit aussi alterdéveloppement) mais aussi aux luttes contre le sexisme, le racisme, la xénophobie d’Etat.

Christian DELARUE

1) Humanité-classe expression de C Delarue in
Altermondialisme : Face à la dictature des marchés financiers défendre l’humanité-classe.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1062

2) Le MES n’est pas un mécanisme de solidarité européen - LeMonde.fr

http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/01/le-mes-n-est-pas-un-mecanisme-de-solidarite-europeen_1649890_3232.html

3) Le mythe national, l’histoire de France revisitée. S Citron - Note G Royer.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article484

4) La gauche, la nation et l’émancipation du peuple-classe.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article666

5) Polarité de classes sociales selon J Bidet : Deux « en-haut », trois « en-bas ». C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2163

6) Note de lecture de « Les »dettes illégitimes" de François Chesnais. C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1739

7) Variation des définitions du prolétaire et du prolétariat

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1060

8) Les trois petites-bourgeoisies

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1835