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Le dogmatisme libéral comme destruction du capitalisme social d’après-guerre. Christian DELARUE

jeudi 24 décembre 2020, par Amitié entre les peuples

Le dogmatisme libéral comme destruction du capitalisme social d’après-guerre.

Comme altermondialiste et syndicaliste, nous poursuivons notre fil de réflexions sur les graves méfaits du libéralisme économique destructeur (au point d’évoquer une « extrême-droite économique » ) de Reagan et Thatcher de la fin des années 70 (cf la « thatchérisation du monde » - renvoi à 1) et de son adoption, sous un mode spécifique, par la gauche PS en France en 1983 sous François Mitterrand, adoption qui a ouvert une grave période de social-libéralisme puis de néolibéralisme (2) sapant les principes antérieurs de la social-démocratie qui eux permettaient, de façon contestable aussi certes, le soutien d’un capitalisme social, d’un Etat social .

 Capitalisme social, Etat social.

Sous les termes de « capitalisme social » et d’« Etat social » on désigne le régime du capitalisme bridé par divers dispositifs de déprivatisation et de démarchandisation via des nationalisations, via le développement des services publics, d’une sécurité sociale, de budgets sociaux, d’une tarification hors du marché (tarif différent de prix) et donc une santé pour tous et toutes à bas tarifs, des constructions de logements sociaux HLM a très bas tarifs, une éducation nationale gratuite, une énergie (gaz et électricité) à bas tarifs sur tout le territoire, etc. Il importe de bien saisir que le capitalisme social n’est pas le socialisme (qui met, sous des modes divers, la satisfaction des besoins sociaux en mode dominant) car il laisse actif le capitalisme dominant fondé surtout sur la propriété privée des moyens de production et de distribution ainsi que sur la logique de profit. Le capitalisme social ne fait que « brider » la dynamique capitaliste en posant des droits et des institutions de mise en oeuvre de ces droits la logique capitaliste dominante mais ne la détruit pas.

Notons, sans approfondir ce point, que ces barrières juridiques et sociales posées contre l’entreprise capitaliste de reconstruction d’après-guerre (1945 et après), dépendaient d’un contexte historique global : présence de forces politiques socialistes et communistes en France et dans de nombreux pays, limitation en extension géographique de ce caractère social bénéfique aux classes modestes et moyennes de la métropole puisque période d’impérialisme et de colonialisme français en Afrique et en Asie, monde divisé en deux camps Est et Ouest source de compromis sociaux avantageux aux classes ouvrières à l’Ouest pour montrer l’existence d’un « bon capitalisme » .

Le capitalisme dominant de plus en plus débridé au cours des 35 ou 40 dernières années par la mise en ouvre du néolibéralisme (versus économie politique) ou par la « thatchérisation du monde » (versus syndicalisme mondial de classe) est marqué par un recul des droits économiques et sociaux, un retour des privatisations, des marchandisations, un recul des services publics, de la sécurité sociale, des mécanismes de péréquation tarifaire, etc

 Les droits économiques et sociaux délaissés par les libéraux.

Ces droits, dits DESC, visent à assurer un niveau de vie digne et adéquat aux individus, recouvrent une sphère importante de la vie humaine comme se nourrir suffisamment et correctement, le droit au travail décent, avoir un logement, bénéficier d’une éducation, vivre dans un environnement sain, disposer de droits syndicaux, de conditions de travail justes et favorables.

Alors que les droits économiques et sociaux du PIDESC (Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels wikipedia) furent reconnus formellement en 1966, en période d’extension de ces droits-créance, on vit plus tard, malgré les amendements (protocoles), s’opérer une double restriction de ces mêmes droits par les néolibéraux, d’une part en terme d’affectation (pas pour tous et toutes mais pour les plus démunis seulement notamment via la notion de SIEG au sein de l’Union européenne bien différente du service public « à la française ») et d’autre part en terme d’effectivité (pas de réalisation, pas d’application effective des droits). En fait, il y a un abandon tendanciel, variable selon les pays, des droits économiques et sociaux pour tous et toutes avec présence forte de services publics de mise en oeuvre, au profit des grands entrepreneurs capitalistes (trois processus : privatisation, financiarisation, marchandisation) et au détriment des autres notamment des classes modestes.

Le libéralisme économique refuse ordinairement de satisfaire par des lois et des institutions les droits humains fondamentaux et les besoins essentiels en privilégiant d’abord la liberté d’entreprendre qui ne devrait être pour d’autres qu’un droit secondaire, un droit soumis à une valeur plus essentielle. Loin du fétichisme de la liberté d’entreprendre on observera qu’Il importe d’abord et au plus haut point de pouvoir manger sainement, de boire de l’eau potable, d’aller à l’école, de pouvoir, chacun et chacune, participer réellement mais sans excès à la production de l’existence sociale et ce sans subir le diktat du « travaillisme » (soit le « faire travailler plus celles et ceux qui travaillent déjà », les autres restant au chômage ou en précarité).

 Logique thatchérienne : Travailler pour vivre sinon crève !

Ce serait même à regarder la tendance mondiale de ces dernières décennies : « Travailler beaucoup pour manger n’importe quoi » ! Une tendance lourde n’est pas une tendance générale sans tendance contraire : On peut encore travailler peu et manger sainement ! Mais l’égale dignité des être humains (pour ne rien dire ici du droit des animaux) ne va pas jusqu’au droit à la vie pour certains libéraux ou néolibéraux.

Signalons ici pour s’y opposer fermement, grâce à Jean Ziegler dans son essai « le droit à l’alimentation » (Mille et une nuit 2003 page 63), ce propos infâme prononcé le 21 mai 1988 par Margaret Thatcher qui a osé dire : « Qui ne travaille pas ne mangera pas » . Or d’après l’auteur, citant l’OIT (du début des années 2000) 900 millions d’être humains n’ont pas un travail décent ou sont en chômage permanent. Un tel propos performatif digne de la dogmatique libérale est donc nettement une incitation criminelle et barbare à ne pas alimenter les chômeurs, à ne pas mettre en ouvre un droit à l’alimentation pour tous et toutes.

Pour nous, tout être humain sur la planète doit pouvoir manger et boire sainement, y compris les prisonniers subissant des peines privatives de liberté. Le droit de manger suffisamment et sainement doit permettre d’éviter sous-nutrition (quantité insuffisante) et mal-nutrition (qualité défectueuse ). La mal-nutrition par défaut de certains nutriments essentiels débouche sur des incapacités chez les jeunes enfants qui ne peuvent suivre une scolarité normale. Il peut aussi y avoir mal-nutrition par excès d’aliments toxiques produits par les firmes multinationales de la mal-bouffe et formation de personnes obèses ainsi qu’on le voit aux Etats-Unis. Là il y aurait besoin d’une instruction scolaire minimale et d’une information des adultes sur les éléments essentiels d’une bonne alimentation, ce qui suppose pour les jeunes scolarisés des enseignants instruits par les acquis de la science hors des pressions publicitaires des entreprises de mal-bouffe.

Christian Delarue

La thatchérisation du monde, et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde. Christian DELARUE - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique