Crise des céréales : « Après les subprimes, on spécule sur la nourriture » Rue89 / Aurélie Trouvé (ATTAC France)
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Le grand entretien 01/09/2012 à 15h04
Crise des céréales : « Après les subprimes, on spécule sur la nourriture »
Elsa Fayner | Journaliste Rue89
Depuis juillet, les prix des céréales flambent. On accuse la sécheresse, mais pour Aurélie Trouvé d’Attac France, cette crise a des responsables. Entretien.
Photo Aurélie Trouvé à Montreuil, le 29 août 2012 (Ava du Parc)
Elle a grandi avec le mouvement altermondialiste. Et ne l’a pas lâché la trentaine passée. Aurélie Trouvé copréside aujourd’hui Attac en France, l’Association pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne.
Ce qu’Aurélie Trouvé dit moins, c’est qu’elle a suivi des études d’ingénieur agronome pour finalement devenir maître de conférences en économie. Sa spécialité : les politiques agricoles et alimentaires a l’Inra.
Alors, quand les prix des céréales s’envolent comme ils le font depuis le début de l’été, la jeune femme fait le lien entre ses deux activités : ce n’est pas parce qu’une sécheresse met à mal les récoltes américaines que les prix flambent en France, c’est bien plutôt parce que nous avons dérégulé les marchés. Rencontre.
Rue89 : Peut-on parler de crise alimentaire aujourd’hui ?
Aurélie Trouvé : On parle de crise alimentaire mondiale depuis 2008. On a assisté cette année-là à une forte augmentation des prix du riz, du blé, du lait. On a parlé d’émeutes – ou de révoltes – de la faim.
Mais l’indice des prix a été encore plus haut en 2011 ! En fait, la crise est continue depuis 2008 : les prix ne sont quasiment pas retombés. C’est le cas en particulier pour les céréales, le sucre et le maïs.
Pourquoi cette flambée des prix est-elle inquiétante ?
En France, un ménage consacre en moyenne 15% de son revenu à l’alimentation. Dans les pays du Sud, c’est plus de la moitié du revenu. Du coup, dans ces pays, la flambée des prix a des conséquences [PDF] encore plus dramatiques sur la consommation quotidienne de céréales, de maïs ou de sucre.
Bientôt, ce sont les produits laitiers et la viande qui risquent d’être touchés. Pour nourrir les élevages, il faut des céréales...
Mais il y a toujours eu des crises alimentaires, ce n’est pas nouveau ?
Cet été, il y a eu une sécheresse aux Etats-Unis, et les prix du maïs ont flambé de 25%. C’est ça la nouveauté : la volatilité des prix.
Autrement dit, maintenant, quand on a un petit déficit de production, ça flambe. Ce n’était pas le cas auparavant. Les prix restaient stables, ils ne s’affolaient pas au moindre changement de temps.
Il suffit de regarder la courbe des prix des produits alimentaires, établie par la FAO [Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ndlr], pour le voir. Depuis 2007, les prix connaissent de fortes fluctuations, et dans des temps réduits.
la suite (dont la courbe évoquée) sur :