Accueil > Entente entre les peuples > Géopolitique des conflits - Autodétermination des peuples - Extension (…) > Russie - CEI - PECO > UKRAINE : une guerre innommable - Catherine Samary
UKRAINE : une guerre innommable - Catherine Samary
mercredi 3 septembre 2014, par
UKRAINE : une guerre innommable
par Catherine SAMARY
L’Etat-nation ukrainien est-il en train de se consolider contre un agresseur russe et ses relais ukrainiens séparatistes ? Ou bien le contraire ?
Questions sans réponses claires
Qu’exprime et que produira l’envoi de renforts russes “non déclarés” mais avérés - “volontaires” venant guerroyer pendant leur “congé” comme les a présentés le dirigeant sécessioniste de Donetsk, ou tanks russes “franchissant la frontière “par erreur” comme on le dit, sans rire, à Moscou ; ou encore “brigadistes” étrangers, d’extrême-droite ou gauche venant défendre la “Nouvelle Russie” colorée en blanc ou en rouge ?
L’ ”Offensive anti-terroriste” (OAT) lancée par le pouvoir de Kiev a-t-elle combattu efficacement le risque d’explosion de l’Ukraine – ou l’inverse ? Les désertions de l’armée ukrainienne souvent évoquées, sont-elles réelles ? Quelle est la composition et la perception populaire des “bataillons” de volontaires – patriotes de tous bords, ukrainiens ou étrangers ?
La coalition “post-Maidan” a éclaté et le président Porochenko, dissolvant la Rada, a annoncé des élections législative pour le 25 octobre. Mais les populations de l’Est et du Sud de l’Ukraine ne pourront s’exprimer qu’avec l’arrêt des violences - et dans quel sens iront-elles ?
La propagande russe, comme celle du pouvoir ukrainien depuis l’annexion de la Crimée censure la critique et rend difficile la vérification des informations. De part et d’autre les mouvements ou forces protestataires sont assimilés à des cinquièmes colonnes financées par l’étranger. Les politiques anti-sociales sont légitimées par un patriotisme (anti-occidental et anti-sanctions en Russie, ou anti-russe en Ukraine). Mais, la présence de forces d’extrême-droite parmi les engagés volontaires des deux côtés, et l’émergence de fronts “rouges-bruns (ou blancs) se réclamant tous de “l’anti-fascisme” et de “l’anti-impérialisme” des deux côtés renforcent le brouillage des enjeux.
Contrairement aux arguments de ceux qui soutiennent la Russie contre “un camp impérialiste”, la politique de Moscou donne force à la demande de l’Ukraine d’adhésion à l’OTAN – qui sera davantage soutenu en Pologne et dans les Républiques baltes que par les grandes puissances impérialistes.
Quant au combat pour l’intégrité de l’Ukraine, il perd en efficacité s’il accepte l’interdiction des critiques envers le gouvernement de Kiev, qu’il s’agisse de son “Opération anti-terroriste” ou des politiques sociales qu’implique le recours à “l’aide” du FMI.
Une Ukraine “Une et divisée” - et néo-colonisée comme la Bosnie ?
Les discours et les agissements d’une Russie qui se prétend seulement “solidaire des populations russes” et qui tient tête aux pouvoirs impérialistes occidentaux embarrassés, consolident à court terme le régime poutinien (80% de popularité). Il serait critiqué pour “abandon” des sécessionnistes. Mais après l’envoi de convois humanitaires pour tenter de conquérir les coeurs et les esprits, l’affirmation d’un projet d’Etat de “Nouvelle Russie” est-il preuve de force ou de faiblesse ? Est-il l’expression d’un basculement populaire local en rupture avec l’Ukraine, ou au contraire d’un accouchement aux forcepts d’une “entité étatique” à dynamique séparatiste vers le “grand frère” voisin, mais sans engagement populaire actif dans/pour la guerre ? Comme pour construire militairement l’ “entité serbe”de Bosnie - dite Republika Srpska -RS, il faudra, en tout état de cause, donner à la “Nouvelle Russie” proclamée une continuité territoriale – en l’occurence , une extension jusqu’à la Crimée et la Transnitrie - même si cette “entité” étatique demeure initialement dans le cadre d’une Ukraine “souveraine” et divisée.
Qui doit en décider ? La constitution ukrainienne ne doit être rédigée ni à Moscou, ni à Bruxelles (ou à Dayton comme le fut celle de Bosnie). Et l’intégrité ukrainienne doit se confirmer (ou se contester) politiquement par un acte d’auto-détermination de toutes les populations ukrainiennes, pas sous contrainte armée. Comme le disait récemment un camarade de l’Opposition de gauche ukrainienne, la guerre n’est ni purement civile ni seulement d’agression extérieure, mais “hybride” - et largement incontrôlée.
Contre cette guerre, c’est à la population ukrainienne elle-même, dans toutes ses composantes, que doivent appartenir les réponses – soutenues par des mouvements internationalistes en Russie, en Ukraine, comme dans l’UE.
Catherine Samary