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Québec : Quelle émancipation pour quel peuple ? Ch Delarue
vendredi 3 août 2012, par
Québec : Quelle émancipation pour quel peuple ? par Christian DELARUE
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Nous avons suivi, de loin certes, le mouvement de lutte qui a surgit au Québec au printemps 2012. Il semble que ce mouvement soit sur le reflux et que l’heure est à l’inscription institutionnelle des revendications via de prochaines élections. Ces revendications étaient vastes de nature sociale et démocratique pour l’essentiel mais aussi, moindrement, écologique et culturelle. Trois auteurs - E Martin, G Lefebvre et P Beaubet écrivent (1) : « Les revendications des étudiants débordent la défense de l’éducation publique et de la gratuité scolaire. C’est la corruption de la chose publique, le bradage des ressources, la dégradation du territoire et de l’environnement, l’absence d’égalité des hommes et des femmes, bref, un vaste ensemble de blocages au niveau social qui les préoccupe. »
– A qui s’adressait les revendications : contre qui ? au profit de qui ?
Contre le gouvernement fédéral canadien au profit du peuple nation québecois ? ou contre la classe dominante tout à la fois canadienne et québécoise au profit du peuple-classe québécois (et éventuellement par solidarité au profit du peuple-classe canadien) ? Il semble à lire ces mêmes auteurs que les deux orientations existent et que de ce fait un flou subsiste.
– Quel est leur ligne, leur orientation ? De quel Québec parlent-ils ? Un Québec socialiste ?
Il y a, à mon sens, une touche un brin nationaliste qui étonne dans ce texte publié sur le site Cahier du socialisme. Mais il s’agit peut-être d’une mauvaise compréhension, d’une variété d’ethnocentrisme. Hypothèse pour en sortir : Le nationalisme d’une nation dominée n’est pas identique à celui d’une nation dominante. Certes, mais cela ne doit pas masquer les conflits de classe internes à la nation dominée.
Ils écrivent :
Une très grande partie des jeunes n’accepte pas que les orientations économiques priment la justice sociale et soient dictées par une poignée de gestionnaires et d’experts proches de l’élite économique. De même, les citoyens qui ont battu de la casserole pour épauler la jeunesse ne veulent pas bêtement substituer la « rue » à l’autorité politique : en exigeant une démocratie plus vivante et plus profonde, ils demandent d’avoir leur mot à dire, le droit d’être responsables de ce que devient le Québec, plutôt que de subir des politiques inéluctables, ultimement justifiées par le recours au bâton ou au bâillon.
Lors des manifestations du printemps, les affiches, drapeaux et poèmes laissaient transparaître comme en filigrane un désir de réappropriation du projet d’autonomie collective et du projet de pays. Pourtant, la question de l’indépendance n’est pas trop explicite dans le discours étudiant. Cela exprime la difficulté de redéfinir explicitement un projet d’« émancipation nationale » qui, sous l’égide du PQ, en tout cas, a abouti dans un cul-de-sac, en partie parce que le PQ a misé sur Québec Inc. plutôt que sur les aspirations populaires.
Le défi de surmonter ce « malentendu » entre les aspirations sociales et le projet d’émancipation nationale est réellement difficile. Même si des avancées ont été réalisées en ce sens par les mouvements populaires et par Québec solidaire, beaucoup reste à faire. C’est pourquoi le mouvement et les contradictions qu’il révèle ne disparaîtront sans doute pas avec l’élection qui approche.
Seul l’avenir dira, cependant, si le mouvement parviendra non seulement à déverrouiller le blocage institutionnel de la société québécoise, mais à instituer un Québec dans lequel il n’aura plus honte de se reconnaître et où il sera enfin possible de dire « maîtres chez nous » de manière inclusive et décomplexée.
Voir le texte complet sur
Le Québec : une société à débloquer
Source : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/354692/le-quebec-une-societe-a-debloquer
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Pierre Beaudet, Professeur de développement international à l’Université d’Ottawa ;
Gordon Lefebvre, Enseignant à la retraite ;
Éric Martin, Professeur de philosophie au collège Édouard-Montpetit.