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La démocratie des rond-points ou la démocratie d’en-bas. Christian DELARUE
lundi 25 février 2019, par
La démocratie des rond-points ou la démocratie d’en-bas.
Quelques définitions.
On parle aussi de « démocratie empowerment » ou démocratisation qui donne puissance à celles et ceux d’en-bas soit en plus concis « démocratie d’en-bas ». Puisque l’enjeu est international, européen et au-delà, voir mondial c’est donc l’anglais qui domine.
Enjeux : La « démocratie d’en-bas » - pour « démocratisation qui donne puissance à celles et ceux d’en-bas » - peut être regardée 1) comme simple « symptôme » ou comme « alerte populiste » au regard du paradigme dominant - ie cadre général de conception - de la démocratie comme « démocratie représentative » , ou alors, au contraire, 2) de façon critique, comme « débordement extra-systémique » (du système démocratique existant) , débordement potentiellement d’émancipation. Potentiellement car l’orientation d’émancipation n’est jamais certaine. Il y a toujours des risques de contre-mouvements réactionnaires.
Poursuivons avec son contraire, la gouvernance.
La gouvernance est nécessairement très oligarchique et peu démocratique. C’est sa définition. Une gouvernance est par définition un double processus contradictoire : 1) oligarchisation d’une part et 2) recul démocratique d’autre part. Les moyens du processus d’oligarchisation sont 1) le libéralisme économique accru, 2) la répression policière doublée de sur-pénalisation des forces critiques d’en-bas, 3) la conjonction d’un « libéral-autoritarisme ».
Dans l’Union européenne il y a certes des élections et un Parlement mais la démocratie y est faible et très éloignée des peuples. Le pouvoir réside surtout dans la gouvernance à dominante oligarchique soit un pouvoir autoritaire qui s’appuie sur des éléments appauvris de démocratie (1).
La gouvernance est contestée en théorie et en pratique par une démocratisation en cours qui cherche ses outils théoriques comme le Référendum d’Initiative citoyenne ou RIC.
I - Rendre celles et ceux d’en-bas plus actifs et plus forts.
– La culture altermondialiste de « démocratie radicale », telle qu’évoquée par Christine COUVRAT en 2007 - plus de 10 ans donc - à propos de l’altermondialisme (étude des budgets participatifs en 2001), se montre critique de la « démocratie réellement existante » . L’élection n’est pas négligée mais elle n’est pas fétichisée comme le tout de la démocratie. Il faut y ajouter les droits et libertés démocratiques. Mais même avec cette intégration, une autre démocratie est possible et pensable hors cadre de la pensée dominante, du paradigme dominant, mais parfois aussi au sein de ce paradigme.
– L’alterdémocratie (cf contribution DELARUE Ch de 2007 - cf 2) passe souvent entre « bonification de la représentation » (rapprocher les élus des citoyens et de leurs demandes au lieu de les laisser sous l’emprise des lobbies et du pouvoir des entreprises - notamment en Europe de l’UE) et « démocratisation de la participation » populaire pour que l’ensemble des besoins sociaux soient considérés. Cette alter-démocratie se construit donc contre le système capitaliste productiviste et travailliste (SCPT) dominant. Aujourd’hui on parle de « Justices » : La justice sociale, fiscale et territoriale doit se penser avec la justice climatique et environnementale. La « justice animale » fait aussi son entrée - contestée - dans la thématique de la « justice pro-égalité ».
– De même l’Etat comme appareil tend à agir beaucoup plus avec « sa main droite » qu’avec sa « main gauche » et depuis fort longtemps (1983 en France). Autrement dit son idéologie globale et sa praxis continue est de type « libérale-autoritaire » (libéralisme économique plus répression policière), donc destructrice des appuis sociaux (protection sociale et services publics, normes contre le social et la transition écologique) . Ces élites défendent l’alternance intra-systèmique entre droite et gauche « raisonnable » (PS) et pas l’alternative extra-systémique (ou contra-systémique), notamment avec l’éco-socialisme comme perspective à débattre. Ces élites (cf Caste de Mauduit) peuvent passer de cette gauche « modérée » à la droite et y revenir comme elles passent du privé au public et retourner au privé au sein d’une multinationale. Le 1% et les multinationales sont en surplomb du peuple-classe, les 99% d’en-bas.
– Si la démocratie se pense aussi comme un rapport social (par définition inégalitaire) entre d’une part le peuple citoyen s’exprimant par le vote (ou par tirage au sort) et d’autre part les élus ou plus largement la « classe politique » bénéficiaire de cette élection de façon pérenne, alors il importe de ne pas se contenter de voter . Patrick TORT, combinant Marx et Darwin, inscrivait jadis le peuple dans un rapport social dirigeant/dirigé.
Des questions se posent : Qui est sujet ? Qui est objet des politiques ? Qu’est-ce que le « classisme » (politique de la classe dominante) ? Quid du peuple-classe ? De son émancipation sociale et démocratique ? Ces questions se posent surtout à la gauche CAR la droite s’accommode plus des notions englobantes qui font l’impasse sur les rapports sociaux, ici ceux concernant le fait démocratique à transformer, dépasser.
L’universalité des droits ne doit pas masquer de tels rapports inégaux. Voter n’est pas suffisant. On peut même parfois s’abstenir de voter faute de perspective populaire, de projet alternatif à l’existant.
– Agir hors du vote et de l’élection !
Il va s’agir de pousser collectivement (grèves, manifestation de rue et « démocratie du rond-point ») et voter à gauche individuellement.
– Grèves et manifestations : Elles sont du ressort classique des syndicats de travailleurs et travailleuses et la gauche relève elle des partis politiques, ici PCF, FI, NPA et d’autres encore. On évoque les partis critiques du système SCPT. Mais on note au sein des gilets jaunes la présence d’un soupçon à l’encontre de ces acteurs - syndicats et partis - qui sont pour partie dans le système qu’ils contestent. Le NPA l’est moins que le PCF et la FI mais on peut lui reprocher aussi de ne pas vouloir mettre la main dans le bourbier ! De garder les "mains propres hors du système.
– Votation comme système : D’un point de vue critique, le vote est souvent, dans la « démocratie réellement existante », une forte ambivalence qui se traduit par une dépossession autant qu’une intervention citoyenne. La dépossession citoyenne est peut-être plus importante que l’intervention.
On peut voter PCF, FI ou NPA (ou autre formation politique bien à gauche) et rester in fine avec le PS ou la droite, c’est à dire avec un système d’alternance et un soutien du système capitaliste productiviste travailliste (SCPT) fortement producteur d’accumulation de richesses marchandes et matérielles pour le 1% et d’austérité et précarité pour le peuple-classe (Classisme en plus des autres tares systémiques : racisme et sexisme).
Donc il faut maintenir la « politisation empowerment » donc les mobilisations collectives ou pour parler la langue de ce pays, la « démocratie d’en-bas, par en-bas et pour en-bas ».
En résumé, la RUE (avec grèves) et les URNES (plus le tirage au sort dans certains champs).
La formation d’une Constituante peut être le passage à prévoir pour aller vers une autre République, éco-socialiste et laïque.
Christian DELARUE
1) Exemple grec janvier 2015 : Eric Toussaint : "ce sur quoi il faut absolument insister dans le cas de Tsipras, c’est que quelques jours après son élection le 25 janvier 2015 et la constitution de son gouvernement, le 27 janvier, alors qu’il n’avait encore pris aucune mesure, le 4 Février, la BCE a coupé les liquidités normales aux banques (http://www.cadtm.org/Des-le-debut-Varoufakis-Tsipras et http://www.cadtm.org/Varoufakis-Tsipras-vers-l-accord). C’était une déclaration de guerre, ou plutôt un acte de guerre de la BCE contre un gouvernement démocratiquement élu.
Tsipras n’a pas osé utiliser les armes d’autodéfense qui étaient à sa disposition : suspension du paiement de la dette, prendre le contrôle des banques, instauration d’un contrôle sur les mouvements de capitaux [...] tout cela l’a conduit à l’échec
Face à cette attaque, Tsipras n’a pas osé utiliser les armes d’autodéfense qui étaient à sa disposition : il n’a pas suspendu le paiement de la dette, il n’a pas pris le contrôle des banques, il n’a pas instauré un contrôle sur les mouvements de capitaux et il a laissé les capitalistes organiser la fuite de ceux-ci (une trentaine de milliards d’euros sont sortis du pays entre janvier et juillet 2015) et tout cela l’a conduit à l’échec.
Sa stratégie fut celle d’une concession très rapide à la Troïka, composée de la BCE, du FMI et de la Commission européenne représentée par l’Eurogroupe, ce dernier étant d’ailleurs une instance qui n’a pas de statut juridique, qui n’existe pas dans les traités.
Europe : désobéir pour mettre en œuvre une alternative favorable aux peuples
http://www.cadtm.org/Europe-desobeir-pour-mettre-en-oeuvre-une-alternative-favorable-aux-peuples
2) En 2007 : Introduction : aller vers une autre démocratie, citoyenne et populaire
sur Attac 35 Ille et Vilaine ou sur l’ancien site ATTAC France (archive)
https://local.attac.org/35/attac-rennes/Participation-d-Attac-Rennes/Rencontres-du-Grand-Ouest/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE