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Femmes et révolution ou comment libérer la moitié de la société. C. BENABDESSADOK

vendredi 3 août 2012, par Amitié entre les peuples

Femmes et révolution ou comment libérer la moitié de la société.

par C. BENABDESSADOK

Sous le regard franc et le minois espiègle de Fatoumata Diallo « Fatou » pour tout le monde semble se profiler l’archétype des jeunes femmes que la révolution du 4 août a mis au devant, ou voudrait voir émerger de la scène politique et sociale. En Fatou se rencontrent en effet des qualités correspondant aux nouveaux comportements que le pouvoir burkinabé sollicite ardemment.

Fatou manie avec autant de talent la kalachnikov, la guitare électrique ou le micro, pour haranguer les foules lors des meetings ou chanter à l’occasion des prestations de l’orchestre musical féminin, « les Colombes de la révolution », formé à l’initiative du président Sankara, lui-même mélomane et praticien averti. Fatou est une militante enthousiaste de la Révolution démocratique et populaire (selon la formule consacrée au Burkina), sans blocage idéologique et, ce qui ne gâte rien, jeune et jolie. Infatigable, elle sillonne les mauvaises routes de la brousse pour porter « la bonne parole », assure au Secrétariat général national des CDR (Comités de défense de la révolution) sa permanence de secrétaire-dactylographe, participe aux réunions féminines, suit et commente l’information internationale. Tout cela ne l’empêche nullement de s’attabler à une terrasse de café pour discuter et provoquer la conversation avec un serveur sur l’usage du terme « camarade », devenu courant, voire signe distinctif et symbolique. Ses diverses activités l’amènent à troquer avec une aisance toute naturelle le treillis militaire pour le pagne, le pagne pour le jean ou le pantalon en toile et le T-shirt assortis.

Vrai, ce portrait ne correspond cependant pas à la condition de l’écrasante majorité des femmes burkinabé, loin s’en faut. Fatou a suivi les cours de l’école de police de Ouagadougou : elle est célibataire, sans enfant, indépendante économiquement et libre intellectuellement : « Oui, je suis une femme libre » me dit-elle presque à regret, « je n’ai jamais eu à souffrir de la domination d’un homme, ni au sein de ma famille, ni ailleurs. Je suis libre de m’exprimer, je peux tenir tête à un homme, on peut discuter de politique ou d’autre chose et je ne suis pas tenue par avance de le croire sur parole. Mais je sais que certaines femmes croient tout ce que les hommes leur disent. Moi, je n’accepterai jamais cela. Sur ce plan, je pense que je fais partie des femmes libérées. Mais il y a encore beaucoup, beaucoup à faire. »

Il y a en effet beaucoup à faire dans ce pays où deux caractéristiques globales permettent de saisir d’emblée la condition des femmes. La première est d’ordre général : les femmes burkinabé, comme l’ensemble des femmes africaines, prennent une part active aux activités économiques des pays africains. Une étude de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique a montré par exemple que les femmes africaines ont fourni la moitié de la production alimentaire en 1984. La seconde concerne les femmes du Faso en tant qu’elles appartiennent à un pays quasi exclusivement rural (la population active se situe essentiellement dans les campagnes qui pourvoient à 90 % des exportations), pauvre et structurellement arriéré.
Les femmes faut-il le rappeler ? subissent plus que les, hommes les conséquences du sous-développement économique et socioculturel. Soulignons que le taux de scolarisation au Burkina Faso est un des plus faibles du monde moins de 20 % et qu’il est encore plus faible en ce qui concerne les enfants de sexe féminin. En 1983, celui-ci constituait 37 % des effectifs dans le primaire, 34,5 % dans le secondaire et 22,9 % à l’université. Quant à l’analphabétisme, il touche 92,5 % de la population totale et 98 % des femmes, alors que celles-ci représentent 55 % de la population du pays (1).

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