Accueil > Altermondialisme > Anti-impérialisme > Analyses globales, actions pour les droits. > Face à la fascisation du monde, renforcer les solidarités populaires Sud-Nord

Face à la fascisation du monde, renforcer les solidarités populaires Sud-Nord

mercredi 18 juin 2025, par Amitié entre les peuples

Face à la fascisation du monde, renforcer les solidarités populaires Sud-Nord

Tribune collective - mardi 17 juin 2025

Des responsables de diverses organisations publient cette tribune pour affirmer leur volonté de construire un internationalisme populaire et décolonial, ancré dans les luttes concrètes des Suds et des diasporas, pour faire face à l’aggravation sans précédent des logiques de guerre, de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale.

Nous assistons à une aggravation sans précédent des logiques de guerre, de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale.
Les pays du Sahel sont pris dans un étau entre néocolonialisme français, interventions armées étrangères et terrorisme islamiste. L’armée israélienne mène une guerre génocidaire contre le peuple palestinien à Gaza. L’Ukraine subit, depuis trois ans, l’agression impérialiste de la Russie. Ces violences convergent : elles traduisent le basculement des relations internationales dans une nouvelle phase d’impérialisme brutal, militarisé et autoritaire, porté par des puissances concurrentes mais complémentaires dans leur mépris des peuples.
La montée en puissance des lobbies militaro-industriels accompagne l’expansion d’une économie de guerre mondialisée, dont la France, deuxième exportateur d’armes au monde, est un acteur central. En parallèle, les États répriment, censurent, criminalisent.
Une véritable internationale réactionnaire se met en place : extrême droite, techno-libertaires, suprématistes, masculinistes, alliés autour d’un projet de société fondé sur la peur, la haine et la domination. Ces courants se déploient dans les gouvernements, les médias, les algorithmes, imposant une vision sécuritaire, islamophobe, anti-migrants, et tentant d’étouffer les solidarités populaires.

Rejeter tous les impérialismes, d’où qu’ils viennent
Loin de s’opposer, les pôles impérialistes - États-Unis, Russie, Union européenne, Chine - se disputent les hégémonies régionales tout en s’accordant sur l’essentiel : marchandisation du monde, contrôle des ressources, militarisation des sociétés, répression des résistances. Les premières victimes de la guerre commerciale qu’a lancée l’administration Trump seront les peuples du Sud global, dont ceux d’Afrique. Les BRICS, présentés comme une alternative au Nord global, sont plutôt un cartel d’États souvent autoritaires, poursuivant leurs propres logiques d’influence et d’exploitation.

Notre internationalisme ne choisit pas un camp d’État contre un autre. Il se construit avec les peuples en lutte, contre toutes les formes d’impérialisme, de colonisation et de domination.
Soutenir les luttes populaires des Suds contre les ingérences et pour l’émancipation
L’expulsion progressive de l’armée française du Sahel - du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad - marque un tournant. Elle résulte de mobilisations populaires et de refus collectifs de l’ingérence étrangère, et ne doit en aucune manière être déstabilisée en sous-main.
Cette dynamique reste aussi menacée par la consolidation de régimes militaires autoritaires. L’édification de l’Alliance des États du Sahel (AES) pourrait porter une rupture avec la Françafrique, à condition qu’elle ne se fasse pas au détriment de la souveraineté populaire et des libertés démocratiques.

Notre soutien doit aller aux peuples, pas aux pouvoirs.
En Algérie, les blocages de la mémoire coloniale ravivent un contentieux historique profond. La reconnaissance des massacres coloniaux qui ont été perpétrés à Madagascar, au Cameroun, au Niger reste taboue.
Dans les Outre-mer, les mobilisations qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou à Mayotte traduisent une même volonté d’émancipation face au mépris néocolonial, à la destruction sociale et à la dépossession environnementale.
Partout, les peuples exigent justice, reconnaissance et autodétermination. C’est à ces luttes qu’il faut prêter main-forte.

Construire un internationalisme populaire et décolonial
Face à la fascisation globale, les réseaux de solidarité sont fragilisés : les Forums sociaux européens ont disparu, les dynamiques du FSM se sont affaiblies. Pourtant, des espaces renaissent. En 2024, un collectif unitaire contre les ingérences françaises en Afrique a vu le jour. Le prochain Forum social mondial à Cotonou en 2026 pourrait être une étape vers la reconstruction d’un internationalisme d’en bas, ancré dans les luttes concrètes des Suds et des diasporas.

Nos revendications communes, au service des peuples d’Afrique
• Cessation immédiate de toute coopération militaire et des ventes d’armes avec les régimes autoritaires, notamment sur le continent africain.
• Fin des ingérences et des destabilisations françaises dans les affaires politiques, économiques et institutionnelles des pays du Sud global (via la CEDEAO, l’OIF, ou des bases militaires).
• Reconnaissance des crimes coloniaux (Sétif, Guelma, Madagascar, Cameroun, Niger…) comme crimes d’État, avec des réparations symboliques et matérielles. Reconnaissance du recours à la torture comme système en application de la doctrine de la « guerre contre-révolutionnaire », devenue « l’école française ».
• Sanctions pénales contre les multinationales françaises prédatrices (Bouygues, Bolloré, Total, etc.) responsables de corruption, d’accaparement et de destruction écologique.
• Suppression du franc CFA, en partenariat avec les mouvements et institutions panafricanistes progressistes.
• Reconversion des budgets d’OPEX en investissements dans une aide au développement solidaire, transparente, négociée avec les peuples concernés. Et qui contribue à lutter contre la violence des politiques migratoires.
• Fin de la politique coloniale en Outre-mer, et engagement clair pour le droit à l’autodétermination.
• Respect du droit à l’autodétermination pour les peuples kanak et sahraoui (résolution 1514 AG de l’ONU du 14.12.1960)
• Refondation de la diplomatie française, pour une politique de paix, de désarmement, de coopération juste entre les peuples. A l’ONU, dans le cadre de l’Union européenne...
• Libération de l’information : fin de la censure et des silences complices dans les médias publics sur les luttes anticoloniales, les mobilisations sociales, les quartiers populaires.
• Transmission active des mémoires et des expertises : enseignement de l’histoire (néo) coloniale, de l’arabe, des littératures africaines et diasporiques dans le système éducatif et à l’Université.

Ces revendications ne concernent pas seulement des réparations attendues, mais constituent des jalons d’un horizon à reconstruire. Depuis les luttes africaines et antillaises, les Outre-mer, les quartiers populaires, les diasporas, montent des voix qui refusent l’ordre impérial et ses recompositions autoritaires. C’est avec elles, et non à leur place, que nous voulons bâtir des solidarités actives, démocratiques, équitables. Un autre monde reste à imaginer — il a déjà commencé à émerger, depuis les marges du monde actuel, les périphéries de nos sociétés, les dominé·es qui relèvent la tête.

Suite

Annexes et signataires

Sur site CADTM

https://www.cadtm.org/Face-a-la-fascisation-du-monde-renforcer-les-solidarites-populaires-Sud-Nord?var_mode=recalcul

Sur le site d’ATTAC - Groupe Afrique

https://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/face-a-la-fascisation-du-monde-renforcer-les-solidarites-populaires-sud-nord

Egalement sur

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/06/17/face-a-la-fascisation-du-monde-renforcer-les-solidarites-populaires-sud-nord/

https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article75358

Sur Médiapart il manque (à ce jour) la signature de Christian Delarue président du CADTM France