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Sportivisation du monde avec thatchérisation du monde. Christian Delarue

vendredi 22 janvier 2021, par Amitié entre les peuples

Sportivisation du monde avec thatchérisation du monde.

Le management quantophrénique, passant du sport à l’entreprise, tend à tout mesurer avec des chiffres et des statistiques pour accroitre performance et productuctivité : le chronomètre est passé du stade à la production marchande et non marchande (services publics) avant le néolibéralisme, mais la « thatchérisation du monde » a démultiplié l’exploitation de la force de travail par les appareils de statistiques.

Ce que nous nommons « thatchérisation du monde » (cf 1 ) n’est que - pour résumer - logique d’inégalités renforcées entre détenteurs des moyens de production et les salariés qui vendent leur force de travail (physique et intellectuelle) pour vivre, logique de compétitivité renforcée des entreprises capitalistes avec baisse du « cout du travail » afin de faire toujours plus de profit. Renvoi pour la critique.

Les entreprises capitalistes fonctionnent sur le modèle de la performance et de la compétition qui nous vient du sport, lequel sport n’est pas simple activité physique (premier point) . Le sport aurait pu rester dans les stades et les piscines mais c’est là de l’idéalisme car il a fatalement « débordé » de sa sphère de prédilection pour quasiment tout englober, y compris les services publics, y compris une fraction de la vie hors travail, d’ou l’expression de « sportivisation du monde » . La sportivisation est une forme de colonisation du monde vécu, une sorte d’aliénation généralisée sous l’effet de « l’accélération du monde » avec la fameuse devise olympique « plus vite, plus haut, plus fort » . (Au « Citius, Altius, Fortius » on pourrait ajouter « plus loin ») .

Il importe dés lors de régulièrement de se remettre en tête - pour se désintoxiquer, se désaliéner - les éléments de distinction entre simple activité physique et sport afin de se ménager tant que possible « une autre praxis » (cohérence de « l’esprit » et, pour faire praxis, congruence entre esprit et activité corporelle). Si je dis ici « se remettre en tête » c’est qu’il y a eu une époque ou cette critique radicale du sport était plus courante qu’aujourd’hui ou elle est devenue beaucoup plus marginale. Elle accompagnait - avec Jean-Marie Brohm notamment, une critique du capitalisme et de l’entreprise conçue jadis comme lieu d’un rapport social antagonique avant de devenir communauté tournée vers un but commun . Aujourd’hui avec l’altermondialisme on retrouve une critique du capitalisme mais aussi du productivisme, du travaillisme (travailler plus), de l’extractivisme, etc— et il semble attendu que l’on critique aussi d’une part l’effacement progressif de la distinction activité physique - sport et d’autre part la sportivisation de l’ensemble du monde vécu.

L’activité physique permet de sortir de la sédentarité par une mise en mouvement du corps qui n’est pas du sport. On a des activités physiques hors stades normés, de la nage hors piscines mesurées, du marcher-courir libre car hors terrains avec des marquages réguliers et calibrés pour tout compter en logique quantophrénique avec des statistiques informatisées sur ordinateur de poignet . Sortir de chez soi pour faire une ballade à pieds dans le simple souci de vous dégourdir les jambes relève banalement de la simple activité physique. Vous pouvez aussi faire du « marcher-courir » (avec de l’irrégulier en ne copiant pas des « 30-30 » ou autres modalités calibrées de l’entrainement sportif) si vous avez plaisir à courir et pour favoriser une meilleure vascularisation mais sans effort excessif et surtout sans quantophrénie qui est une obsession de la mesure et qui signe une activité sportive qui s’est en outre généralisé quasiment partout, tout comme la logique marchande et celle capitaliste car le chronomètre est passé du stade à l’atelier avec le perfectionnement des statistiques en plus ! La simple activité physique se garde de tout souci de performance soeur jumelle de la compétition , ce double souci s’étant aussi généralisé partout, passant du stade à l’entreprise.

La sportivisation oblige à tout mesurer (quantophrénie) et à se fixer des objectifs d’amélioration constante des performances chiffrées pour « fonctionner au top » (corps-machine ). Pour l’activité physique non sportive il y a juste amélioration de l’aisance à l’effort physique et au plaisir de courir si vous faites du « marcher-courir ». Dans le monde contemporain c’est désaliénant, désintoxiquant, réhabilitant.

Le sport est une praxis différente de la simple activité physique du fait d’une démarche de rentabilisation maximale de l’activité physique (avec ses casses et ses souffrances comme au travail ), via la quantophénie scientifique, en vue de la performance individuelle d’abord puis rapidement de la performance individuelle à la compétition, laquelle implique nécessairement une comparaison avec autrui avec un gagnant valorisé et un perdant dévalorisé et ce même si un discours peut venir atténuer les effets négatifs de cette distinction.

Observons que le système de méritocratie (avec ses classements et ses hiérarchies) dans les champs de l’économique et du social procède aussi de cette logique comparative des performances qui suppose de mesurer, classer et hiérarchiser les qualifications d’une part et les compétences appliquées en situation de travail d’autre part . La sportivisation, dont on donne ici qu’un bref résumé, est sortie des stades pour entrer dans l’entreprise capitaliste et dans le reste de la société sous l’effet de la mondialisation la plus nocive. Elle devrait y retourner ! Et de plus d’autres stades sont à penser : sans gradins et sans public pour le sport spectacle mais c’est là une autre problématique que celle ici abordée.

Christian Delarue

La thatchérisation du monde et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde.

http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique