Lutte de souveraineté anti-oligarchique ou lutte contre la classe dominante - Christian Delarue

Lutte de souveraineté anti-oligarchique ou lutte contre la classe dominante

Je repends ici un vieux débat (dans Attac Rennes d’avant l’AG de Rennes de juin 2006) entre partisans du socialisme (accord jadis ici) mais sur des bases théoriques différentes car il ressurgit.

I - Une France sous empire des Etats-Unis et d’une mince oligarchie nationale

On retrouve chez des camarades (cf 1) la vision d’une France anciennement sociale (celle post 45) devenue quasi-colonisée, plus tard, par l’oligarchie des USA et ce en lien avec notre propre oligarchie . Cette façon de voir est pour moi (et d’autres) excessive et unilatérale et mène in fine à une collaboration de classe (des alliances à droite). Il y a dans cette théorisation du vrai (un peu) mais aussi des oublis (beaucoup) : quid de la classe dominante ? Quid du capitalisme hors du rôle de l’oligarchie , de son « impérialisme contre notre nation » ?

Les 0,001 % (évoqué) sont les ultras-riches tout à la fois « français d’origine et de résidence » mais néanmoins membres de la caste mondiale. Cette hyper-classe mondiale (autre nom) existe certes : ce n’est pas contestable . Elle est, pour une large part, le vecteur de la mondialisation capitaliste mais on ne saurait s’arrêter ici.

Pointons alors les enjeux : il s’agirait de mobiliser un peuple-nation, sauf le 0,001%, contre les Etats-Unis et ne pas mobiliser le peuple-classe contre le 1%. Autre aspect : L’ennemi de classe n’est-il finalement qu’externe et quasiment pas interne à la nation ? Faut-il privilèger la souveraineté à la lutte des classes ou pas ?

II- Remettre l’histoire, le capitalisme et la classe dominante

Pour nous et pour d’autres marxistes, il ne faudrait pas oublier qu’il existe un capitalisme national historique avec une classe dominante nationale toujours possédante et toujours bien active dans l’exploitation de la force de travail et dans toutes les autres formes de la domination sociale que je cite souvent sous ses trois champs principaux : classisme, sexisme, racisme, auquel s’ajoute la surexploitation de nature avec le productivisme, l’extractivisme, le carnisme.
Il ne faudrait pas faire non plus comme si après 1945 la France était devenue socialiste (ou très proche) car il y avait la Sécurité sociale (non étatisée et que nous défendons). Un Etat social s’est construit certes mais sous un capitalisme qui a perduré, un capitalisme avec sa classe dominante bicéphale à branche privé et branche publique.

Il faut donc distinguer cette petite oligarchie et la classe dominante du 1% qui ne sont pas des « dominants-dominés », sauf à la rigueur au niveau plancher du 1% . Les « dominants-dominés », forment grosso modo l’encadrement des 9% d’en-haut sous le 1%. Ils reproduisent les contraintes d’extorsion de la plus-value sur ceux et celles en-dessous tout en subissant eux-mêmes l’exploitation capitaliste. Ils sont juste mieux payés que les 90% - qu’on pourrait nommé le peuple social – disons entre 3500 et 8000€ net, ce qui n’est pas rien certes. Mais ce niveau de rémunérations ne fait pas souci . Ce n’est pas le cas pour les 20000 ou 25000€ par mois de l’échelon de commandement de Bercy, qui sont eux dans la classe dominante et au coeur de l’Etat stratège.

L’Etat stratège, à suivre Nicos Poulantzas, est chargé de coordonner les intérêts capitalistes à moment conjoncturel donné, les intérêts des différentes fractions de la classe dominante (industrie, finance, assurance, distribution, etc), comme le fait le MEDEF mais là en tenant compte des politiques de domination de classe réellement à mener contre le peuple-classe 99%. C’est du réel en acte pas un groupe de pression façon MEDEF. Il dit agir au nom de l’intérêt général . Il agit pour le 1% et pour l’oligarchie aussi. L’état participe à ce que la classe dominante le soit « en soi et pour soi »

Christian Delarue
Syndicaliste, altermondialiste

1) cf l’article « Il est temps d’en finir avec la bourgeoisie ! »