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Les Mariannes et le « carré républicain ». C Delarue
lundi 4 mai 2009, par
Les Mariannes et le « carré républicain ».
Les valeurs de la République ne sauraient se résumer en trois ou quatre termes. D’ailleurs pour certains La République est chose acquise depuis que les systèmes monarchiques ou impériaux semblent appartenir au XIX ème siècle et que la raison démocratique est passée dans les faits quoique de façon fort restreinte. En effet, la République, mise à part le débat sur sa forme « une et indivisible » en France, serait surtout la citoyenneté. Le principe en est acquis mais inscrit dans une société ou le capitalisme est dominant. De plus la République s’étant accommodé du colonialisme, la question surgit d’une autre République.
L’alter-république non seulement continue de refuser la monarchie mais critique aussi le présidentialisme républicain et exige l’extension de la citoyenneté. Par ailleurs, elle entend d’une part réduire la sphère du capital et d’autre part changer les rapports avec le Sud. Mais rabattre le fait républicain sur le fait démocratique et son régime économico-social a ses limites. La République se rapporte aussi avec le « vivre ensemble » toute classe sociale confondue mais sans dérive xénophobe (1). C’est pourquoi la carte d’identité de la République telle qu’affichée ostensiblement sur les frontons des bâtiments publics continue de se résumer à un triptyque connu. Parfois on y trouve en plus la laïcité. Ce qui relance le débat sur la République.
* Du tryptique au carré républicain.
Le triptyque historique de la République française était Liberté, Égalité, Fraternité. Une modification de la constitution a ajouté la laïcité comme valeur de la République. Nous pourrions donc avoir désormais « un carré républicain » pour encadrer la Marianne nationale.
Mais le goût pour les triptyques perdurent. Sur le site laic.fr je lis « Liberté, Égalité, Laïcité » avec le sous-titre "Pour un laïcité pleine et entière. Mais pourquoi faire disparaître la Fraternité élément essentiel de cohésion et de solidarité tant en interne qu’en externe notamment à l’égard des migrants. Il est vrai qu’un usage de la fraternité a justifié le paternalisme et le maintien des inégalités. Ce n’est pas une raison suffisante pour jeter la fraternité, que l’on pourrait nommer adelphité car les êtres humains ne sont pas tous frères. Egalité, adelphité enclenche une dynamique de République sociale voire de République socialiste. La République sociale figure d’ailleurs dans le même alinéa qui institue la laïcité comme valeur républicaine. Le Conseil constitutionnel a précisé lui à propos des nationalisations que la République sociale n’était pas la République socialiste. Mais le peuple-classe ne lui demandera pas son avis quand il établira l’autre France dans une autre Europe.
*Le carré républicain a un double contenu.
1 - Le carré républicain contient le triangle de la laïcité.
C’est Jean Bauberot qui évoque cette figure dans Télérama 2812 de décembre 2003. A la question « Comment peut-on définir la laïcité ? » le spécialiste de la laïcité répond : " Je la vois comme un triangle, un triangle malmené mais un triangle néanmoins.
Premier côté : le respect de la liberté de conscience et de culte.
Deuxième côté : la lutte contre toute domination de la religion sur l’Etat et la société civile.
Troisième côté : l’égalité des religions et des convictions.
2 - Le carré républicain pourrait contenir la Marianne et son bonnet phrygien.
Les Mariannes sur les documents officiels sont accompagnés du triptyque républicain ancien. Elles n’ont pas été actualisée par ce que l’on pourrait appeler le nouveau « carré républicain ». Or c’est la laïcité qui est aujourd’hui le symbole fort de l’intégration à la Nation. Ainsi, dans un rapport remis à la mi-avril 2009 au ministre de l’Immigration, le Haut conseil à l’intégration suggère plusieurs mesures à destination des étrangers et des jeunes Français qui pourraient se sentir exclus de la communauté nationale. Les « Mariannes » devraient être plus présentes dans les documents de l’Etat. Si les Mariannes doivent conserver le bonnet phrygien et éviter le voile islamique, nous suggérons que chacune d’elle soit entourée des quatre valeurs de la République.
* Le problème : Un carré républicain ne s’applique pas sur tout le territoire de la République
Un gros problème non résolu en 2004 est toujours à résoudre : Les lois laïques ne s’appliquent pas dans certaines parties du territoire, comme l’Alsace-Moselle et quelques Départements et Territoires d’Outre-Mer. Comme le souligne J.Baubérot dans un article paru dans le Monde en janvier 2004 : la deuxième partie du rapport Stasi, publié un mois plus tôt, affirme : « La laïcité n’a pas les mêmes contours à Paris, Strasbourg, Cayenne ou Mayotte. » Toutefois, dans la suite du rapport, il n’est précisément question que de la laïcité telle que vécue à Paris. Pas un mot sur Cayenne et Mayotte ; et on ne retrouve Strasbourg que dans la quatrième partie pour réaffirmer qu’il n’est pas question de « [remettre] en cause le statut particulier de l’Alsace- Moselle ». Dès lors, une question se pose : la laïcité française peut-elle accepter et perpétuer ces exceptions tout en affirmant le caractère incontournable de la laïcité dans la Constitution et l’identité françaises ?
Pour un juriste, il y a deux laïcités : la laïcité séparation de la loi de 1905 et la laïcité constitutionnelle depuis 1946 reprise de façon encore plus explicite en 1958. Cette laïcité de valeur supérieure dispose d’un contenu plus incertain. Mais en son nom on pourrait engager le règlement de la question de son champ d’application.
On le voit, le débat sur les symboles débouche sur des enjeux relativement importants.
Christian Delarue