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Le spencérisme accommodé par le néolibéralisme. C Delarue
mardi 6 décembre 2011, par
Le spencérisme accommodé par le néolibéralisme.
Note sur une généalogie.
La pensée issue de Herbert Spencer constitue une rupture dans la pensée libérale ; une rupture qui ne veut ni démocratie ni Etat social.
Le spencérisme a déjà été vigoureusement critiqué par Patrick TORT au titre de la falsification de Darwin (Spencer applique la sélection naturelle aux humains alors que Darwin la limite aux animaux et évoque pour les humains des instincts sociaux protecteurs et anti-sélectifs qui caractérise la civilisation) . Une première lecture au milieu des années 80 critiquait Spencer en opposition à Darwin mais aussi à la poussée de la sociobiologie. Patrick Tort a d’ailleurs participé à un ouvrage contre la sociobiologie.
Plus tart, pour ma part, j’ai souvent et assez facilement fait le lien entre Hobbes (Homo homini lupus), Spencer et le néolibéralisme mais plus par association évidente de thèmes - notamment celui de la concurrence effrénée - que par filiation idéologique serrée. On doit, entre autres, à Pierre DARDOT et Christian LAVAL (dans La nouvelle raison du monde Essai sur la société néolibérale) une production de cette filiation du néolibéralisme au spencérisme et non aux libéraux classiques. Le fait est d’importance.
« Le spencérisme est un véritable tournant » (p 135).
Pierre DARDOT et Christian LAVAL vont donc montrer en quoi le spencérisme se distingue de Tocqueville, Bentham et Mill puis ils vont montrer que le spencérisme a été repris par d’autres dont William Graham Sumner (1840 - 1910) puis Hayek mais aussi
Le libéralisme économique met l’accent sur la spécialisation et la division du travail alors que le spencérisme va lui se focaliser sur la sélection. La lecture des propos férocement anti-sociaux de Spencer montre d’emblée toute la différence avec Tocqueville qu’avec Darwin et avec de nombreux libéraux classiques qui admettaient une intervention correctrice de l’Etat.
Le libéralisme fonde l’échange marchand sur la nature alors que le spencérisme fonde le concurrentialisme sur un constructivisme. L Von Mises suivra ce fil constructiviste néolibéral en fondant « une science de l’agir humain ».
Le libéralisme ancien s’accommode certes des inégalités mais ne débouche pas nécessairement sur l’exclusion des faibles alors que le concurrentialisme spencérien le pose nécessairement et explicitement. Pour Spencer puis Graham Sumner, puis Hayek et d’autres l’Etat ne doit surtout pas aider les faibles - pays faibles, ou entreprises faibles ou individus faibles - ce que le libéralisme classique n’interdisait pas pour peu que le système marchand soit préservé. Contre Spencer, un libéral comme JA Hobson défendra l’intervention de l’Etat.
« La fonction du libéralisme dans le passé a été de mettre une limite aux pouvoirs des rois. La fonction du libéralisme dans l’avenir sera de limiter le pouvoir de parlements soumis à la pression impatientes de masses incultes ». C’est là le propos de Spencer (cité par PD et CL) in « L’individu contre l’Etat ». Le thème de l’impatience des masses sera repris par Hayek dans La Route de la servitude.
Christian DELARUE